Quand je travaillais en Allemagne, il y a quelques années, j’ai été surpris d’y trouver un autre rapport au logiciel que celui que je voyais en Algérie et même en France. J’ai notamment vu que la plupart des établissements et institutions du pays utilisaient des applications libres. Et j’ai découvert au passage une multitude de softwares inconnus pour moi jusqu’à présent.
C’est une chose que je n’ai pas rencontrée, ni en Algérie, ni en France. Alors que la grande majorité des postes de travail sont équipés du système d’exploitation Linux, les gens, les startups, les écoles, les établissements étatiques ont tendance à faire appel à des applications libres, open source.
Pour comprendre ce mouvement du logiciel libre, il faut remonter à ses débuts, dans les années 80.
La Free Software Foundation
Quand Richard Matthew Stallman, brillant étudiant de la MIT et hacker à ses heures, crée la Free Software Foundation (FSF) en octobre 1985, peu de gens auraient misé un Kopeck sur ce babacool idéaliste. Mais Richard Stallman est devenu ainsi pionnier et leader d’un mouvement qui soutient l’idée que le code source des logiciels et notamment du système d’exploitation ne doit pas être propriété d’une entreprise mais ouvert et disponible pour tout le monde gratuitement pour être modifié et réutilisé. En fait, il craignait et à juste titre, que nous nous retrouvions tous un jour, otages d’un cartel d’entreprises qui détiennent les secrets de tous les logiciels piliers de l’économie mondiale, et qu’elles se mettent à abuser de leur position en augmentant les prix et en ralentissant l’innovation.
En 1983, Richard Stallman lance le projet de développement d’un système d’exploitation alternatif, ouvert et gratuit qui pourrait peser contre les poids lourd du moment. Ce système porte un nom récursif, un de ces délicieux jeux de mots pour hackers : GNU pour « GNU is Not Unix ».
Comme Stallman n’a pas pu réunir assez de financements pour assurer le développement de GNU, il a fait appel à la communauté de volontaires. Ceci a créé une dynamique qui dure jusqu’à aujourd’hui, d’une communauté open source très engagée et très active. Il est même de bon temps de participer à un projet open source pour rester dynamique et montrer son engagement.
GNU a été presque totalement développé, sauf la pièce maitresse, le Noyau. Jusqu’en 1991 lorsqu’un étudiant américano-finlandais, Linus Torvalds, en fasse son sujet de Master. Il s’inspire pour cela de l’exemple de Minix donné par Andrew Tanenbaum dans son livre et l’améliore. Au final, le système d’exploitation GNU est aujourd’hui davantage connu sous l’appellation Linux.
Le mouvement du logiciel libre tient du mouvement sociétal, philosophique, économique et éthique ; et on se rend compte rétrospectivement du côté très visionnaire et très avant-gardiste de la chose. La FSF s’est attribuée pour mission la promotion du logiciel libre et la défense des utilisateurs.
Et il fallait pour cela protéger juridiquement la propriété du code source. Ainsi naquit la licence GNU GPL (ou simplement GPL) pour General Public Licence qui définit la très délicieuse notion de copyleft, transposition de la notion de copyright. La licence GPL et sa mouture suivante la LGPL donnent la liberté à chacun d’utiliser, de copier et de modifier et de distribuer le logiciel en question comme bon lui semble mais assortie d’obligations de distribuer le code source et de faire bénéficier la communauté des versions modifiées. La licence GPL est un objet juridique assez compliqué et bien ficelé qui a évolué au fil du temps pour s’adapter aux nouvelles contraintes du monde.
FSF a connu en 1998 une scission en son sein. Un groupe qui se veut plus en ligne avec la réalité économique du monde et qui prône l’Open Source plutôt que le Free ou Libre. Une vision qui défend la liberté d'accéder aux sources des programmes afin d'aboutir à une économie du logiciel dépendant des seules prestations et non des de licences d'utilisation. Ce mouvement mené par Bruce Perens et Eric Raymond conduit à créer une nouvelle organisation : la Open Source Initiative.
Bien que basées sur deux philosophies différentes, les deux mouvements Free et Open Source aboutissent souvent au même résultat pratique. Le terme FOSS sert alors à amalgamer les deux notions sans prendre parti.
La consécration de ce mouvement est qu’en 2004, la FSF et son équivalent francophone APRIL réussirent à faire inscrire le logiciel libre au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO ainsi qu’à inscrire GNU à la liste des Amis des Trésors du Monde. C’est dire l’ampleur de la réalisation. Et c’est ainsi que je voudrais que vous voyez la question : le code source libre est un patrimoine versé au pot commun de l’humanité, de la même manière qu’une création artistique qui va survivre à son auteur et qui va influencer de nouvelles vagues de création. Linus Torvalds est lui souvent considéré comme l’une des plus influentes personnalités contemporaines. En effet, le noyau Linux se trouve partout : de votre smartphone à la fusée qui entame son voyage aux confins de l’univers en passant par le serveur de votre banque, votre voiture ou dans les centrales nucléaires. C’est assez impressionnant pour un étudiant en Master de 21 ans. N’est-ce pas ?
Les nouveaux Business Models
Nous sommes submergés aujourd’hui de logiciels libres. Mais souvenons-nous que Bill Gates a fait sa fortune en signant des contrats lui assurant des redevances sur les volumes de vente de son système d’exploitation. A l’inverse, Odoo, Mozilla, Linux Foundation et les autres doivent non seulement nous fournir du software gratuitement, mais en plus ils nous fournissent les codes sources.
En plus d’un financement et d’une protection juridique, le FOSS doit trouver son business model pour assurer sa survie. Il existe autant de cas que d’entreprises. Parcourons quelques-uns :
Pour GNU, il existe aujourd’hui des dizaines de distributions, certaines communautaires développées et entretenues par des volontaires, comme Debian. D’autres sont commerciales, stables et garanties par des entreprises, comme Ubuntu développée par Canonical ou Red Hat propriété d’IBM. Elles disposent pour la plupart d’une version grand public et d’une version Entreprise à laquelle sont accolées des prestations payantes comme l’intégration et le support.
Pour Mozilla, une partie de la recette vient de son contrat avec Google pour le placer comme moteur de recherche par défaut.
Odoo (anciennement OpenERP) a plusieurs sources de revenus comme l’hébergement Cloud de la solution, la vente de la version Entreprise avec les modules spécialisés ou les prestations de support, migration, formation,…