Sur les traces des flibustiers et autres arnaqueurs du Net
Le développement des nouvelles technologies de l’information ouvre un nouvel espace pour les comportements illicites. La cybercriminalité en plein boom. L’escroquerie connaît de beaux jours grâce au réseau des réseaux. L’arnaque en utilisant le courrier électronique se répand comme une traînée de poudre. L’appât du gain, miroité généreusement, est utilisé pour attirer les crédules.
De plus en plus d’internautes mordent à l’hameçon ! Le même type de message est apparu d’abord dans des courriers rédigés à la main puis à la machine, sur des fax et maintenant dans des e-mails. Tous connaissent le même procédé : ils doivent faire sortir du pays des sommes coquettes. Votre assistance est demandée dans la mesure où pour d’obscures raisons politico-juridiques, votre correspondant a besoin d’un prête-nom qui devra ouvrir personnellement un compte dans une institution financière de son pays et lui en transmettre le numéro. Exemple : on peut recevoir une proposition d’un prétendu héritier qui désire de l’aide pour profiter des millions de dollars moyennant 20%, ou d’une organisation voulant faire de vous son représentant à condition que vous veniez au siège moyennant des frais d’assurance, ou encore un distributeur cherchant des produits pour une somme astronomique que vous seul pourriez lui fournir. Quelles sont les règles pour détecter l’arnaque ? Tout d’abord, l’origine inconnue et non sollicitée du mail. Ensuite, « l’urgence » de l’opération proposée (pour une raison ou une autre). Parfois, certaines origines sont clés : le Nigeria en particulier est spécialiste de ce genre d’escroquerie. Si l’offre est intéressante et réaliste, on peut toujours renvoyer un mail poli mais prudent demandant des confirmations, et indiquant que vous êtes conscient de l’existence d’arnaques fréquentes par e-mail. Cela suffit généralement à décourager le fraudeur. Mais attention, certains n’hésitent pas à utiliser des faux documents pour se justifier. Où est l’arnaque ? Elle est dans les frais, généralement annoncés au dernier moment, en urgence, juste avant de toucher le pactole. Et dès les frais payés, le trésor s’évanouit, votre interlocuteur file à l’anglaise. Et ce type d’escroquerie est massif (des millions de mails, des milliers de victimes), rentable (très peu de condamnations) et cela donne forcément de l’imagination aux escrocs. Il est malheureusement impossible d’endiguer de manière définitive ces envois en masse car, lorsque le compte d’un expéditeur est bloqué, les escrocs ouvrent immédiatement une nouvelle adresse électronique. L’auteur, se faisant passer pour un haut dignitaire de son pays (souvent, mais pas toujours, le Nigeria) prétend disposer d’une somme considérable, acquise malhonnêtement, qu’il cherche à faire passer à l’étranger. Le naïf qui accepte de l’aider contre la promesse d’une commission extrêmement généreuse se voit bientôt demander des « avances » pour couvrir divers frais.
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Négociations assurées et contrat de dupes
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Les avances ne cessent d’augmenter jusqu’au jour où l’escroc disparaît avec cet argent, laissant le dupe sans recours possible. Nous avons reçu nous-mêmes un mail d’un certain Issa Touré qui nous fait une drôle de proposition. « C’est avec un réel plaisir que j’ai l’honneur de vous soumettre cette opportunité d’affaires. En effet, nous aimerions avoir un projet dans votre pays dans divers domaines, à savoir l’import-export, l’immobilier, les transports et la création de sociétés rentables. L’argent nécessaire pour finaliser tous ces travaux de construction et autres égale à 29 000 000 USD disponible actuellement à Cotonou dans une structure de consigne privée. Nous vous confions tous ces travaux de construction et autres ainsi que l’argent nécessaire à notre projet », écrit-il. Il souhaite que nous soyons son « unique conseiller » et promet « un pourcentage sur tout le montant ». Il souhaite aussi « une rencontre pour une négociation assurée. Cette rencontre nous permettra sans doute de nous familiariser davantage et d’avoir une idée globale sur les fonds nécessaires à notre projet que nous vous remettrons personnellement, sans oublier votre commission (15%) du montant total après la signature du protocole d’accord commercial, ce qui représente un contrat de garantie et de management entre les deux parties ». Bien sûr, Issa Touré se garde bien de donner le moindre détail sur sa personne. Il a pris une adresse sur Yahoo. Nous avons décidé de lui répondre et lui demander de plus amples informations. « Avant que tout ne se passe réellement, il va falloir que vous veniez ici au Bénin comme étant notre partenaire d’affaires. Et ensemble, nous allons vous accompagner à la Banque centrale où vous allez ouvrir un compte en devises sur lequel nous allons déposer les fonds et après passer au transfert des fonds dans votre compte à l’extérieur du Bénin. Voilà un peu comment nous allons procéder pour que nous réussissions cette affaire en beauté au début de la nouvelle année 2007 », précise-t-il. Pour plus de précisions, il nous demande nos contacts téléphoniques pour nous expliquer réellement cette affaire par téléphone. Il nous demande aussi de lui envoyer une copie de notre passeport par pièce jointe attachée, au prochain mail, notre casier judiciaire et notre rang social ainsi que notre situation familiale et « le nombre d’enfants si vous en avez bien sûr ». Il justifie ces demandes « pour savoir si je peux compter sur vous. Car cette somme est très énorme pour s’amuser ». Il se veut rassurant toutefois : « Mais je pense que je peux vraiment compter sur vous pour cette affaire ». Ainsi, notre interlocuteur veut tout savoir sur nous mais ne laisse rien filtrer sur son identité. Dans un autre mail, nous lui demandons ses coordonnées. Il trouve une échappatoire pour dissiper nos doutes : « Mon numéro est en dérangement actuellement et je pense remédier à ce problème d’ici mardi prochain. Je voudrais m’assurer de votre bonne volonté afin de commencer toute démarche avec vous. Merci de bien vouloir me communiquer votre numéro de portable pour l’entretien ». Par cet exemple, on comprend mieux comment ça fonctionne. Votre correspondant tente par tous les moyens de savoir le maximum de détails sur vous et voir si vous êtes le vrai pigeon à déplumer. Les escrocs profitent le plus souvent de la crédulité de certains internautes. L’appât du gain constitue un piège redoutable qui se referme sur vous si vous vous laissez tenter. Parmi les escroqueries les plus courantes figurent l’arnaque dite africaine, les loteries internationales et le phishing. Dans ce dernier cas, il s’agit de soutirer à l’internaute des informations sensibles (numéro de compte ou de carte bancaire, mots de passe, codes secrets). Selon les statistiques des forces de sécurité, 90% des victimes de ces escroqueries ne porteraient pas plainte. En réalité, on vous fait payer des frais d’avocats et de douanes et vous ne voyez jamais la couleur de l’argent.Ce genre de tromperie est très répandu. Connue sous le nom de « 419 scam », elle a déjà piégé de nombreux internautes qui voulaient soit rendre service (certains messages font vibrer la corde émotionnelle), soit gagner de l’argent sans trop d’effort. La brigade financière du Secret Service (service de police américain) reçoit de 300 à 500 e-mails par jour concernant cette escroquerie, qui ne rapporterait rien moins que plusieurs centaines de millions de dollars par an à ses investigateurs. Et l’on estime que seul un cas sur 10 serait rapporté. Le principe est simple et presque toujours assez similaire : il consiste à envoyer une lettre en provenance d’une personnalité d’un pays lointain. Celle-ci prétend avoir des ennuis judiciaires et cherche de l’aide pour transférer ses fonds à l’étranger, contre un pourcentage de sa fortune. Une fois le destinataire séduit par cette brillante idée, une correspondance s’engage aboutissant soit à ce que les escrocs récupèrent les coordonnées bancaires de leur victime et vident à distance son compte, soit à ce qu’ils la convainquent de venir dans leur pays pour la dépouiller physiquement de ses biens et de ses papiers d’identité. Si les mails en provenance du Nigeria, pays africain anglophone, ont été les premiers à se répandre, celui-ci n’est plus le seul. Ce type d’escroquerie fait partie des six grandes formes de fraudes sur Internet recensées par le FBI déjà en 2001. Il estime « qu’une arnaque sur dix marche ». Il faut se méfier en général des propositions où l’on vous promet de gagner de l’argent facilement. L’arnaque n’est pas nouvelle. Elle existait bien avant la généralisation d’Internet et se faisait alors par courrier postal ou par fax. Selon le Département d’Etat américain, ce genre de lettre est apparu dans les années 1980, au moment de la chute des cours du pétrole. Une situation de crise qui a poussé certains Nigérians à se tourner vers le « crime économique ». Aujourd’hui, les spams nigérians inondent la Toile. Internet a produit une véritable explosion de l’arnaque. Des escrocs de tous pays se cachent derrière des identités inventées. Contactée, la Gendarmerie nationale confirme l’existence de ce phénomène qui touche aussi l’Algérie. « C’est de la criminalité sur le Net ou la cybercriminalité comme on l’appelle juridiquement. Les gens sont piégés par la convoitise. Malheureusement, il n’y a pas de dépôt de plainte », confirme la direction de la communication. Les flibustiers du Net peuvent ainsi sévir en toute impunité.
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Le piège se referme petit à petit
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Un phénomène bien connu depuis longtemps. Il nous ont fourni un document qui met en exergue un projet initié par les Espagnols depuis le mois d’octobre 2003 et qui porte sur des activités d’escroquerie de la filière dite « loterie nigériane » ou « Nigerian connection » dont les méthodes sont variées, prix, loterie, lettre et toutes autres formes de fraude par courrier électronique ou ordinaire (ouverture de comptes bancaires au moyen de faux passeports et fausses pièces d’identité). La victime reçoit des offres avec un ou plusieurs faux billets marqués et on lui demande de l’argent pour effacer cette marque. La victime peut également recevoir des sollicitations, lui faisant croire qu’elle vient d’hériter d’une importante somme d’argent à rapatrier dans un autre pays. Ce problème causant des dommages financiers très importants, Interpol et Europol ont fait des pressions pour élaborer une stratégie efficace et engager une réflexion aux fins de répondre de manière plus déterminée. Mais comme il était difficile d’attaquer ces groupes criminels, il a été jugé nécessaire de collecter des informations sur les faits qui n’étaient pas coordonnés. Dans le cadre d’une approche nationale, l’Espagne a créé un organe de décision et de coordination pour lutter contre ce phénomène en essayant de comprendre le fonctionnement de ces réseaux, identifier l’activité des groupes sur le plan géographique et structurel et contacter les victimes. Le but étant de s’attaquer au sommet de la pyramide et remonter au plus haut niveau en identifiant les groupes qui agissent en Espagne et la structure de type international qui agit dans d’autres pays. Les résultats obtenus par les cellules d’investigation ont permis de remonter aux groupes libanais qui contrôlent la filière nigériane, confirmant que l’escroquerie n’est qu’un moyen pour obtenir de l’argent et le réinvestir dans d’autres activités illicites. L’Espagne a pu identifier 108 banques, 193 individus, 19 sociétés actives, localiser 59 millions de dollars et bloquer 1 million d’euros sur des comptes bancaires. La police espagnole qui s’est intéressée à ce phénomène de plus en plus important et préjudiciable qui s’étend à plusieurs pays et dont les auteurs agissent à partir de l’étranger, a consacré beaucoup de temps et d’efforts à ce problème et a fini par rassembler une véritable base de données sur les comptes bancaires recevant les virements, les noms des personnes physiques et morales bénéficiaires. L’Algérie devra se préparer à faire face à cette forme de criminalité financière et dangereuse.
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