L'Algérie se dotera dès les prochains mois d'une loi portant règles particulières relatives à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux technologies de l'information et de la communication.Ce texte anticybercriminalité permettra de contrôler activement les activités des groupes terroristes sur le net. Elle risque également de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives des internautes lambda.
L'Internet en Algérie sera dorénavant placé sous haute surveillance. Le projet de loi portant règles particulières relatives à la prévention et à la lutte contre les infractions liées aux technologies de l'information et de la communication permettra aux services de sécurité et à la justice de contrôler les flux d'informations circulant sur la toile. La loi en question, qui est actuellement au niveau de la commission juridique de l'Assemblée populaire nationale, prend en compte les aspects liés à la procédure et à la prévention. «La particularité de ce projet de texte réside dans le fait qu'il combine des règles de procédure, venant compléter le code de procédure pénale, à des règles préventives dont le but est de permettre une détection précoce des attaques probables et une intervention rapide pour localiser leurs origines et identifier leurs auteurs», peut-on lire dans l'exposé des motifs présentés par le législateur. Les dispositions de ce texte ciblent en premier lieu les groupes terroristes qui sont particulièrement actifs sur Internet. La surveillance des communications électroniques étant un des principaux axes d'intervention. Cet aspect est explicité dans l'article 4 qui détermine les cas dans lesquels les opérations de surveillance peuvent être effectués : «Pour prévenir les infractions qualifiées d'actes terroristes ou subversifs et les infractions contre la sûreté d'Etat ; lorsqu'il existe des informations sur une atteinte probable à un système informatique représentant une menace pour les institutions de l'Etat, pour la défense nationale ou pour l'ordre public ; pour les besoins des enquêtes et des informations judiciaires lorsqu'il est difficile d'aboutir à des résultats intéressant les recherches en cours sans recourir à la surveillance électronique ; dans le cadre de l’exécution des demandes d’entraides judiciaires internationales ».
Super-magistrat et agents spéciaux
Cet article précise également que les opérations de surveillance ne peuvent être effectuées que sur autorisation de l’autorité judiciaire. Mais voilà, cette attribution relève du pouvoir exclusif du procureur général près la cour d’Alger. La loi anti-cybercriminalité lui attribue donc le statut de super-magistrat avec la possibilité d’intervenir au-delà de la compétence territoriale de sa juridiction. En d’autres termes, l’ouverture d’une enquête à Tamanrasset, Tébessa ou Djelfa sera soumise à l’aval du parquet d’Alger. L’action opérationnelle sera, elle aussi, le domaine réservé d’agents spéciaux. Issus des différents corps de sécurité, ils seront intégrés à un «organe national chargé de la prévention et de la lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication». Selon l’article 14, cet organe est chargé «de la dynamisation et de la coordination des opérations de prévention et de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication ; l’assistance des autorités judiciaires et des services de police judiciaire en matière de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication y compris à travers la collecte de l’information et les expertises judiciaires ; l’échange d’informations avec ses interfaces à l’étranger aux fins de réunir toutes données utiles à la localisation et à l’identification des auteurs des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication». Notons que les modalités de fonctionnement de cette structure seront définies ultérieurement par un texte d’application.
Les providers tenus de coopérer
Pour parvenir à surveiller efficacement le flux d’informations sur la toile, les agents de l’organe de prévention pourront compter sur l’assistance des opérateurs d’accès à Internet. Un chapitre de la loi leur est d’ailleurs consacré. «Dans le cadre de l’application des dispositions de la présente loi, les fournisseurs de services sont tenus, dans la limite de leurs capacités techniques, de prêter leur assistance aux autorités chargées de l’enquête judiciaire pour la collecte ou l’enregistrement, en temps réel, des données relatives au contenu des communications et de mettre à leur disposition les données qu’ils sont tenus de conserver en vertu de l’article 11. Sous peine des sanctions prévues en matière de violation du secret de l’enquête et de l’instruction, les fournisseurs de services sont tenus de garder confidentielles les opérations qu’ils effectuent sur réquisition des enquêteurs et les informations qui s’y rapportent (art.10). Les fournisseurs de services s’engagent à conserver : les données permettant l’identification des utilisateurs du service ; les données relatives aux équipements terminaux de communications utilisés ; les caractéristiques techniques ainsi que la date, le temps et la durée de chaque communication ; les données relatives aux services complémentaires requis ou utilisés et leurs fournisseurs ; les données permettant d’identifier le ou les destinataires de la communication ainsi que les adresses des sites visités (art 11).» Les providers qui n’appliquent pas ces mesures risquent de 6 mois à 5 ans de prison ferme en plus d’une amende de 5 à 50 millions de centimes. Outre les mesures de l’article 11, les opérateurs d’accès sont soumis à des «obligations» plus restrictives pour les utilisateurs d’Internet. Ainsi, ils devront «intervenir, sans délais, pour retirer les contenus dont ils autorisent l’accès en cas d’infraction aux lois, les stocker ou les rendre inaccessibles dès qu’ils en ont prix connaissance directement ou indirectement (…) mettre en place des dispositifs techniques permettant de limiter l’accessibilité aux distributeurs contenant des informations contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et en informer les abonnés (art 12). Cette disposition ne l’indique pas explicitement mais on pourrait comprendre que les providers seront dans l’obligation d’imposer un système de «contrôle parental» à l’ensemble de leurs abonnés.
Une loi liberticide ?
Il est clair que l’Algérie, comme l’ensemble des Etats, se devait de mettre à jour sa législation pour lutter contre la cybercriminalité. C’est notamment le cas pour les sites «djihadistes» utilisés par Al-Qaïda Maghreb pour attirer de nouvelles recrues ou pour médiatiser ses actes terroristes. Cette surveillance doit également concerner les sites consacrés à la pédophilie, un phénomène qui pourrait prendre de l’ampleur en Algérie, ou encore le crime organisé. Reste que certains termes utilisés par le législateur pourraient prêter à confusion. En effet, «les actes subversifs (art 4)» ou encore «informations contraires à l’ordre public (art 12)» sont des notions génériques qui restreignent l’utilisation d’Internet en Algérie. Depuis quelques années, le net est devenu un véritable espace de liberté pour de nombreux Algériens. A la lueur de cette loi, que risque un internaute qui lance un blog appelant au boycott de l’élection présidentielle ? Cela serait-il assimilé à un «acte subversif» ?
Source: Le Soir d'Algérie
Super-magistrat et agents spéciaux
Cet article précise également que les opérations de surveillance ne peuvent être effectuées que sur autorisation de l’autorité judiciaire. Mais voilà, cette attribution relève du pouvoir exclusif du procureur général près la cour d’Alger. La loi anti-cybercriminalité lui attribue donc le statut de super-magistrat avec la possibilité d’intervenir au-delà de la compétence territoriale de sa juridiction. En d’autres termes, l’ouverture d’une enquête à Tamanrasset, Tébessa ou Djelfa sera soumise à l’aval du parquet d’Alger. L’action opérationnelle sera, elle aussi, le domaine réservé d’agents spéciaux. Issus des différents corps de sécurité, ils seront intégrés à un «organe national chargé de la prévention et de la lutte contre les infractions liées aux technologies de l’information et de la communication». Selon l’article 14, cet organe est chargé «de la dynamisation et de la coordination des opérations de prévention et de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication ; l’assistance des autorités judiciaires et des services de police judiciaire en matière de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication y compris à travers la collecte de l’information et les expertises judiciaires ; l’échange d’informations avec ses interfaces à l’étranger aux fins de réunir toutes données utiles à la localisation et à l’identification des auteurs des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication». Notons que les modalités de fonctionnement de cette structure seront définies ultérieurement par un texte d’application.
Les providers tenus de coopérer
Pour parvenir à surveiller efficacement le flux d’informations sur la toile, les agents de l’organe de prévention pourront compter sur l’assistance des opérateurs d’accès à Internet. Un chapitre de la loi leur est d’ailleurs consacré. «Dans le cadre de l’application des dispositions de la présente loi, les fournisseurs de services sont tenus, dans la limite de leurs capacités techniques, de prêter leur assistance aux autorités chargées de l’enquête judiciaire pour la collecte ou l’enregistrement, en temps réel, des données relatives au contenu des communications et de mettre à leur disposition les données qu’ils sont tenus de conserver en vertu de l’article 11. Sous peine des sanctions prévues en matière de violation du secret de l’enquête et de l’instruction, les fournisseurs de services sont tenus de garder confidentielles les opérations qu’ils effectuent sur réquisition des enquêteurs et les informations qui s’y rapportent (art.10). Les fournisseurs de services s’engagent à conserver : les données permettant l’identification des utilisateurs du service ; les données relatives aux équipements terminaux de communications utilisés ; les caractéristiques techniques ainsi que la date, le temps et la durée de chaque communication ; les données relatives aux services complémentaires requis ou utilisés et leurs fournisseurs ; les données permettant d’identifier le ou les destinataires de la communication ainsi que les adresses des sites visités (art 11).» Les providers qui n’appliquent pas ces mesures risquent de 6 mois à 5 ans de prison ferme en plus d’une amende de 5 à 50 millions de centimes. Outre les mesures de l’article 11, les opérateurs d’accès sont soumis à des «obligations» plus restrictives pour les utilisateurs d’Internet. Ainsi, ils devront «intervenir, sans délais, pour retirer les contenus dont ils autorisent l’accès en cas d’infraction aux lois, les stocker ou les rendre inaccessibles dès qu’ils en ont prix connaissance directement ou indirectement (…) mettre en place des dispositifs techniques permettant de limiter l’accessibilité aux distributeurs contenant des informations contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs et en informer les abonnés (art 12). Cette disposition ne l’indique pas explicitement mais on pourrait comprendre que les providers seront dans l’obligation d’imposer un système de «contrôle parental» à l’ensemble de leurs abonnés.
Une loi liberticide ?
Il est clair que l’Algérie, comme l’ensemble des Etats, se devait de mettre à jour sa législation pour lutter contre la cybercriminalité. C’est notamment le cas pour les sites «djihadistes» utilisés par Al-Qaïda Maghreb pour attirer de nouvelles recrues ou pour médiatiser ses actes terroristes. Cette surveillance doit également concerner les sites consacrés à la pédophilie, un phénomène qui pourrait prendre de l’ampleur en Algérie, ou encore le crime organisé. Reste que certains termes utilisés par le législateur pourraient prêter à confusion. En effet, «les actes subversifs (art 4)» ou encore «informations contraires à l’ordre public (art 12)» sont des notions génériques qui restreignent l’utilisation d’Internet en Algérie. Depuis quelques années, le net est devenu un véritable espace de liberté pour de nombreux Algériens. A la lueur de cette loi, que risque un internaute qui lance un blog appelant au boycott de l’élection présidentielle ? Cela serait-il assimilé à un «acte subversif» ?
Source: Le Soir d'Algérie