Créé en en mai 2010, Valdata est un bureau de conseil et d’ingénierie en amélioration de la performance industrielle. Kamel Belamine General Manager de Valdata revient dans cet entretien sur l'apport de la technologie dans la performance industrielle. Pour lui, la démarche de modernisation de l’outil de production nécessite un accompagnement des professionnels pour mener le projet à bon port.
N’TIC Magazine : Quel regard portez-vous sur le secteur industriel algérien à l’ère du digital ?
Kamel Belamine : Je dois vous dire tout de go que notre savoir-faire n’est pas du tout valorisée par un environnement industriel en retard de modernisation et par une certaine culture industrielle qui ne favorise pas l’excellence opérationnelle. Il faut sortir de l’état d’esprit qui prône des gains rapides et faciles, au détriment de la qualité, de la performance et du service au client, ceci est totalement antinomique avec l’état d’esprit industriel.
Quand on est dans l’industrie on s’inscrit dans le temps long ; on se met dans des stratégies de long voire de très long terme. C’est cette culture qu’il faudra favoriser. Parce que si l’on s’inscrit dans le temps long, forcément on a envie d’être excellent dans son domaine.
Aujourd’hui nous constatons que lorsque l’économie s’est emballée avec la montée en flèche des revenus pétroliers, beaucoup se sont lancés dans l’industrie en pensant que c’est un moyen de faire du « business » rapidement. Avec la crise il y a un phénomène de décantation qui s’opère et il y a un avantage à cela : celui de laisser en place ceux qui ont une stratégie de long terme au niveau industriel. Ceux-là sont réceptifs à tout ce qui est qualité, digitalisation, performance industrielle, optimisation, gestion, …etc. C’est cela que Valdata promeut, parce que l’on est enthousiaste à l’idée qu’à l’avenir on aura affaire à une génération d’industriels performants, que l’on sera honorés d’accompagner vers l’excellence et qui n’auront rien à envier aux entreprises de classe internationales.
N’TIC Magazine : Selon vous donc c’est cette génération de dirigeants industriels qui va porter ce projet de digitalisation du secteur ?
KB : Oui mais pas seulement, il y a aussi des dirigeants de la génération précédente et qui sont très dynamiques sur ces sujets, ils constituent un exemple pour les nouvelles équipes dirigeantes.
Le rôle du dirigeant est d’insuffler une réelle volonté au sein de l’entreprise d’aller vers la performance industrielle. C’est une question de survie pour les entreprises algériennes de surcroît dans un contexte de crise et d’une économie mondialisée. Il ne s’agit pas par exemple d’aller vers l’industrie 4.0 parce que c’est à la mode comme disent certains, mais c’est parce que c’est vital pour les entreprises aujourd’hui.
Si l’on continue à gérer l’industrie comme il y a 10 ou 20 ans, beaucoup d’entreprises se feront laminer tôt ou tard par le marché. Des entreprises se créent chaque jour par une nouvelle génération d’industriels qui sont au fait des nouvelles techniques digitales. Ceux qui ne prennent pas en considération ces nouveaux outils vont être dépassés, quand bien même ils sont les leaders du marché. Il est temps de prendre conscience que la temporalité liée à la dynamique ou l’agilité d’une entreprise a changé, le train n’attendra pas les retardataires.
N’TIC Magazine : Quel rôle les décideurs politiques doivent-ils jouer ?
KB : Une réelle prise de conscience des enjeux et de l’urgence de la question. Il s’agit de mettre en place une politique concrète et efficace pour aider les industriels à se moderniser. On pourrait s’inspirer de ce qui se fait ailleurs, comme par exemple des plans ‘’Robotique’’ lancés en Europe, et qui sont accompagnés par des mesures de défiscalisation. Cette modernisation est vitale pour l’entreprise algérienne qui doit fonctionner selon les performances et les standards internationaux.
N’TIC Magazine : Votre bureau d’études a-t-il reçu assez de sollicitations concernant l'optimisation des process de production par la digitalisation ?
KB : Sur le marché algérien, nous n’avons malheureusement pas suffisamment de projets de digitalisation industrielle, c’est un paradoxe alors que le potentiel de modernisation est immense. Mais depuis quelques mois, suite à un travail de vulgarisation, on commence à avoir des contacts sérieux et des entrepreneurs algériens font de plus en plus la démarche eux-mêmes pour nous rencontrer, signe que le sujet devient vraiment une préoccupation pour les dirigeants.
Outre la vulgarisation, nous devons en parallèle proposer des solutions techniques et commerciales pour présenter les choses en des termes tangibles, palpables et compréhensibles par tout le monde.
L’industrie 4.0 ce n’est pas un projet technologique mais un projet d’entreprise dans sa globalité. Tout le monde doit être impliqué. En clair, pour moderniser son outil de production, il faudra aussi moderniser son organisation. Il faut prendre le train de la révolution digitale maintenant sans attendre ! Il ne s’agit pas de tout changer, mais de se transformer en douceur, avec un changement de culture en entreprise. Le projet de transformation digitale doit être le « bébé » de tous au sein de l’entreprise. La technologie n’est qu’un moyen.
N’TIC Magazine : L'optimisation des process de production par la digitalisation implique-t-elle de lourds investissements ?
KB : Là encore un nouveau paradoxe, comparé à l’échelle d’investissement pour une ligne de fabrication, le niveau d’investissement requis pour une amélioration de la performance ou pour une digitalisation importante est relativement faible voire très faible. De plus le retour sur investissement est très rapide, de quelques mois à deux ans en moyenne. Il faut savoir cependant qu’il n’y a pas de solution standard sur étagère, en matière de digitalisation des entreprises industrielles. Chaque solution doit être customisée et adaptée à l’environnement spécifique de chaque industriel. Pour ce faire, il faut au préalable se faire conseiller via des études sur la partie process et production, sur l’organisation, le système d’information, etc. Pour proposer une solution, nous devons étudier l’environnement de l’industriel, ses contraintes, ses priorités, sa culture d’entreprise, et surtout tenir compte des facteurs humains.
N’TIC Magazine : Quels sont selon vous les secteurs les concernés par la digitalisation ?
KB : Tous les secteurs qui impliquent des process industriels, parce que ce qui manquait jusqu’à aujourd’hui c’était de faire le lien entre les process de production, les équipements et le back-office, c’est-à-dire le tableau de bord de gestion des dirigeants.
Aujourd’hui, la technologie s’est démocratisée les coûts ont baissé et on est en mesure de fournir des tableaux de bord simplifiés aux dirigeants qui auront accès à une information authentique qui provient du système de production. Parce que l’origine de la data vient du cœur de métier. Si on a l’information qui provient du cœur du métier jusqu’au tableau de bord de pilotage de l’entreprise sans aucune altération humaine, on saura que ce que l’on voit derrière son écran est le reflet du terrain.
A titre d’exemple, prenons la question des stocks qui est une problématique énorme dans le secteur de l’industrie. L’entreprise a besoin de savoir en un instant T quels sont ses stocks réels physiques et quelles sont ses consommations de matières premières. Le fait de connecter les stocks via des capteurs étudiés et fiables au tableau de bord de gestion, donnera un instantané de certaines valeurs financières liées aux flux de production.
N’TIC Magazine : Avez-vous accompagné des entreprises industrielles dans leur processus de digitalisation ?
KB : Lorsqu’on s’est installé en Algérie en 2010, c’était le secteur du BTP qui était en plein essor. Nous avons accompagné des entreprises du secteur des matériaux de construction et nous les avons aidées à gagner en productivité et en qualité, ces opérateurs sont devenus des vitrines pour Valdata.
Dans ce secteur je peux vous dire que nous avons en Algérie des entreprises qui sont totalement aux standards internationaux. Les dirigeants de ces entreprises ont compris tôt qu’il faut travailler à améliorer d’une manière significative leur performance.
Aujourd’hui, nous avons des projets en perspectives dans l’agroalimentaire, la mécanique, l’hydraulique, le secteur pharmaceutique, l’énergie, la logistique et l’industrie lourde.