Quand on étudie la paléontologie humaine, c’est la complexité des outils utilisés par telle ou telle espèce qui détermine son degré de raffinement et de modernité. A notre ère, bien que d’autres paramètres soient à prendre en compte pour peindre le portrait de l’Homme Moderne, la finesse des outils que nous utilisons demeure un caractère discriminant quant à notre position sur l’échelle de développement d’un monde fracturé. Les produits audio et photo occupent une place de choix dans notre consommation, les écrans sont partout, les appareils photo font du quidam moyen un paparazzi en puissance, ou chez nous, plutôt un reporter de choc au coeur des émeutes protestataires. L’un des lieux les plus riches en informations dans l’étude de la consommation est peut être le bus, on y voit des appendices accrochés aux oreilles de plus en plus de jeunes, écouteurs ou kits mains libres, témoins discrets de l’omniprésence des consommables audio. Après la téléphonie, votre rubrique Conso se focalise en quelques lignes sur le lecteur MP3 de l’Homme Moderne, ainsi que sur son appareil photo. Comment l’algérien aborde t-il ces outils et qu’en attend-il ? La Conso est dans tous ses états ce mois.
Conso MP3 : TIC, Toc, et chinetoc !
La musique est peut être la denrée électronique la plus accessible. Pouvons-nous même parler de consommation quand toute la musique du monde est à portée de clics ? Peut être pas en ce qui concerne les fichiers en tant que tels, vu que les commerces eux-mêmes vendent de la musique téléchargée selon des protocoles qui, sous d’autres cieux, sont illégaux. Cela dit, il y a bien un marché du baladeur MP3, et quel marché ! De plus en plus petits et proposants de plus en plus d’options, ils connaissent un succès peu désavoué depuis une décennie. Nous pouvons distinguer deux modes de consommation principaux :
Alors que les modèles à pile tendent à disparaitre, la proportion des lecteurs non contrefaits fond comme neige au soleil. Il est question ici de baladeurs MP3 à mémoire flash, préférés aux modèles à disque dur. « L’essentiel des ventes concerne les modèles à 4 ou 8Go alors qu’avant, on parlait encore en mégaoctets. Les gens choisissent les modèles petits par la taille et le prix, les autres options comme la lecture vidéo n’intéresse presque personne, ils ne posent même pas de questions sur l’autonomie ou les formats pris en charge». Nous parlions avec le gérant d’un magasin spécialisé en la matière lorsqu’un client entra dans la boutique. Ce dernier présenta ce qui ressemble à s’y méprendre à un iPod Shuffle 2010 et explique que « celui-là non plus n’a pas fonctionné ». Sans sourciller, le gérant le lui échange contre un autre iPod Shuffle et dit qu’il espère que cette fois-ci sera la bonne. Un peu surpris, car deux iPods achetés en magasin ne peuvent pas décemment dysfonctionner, nous nous intéressons à l’objet de plus près. « Il n’a pas eu de chance, les autres clients étaient contents d’avoir un baladeur MP3 comme celui-là à 2 000DA ». Il s’agissait d’une contrefaçon.
Il fut une époque où la vente d’un produit contrefait se faisait à l’insu de l’acheteur, quand le toc est aujourd’hui complètement décomplexé. Parfois, une affiche sur la vitrine précise «Walkman chinois », d’autres fois, à l’intérieur du magasin, vous trouvez un coin dédié aux produits de marques, quand le reste est ouvertement contrefait. Soyons francs, mise à part dans les succursales officielles, notamment celle d’Apple ou quelques papèteries et boutiques non spécialisées, nous n’avons pas trouvé de magasin libre de contrefaçon ! « Il y a différents produits pour différentes clientèles. Avant d’acheter, on me demande trois choses : la capacité de stockage, le prix, et est ce que le lecteur est « horr » (original). Maintenant, il y en a qui privilégient la qualité, ils veulent un produit qui dure dans le temps, mais beaucoup sont tentés par un modèle qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’original et qui coûte 5 fois moins chère», nous a confié un autre vendeur.
Autre symptôme de l’omniprésence du toc, en surfant sur les sites de vente entre particuliers, les descriptifs laissent peu de doutes sur le fait que le consommateur ait complètement banalisé la notion de produits contrefaits. On y trouve des déclarations comme « importé d’Espagne, pas de Chine ! », ou encore « iPod chinois fonctionne très bien ! ». Les enseignements que cela nous apporte sont d’abord qu’il existe un réel intérêt, une réelle envie de consommer comme tout Homme Moderne, ensuite que l’offre en la matière n’est pas adaptée au marché, contrairement à celle de la téléphonie ou des téléviseurs qui proposent des solutions moins décalées avec le pouvoir d’achat du ménage moyen. Ce décalage ne s’apprécie pas en valeur absolue, un lecteur MP3 étant toujours moins chère qu’un téléviseur, mais le consommateur n’est pas prêt à y mettre le prix, il lui préférera un téléphone intelligent.
La meilleure protection contre la contrefaçon serait de rendre le rêve accessible, car même dur à acquérir, un produit de qualité sera préféré. On se rabat sur la contrefaçon non pas face à la difficulté, mais plus souvent face à la superficialité de l’achat, comparé aux autres solutions sur le marché. Peut être cette impression est elle passagère, les témoignages que nous avons recueilli et qui vont dans ce sens coïncidant avec la flambée des prix des produits alimentaires, provoquant une exaspération populaire en ce concerne tout acte d’achat. D’autres témoignages rejoignent le second mode de consommation.
Pour deux modèles de téléphone équivalents en prix et en options, celui avec une entrée universelle pour les écouteurs sera préféré. Le kit mains libres devient un substitut crédible au lecteur MP3 à partir du moment ou la carte mémoire du téléphone peut emmagasiner assez de chansons (2 ou 4 Go suffisent pour la plupart) et où la navigation jouit d’une bonne ergonomie. La convergence est synonyme d’esprit pratique, qui plus est, le téléphone intelligent est encore une fois le meilleur ami de l’Homme Moderne. Par exemple, le Sony Ericsson Xperia X10 possède en plus de tout cela un appareil photo numérique 8,1 mégapixels. Certains poussent le vice jusqu’à embarquer un capteur optique 12 mégapixels comme le Nokia N8. Quelle meilleure transition pour entamer le sujet des appareils photo numériques !
Conso photo : Zoom sur le Sony DSC-W330, un compact lowcost à 14 mégapixels
Pourquoi se focaliser sur ce modèle en particulier ? Il n’est pourtant ni le plus performant, ni le plus high tech des appareils ultracompacts en circulation. Pas de stabilisation optique de l’image, moins de retouches possibles à partir de l’appareil photo, détection faciale qui ne fait pas de différence entre adultes et enfants, réduction du bruit moins efficace que sur le reste de la gamme, pas de zoom optique en mode de capture vidéo, alors pourquoi ce modèle ? La longévité? Les chiffres démontrent qu’un dixième des appareils photo compacts tombent en panne dans les deux ans après leur achat, et le DSC-W330 ne dérogeait pas à la règle. Il doit donc y avoir autre chose. D’ailleurs, le fait que les options susnommées existent sur le DSC-W350, 30 euros seulement plus onéreux aurait dû attirer notre attention sur ce dernier bien d’avantage. Cela dit, le DSC-W330 est l’exemple type du produit qui sait se faire méchamment envisager quand il trône dans une vitrine. Pourquoi ? Parce qu’encore trop souvent, seul le nombre de pixels associé au prix est pris en compte par l’acheteur. Faisons un petit exercice, entre un 12 mégapixels à 34.500DA dans une grande surface à Bab Ezzouar et un 14 mégapixels à 18.000DA dans un magasin d’électronique à Hassiba, que pensez vous que l’acheteur lambda va choisir? Oui, le DCS-W330 14 mégapixels à 18.000DA ! Qu’importent les options vu que les 14 mégapixels donnent l’illusion que la qualité de l’image sera optimale, alors que la qualité dépend d’un tout (notamment de la maîtrise de l’utilisateur), et non pas uniquement du chiffre affiché à coté de la mentioN Carl Zeiss sur l’objectif.
En conclusion,la simplicité d’utilisation d’un appareil photo numérique que recherchent les consommateurs témoigne du manque d’expérience de nombre d’entre eux en la matière. Prendre des clichés en contre jour, dans un environnement sombre, dans différentes configurations, cela requiert de lire le manuel et de s’entrainer, prendre le temps de naviguer dans tous les menus pour saisir les subtilités de la prise d’une photo numérique. En attendant que ces finesses s’intègrent dans les esprits, l’Homme Moderne à l’algérienne aura peut être des photos un peu floues à ses prochaines vacances.
N'TIC 51 / JANVIER 2011