Homme d’affaire visionnaire, Ali Boumediene, PDG de Bomare Company, grand acteur du secteur électronique local, voit en l’Algérie, un potentiel inégalé dans la production da’ ppareils électroniques. A travers ses efforts, celui-ci ne cesse de défendre la production nationale en s’engageant à importer le savoir technologique de pays leaders et préparer la jeunesse algérienne aux défis qui attendent le pays pour espérer en faire un vivier d’innovation technologique. Entretien.
N’TIC : Bomare company est devenu un acteur clé dans le secteur technologique. Pouvez-vous nous retracer les événements qui ont marqué l’entreprise durant son parcours ?
Ali Boumediene : L’histoire a commencé en 1992, à l’heure où l’Algérie s’ouvrait au secteur privé.
J’ai commencé avec un ami à importer de l’électroménager et du High-tech. C’est suite à un voyage en Corée avec Samsung que le tournant de l’électronique a été pris. Bomare Company a ensuite été créée en 2000. A l’époque nous avions d’abord commencé par faire de l’intégration manuelle de produits finis reçus de Corée puis plus tard nous sommes passés à l’étape de l’assemblage de kits, qui je ne vous le cache pas était avec un taux de non-conformité très élevé, qui atteignait les 80%. Il nous a donc fallu du courage pour continuer.
En 2005, nous avons installé notre première ligne d’insertion automatisée. Nous sommes rentrés en production une année plus tard après avoir formé nos ingénieurs. Nous avons décroché la certification ISO en 2010 et l’année suivante, nous avons installé notre première salle blanche. Ce dernier évènement nous a ouvert de plus larges perspectives, notamment pour les écrans grâce à un partenariat avec une entreprise coréenne qui travaillait à l’époque exclusivement avec LG et Samsung.
Nous avons d’ailleurs commencé à travailler avec LG en 2013, pour la fabrication de leurs écrans. Le contrat qui nous liait à eux devait prendre fin en 2016 mais a été étendu jusqu’en 2019. Par ailleurs, à l’occasion de l’IFA à Berlin, nous avons décroché un contrat de 50 millions de dollars avec un partenaire espagnol. Ceci nous a permis de clôturer 2016 avec un chiffre d’affaire de 6 millions de dollars et cette année à 4.5. Notre objectif pour l’année prochaine est de clôturer avec 10 millions de dollars. Nous sommes aussi heureux d’avoir mis en service deux SAV en Espagne et au Portugal pour supporter le marché. D’ici l’an prochain, on commencera aussi l’export des produits LG vers le marché maghrébin et subsaharien jusqu’à atteindre le marché européen.
N’TIC : Il se dit que vous avez été derrière la législation concernant la production de smartphones. Pouvez-vous nous en dire plus ?
A.B : En 2016, lors de la FIA, nous étions dans un pavillon dédié exclusivement à l’export. Le premier ministre de l’époque, lors de sa visite à notre stand avait pris en main un de nos smartphones puis m’a demandé quel était le taux d’intégration. J’avais répondu par 18-20%. Ce dernier avait jugé que c’était un peu faible. Je lui avais alors expliqu” que nous avions les moyens d’atteindre les 55%, mais qu’on était pénalisés en payant 5% de taxe de douane sur la matière première face à un importateur qui apporte un produit fini et qui paye 5%. Il fut très surpris et nous a promis d’étudier la question. Un an après, nous avons reçu une communication qui déclare que le gouvernement va réglementer l’importation et met des quotas sur l’importation de produits finis poussant des marques comme LG ou Samsung à faire l’assemblage ici en Algérie.
N’TIC : Est-il possible selon vous de fabriquer des smartphones ici en Algérie sans avoir des salles blanches ?
A.B : Ceux qui disent fabriquer des smartphones à 100% en Algérie sans même avoir l’infrastructure adéquate ne font qu’essayer de leurrer les citoyens. Allez dans n’importe quelle usine au monde, vous trouverez des salles blanches. Il est impossible de fabriquer un smartphone dans un environnement outside. Sans salle blanche on ne fait que du packaging.
N’TIC : On attend déjà l’arrivée de la 5e génération de téléphonie mobile dans quelques années. Est-ce-que Bomare Company vise le marché des objets connectés ?
A.B : Bomare Company suit l’évolution technologique. Nous sommes conscients qu’un jour, le smartphone sera appelé à disparaitre, laissant place à des objets connectés tel que des bracelets. En matière de production, je peux dire que oui, nous sommes prêts à fabriquer des objets connectés. Avons-nous le matériel adéquat ? Encore une fois oui. Car nos partenaires ont déjà développé ce genre de produit, il y a de cela quelques années. On est prêts et nous avons les moyens de fabriquer des objets connectés.
NTIC : Concernant la gamme de smartphones produites, comptez-vous produire des modèles premiums ?
A.B : Pour l’instant, nous ne voyons pas ça nécessaire. Il faut être honnête avec soi, et admettre que pour l’instant, un consommateur qui est prêt à débourser aux alentours de 100 000 DA, le fera pour une marque très prestigieuse, même si notre produit est plus performant. Je pense que pour l’instant toutes les marques algériennes doivent éviter des produits premium mais plutôt étudier le marché. Cependant je tiens à préciser que ce n’est pas pour autant que l’on doit lésiner sur la technologie incorporée au détriment du produit.
N’TIC : Votre compagnie ne se contente plus de satisfaire la demande nationale, mais depuis quelques années vous êtes passés au-delà de la méditerranné. Quelle ambition a Bomare vis-à-vis de l’export ?
A.B : A mon avis, il faut aller vers l’export. Une entreprise après 5-6 ans d’existence doit avoir le courage et l’ambition d’aller ailleurs. Se limiter à un seul marché n’est pas favorable à l’expansion de l’entreprise. Pour nous producteurs, nous devons profiter de cette occasion en travaillant sur la qualité, la certification et l’export pour espérer être compétitifs. Nous avons par ailleurs, déjà acquis de nombreuses certifications, entre autres la certification « CE » et « Basma Djazairia » pour promouvoir notre marque à l’international.
N’TIC : Quelle est l’ambition de Bomare à moyen et à long terme ?
A.B : Le premier objectif est d’ouvrir davantage de showrooms en Algérie, mais aussi de toucher la France et l’Allemagne. L’Algérie consomme à peu près 1.8 million de téléviseurs par an. L’Allemagne à elle seule en consomme 12 millions par an. Si on arrive à décrocher des partenariats dans ces pays-là, on aura besoin de collaborateurs, et c’est pour cela que j’appelle les jeunes entrepreneurs à se lancer dans le domaine pour nous accompagner dans notre vision.
N’TIC : Bomare sera-telle présente au MWC de Barcelone ?
A.B : On sera présent mais pas en tant qu’exposant. Avec un taux d’intégration de 20%, c’est à mon avis très faible et ça me laisse croire qu’on n’est pas vraiment prêts. Ça ne sert à rien de participer sans avoir une vision derrière. Nous devons avoir plus d’intégration sur le marché algérien.
NTIC : Quel bilan faites-vous de l’année 2017 ?
A.B : Pour moi, l’année 2017 était synonyme de succès ! Le gouvernement a changé la loi relative à l’importation des smartphones grâce aux arguments que j’avais défendus en 2016. Aujourd’hui, c’est du concret et c’est une joie de l’apprécier enfin.