Arnault Chatel est un expert mondialement connu dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Il était le mois dernier en Algérie dans le cadre du MBA-DMB spécialisé en digital marketing et business que l’EFAP Paris -HUB Institute a lancé en partenariat avec l’INSAG pour en faire le premier MBA du genre en Algérie. Nous l’avons rencontré lors de cette virée algérienne où il nous a offert un voyage à la fois palpitant et stressant dans le monde merveilleux de l’IA. Entretien.
N’TIC Magazine : D’abord Qu'est-ce que l’Intelligence Artificielle ?
Arnault Chatel : L’Intelligence Artificielle est un programme informatique un peu différent de ce qui se faisait avant. Aujourd’hui ces programmes informatiques ou encore appelé algorithmes on les « éduque » à partir de grosses bases de données. C’est ce qu’on appelle communément le « Big Data ». C’est d’ailleurs pour cela que les géants du numérique les GAFMS (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft) côté américain BATX et (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) côté chinois, dominent le secteur puisque c’est eux qui possèdent ce trésor qu’est la data. Cette intelligence artificielle finalement n’est pas très intelligente, mais elle sait faire les choses beaucoup mieux que nous. Par exemple, elle est capable de diagnostiquer un cancer, faire la comptabilité et même conduire une voiture beaucoup mieux que nous. Les champs d’application sont de plus en plus importants et la seule limite et bien on…la cherche encore. C’est ce qui est effrayant !
N’TIC Magazine : Justement, l’IA est hors limites, cela ne fait-il pas craindre qu’elle devienne hors contrôle ? Faut-il avoir peur qu’elle prenne le pouvoir ?
AC : L’IA a du bon, mais tout dépend de ce qu’on va en faire. C’est comme un couteau qui nous sert à couper des aliments, mais qui peut devenir une arme entre de mauvaises mains. Si tu prends l’utilisation de l’Intelligence Artificielle pour des bonnes causes comme soigner les gens où optimiser le business, cela est bien évidemment une bonne chose. Néanmoins, si l’on se sert d’elle pour d’autres optiques cela peut être très dangereux. Je donne un exemple tout bête avec le score social qu’a été mis en place la Chine. Ce sont des algorithmes capables en temps réel de dire ce que font les citoyens ; selon que leurs actions soient bonnes ou mauvaises. En fonction de ces actions, ils obtiennent des bonus ou des malus dont la moyenne donne la note sociale. C’est aussi en fonction de celle-ci qu’ils vont pouvoir bénéficier de services publics performants. Il y a également l’exemple des robots qui recrutent des humains en Corée du Sud. Ici, nous sommes concrètement face à une dérive de l’utilisation de l’IA. Tout cela pour dire que tout dépend finalement de l’être humain et de son utilisation.
N’TIC Magazine : Comment éviter alors de tomber dans le côté obscur de l’IA ?
AC : Il faut être dans une optique de ce qu’on appelle dans le jargon « IA for Good ». Mais pour ce faire, il faut vraiment prendre la problématique du développement de ces nouvelles technologies en y intégrant tout ce qui fait la richesse de l’homme. Les sentiments, les émotions, les biais cognitifs…Et ne surtout pas laisser la machine s’inspirer de nos côtés les plus sombres. À ce sujet, je tiens à mettre en avant les trois lois de l’IA. La première dit qu’un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, en restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger. La seconde dit qu’un robot doit obéir aux ordres qui lui sont donnés par un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi alors que la troisième stipule qu’un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en confit avec la première ou la deuxième loi. Si on respecte ces lois et qu’on y intègre les qualités de l’Homme, l’IA sera maîtrisée pour les bonnes causes.
N’TIC Magazine : Revenons à l’Algérie et les opportunités qui s’offrent à elle dans le domaine de la transformation digitale en général et de l’IA en particulier ?
AC : Je suis à ma deuxième visite en Algérie. Lors des petites visites que j’ai faites à Alger et les discussions que j’ai eues avec les personnes rencontrées, je peux dire sans avoir peur de me tromper que l’Algérie a la capacité de devenir un acteur important dans le domaine. Je dois signaler que les opportunités ne manquent pas ici. Le mobile est une aubaine que vous devez saisir. L’avenir de l’Algérie passe par le mobile. Autant votre système de paiement électronique est en retard, autant le mobile est développé. L’usage du smartphone s’est démocratisé en Algérie. Il suffit d’instaurer la notion de paiement dans ces outils là pour que le mobile soit un accélérateur pour l’économie algérienne dans des proportions très intéressantes. Si on part du principe que le digital est partout, bien évidemment sur tout ce qui est relatif à la consommation : achat, de vêtement, nourriture, voyages etc., il y a vraiment une opportunité de développer le M-commerce.
N’TIC Magazine : Comment alors prendre le train en marche ?
AC : On ne se réveille pas un matin en disant je sais faire du digital. Il faut se former et former les spécialistes en la matière. C’est la seule recette qui marche pour cette nouvelle économique que je qualifie de nouvelle révolution industrielle. Surtout qu’aujourd’hui, tout va très vite. Chaque jour, de nouveaux produits sont lancés sur le marché, et parmi ceux-ci, de nombreuses technologies dont nous ignorons tout de leur potentiel. Il me paraît donc essentiel de ne pas se faire dépasser, de savoir ce qui se passe et surtout d’arriver à suivre. Il faut donc se former. La formation telle que je l’entends, c’est du face à face, afin qu’il y ait un transfert de compétences. Cela sous-entend que cette formation doit toucher tout le monde y compris les plus grands dirigeants. Car ce sont eux qui vont être les décideurs qui vont permettre aux collaborateurs de monter dans le train de la transformation digitale qui est vitale pour l’entreprise et l’économie nationale. Donc pour le pays, cela passe aussi par une acculturation des managers et des dirigeants. Car, quand on n’est pas confronté à tous ces changements on n’est pas censé tout savoir. C’est donc bien d’expliquer les impacts que cela pourrait avoir.
N’TIC Magazine : En Algérie, avons-nous de bonnes formations dans le domaine ?
AC : Ce n’est pas pour me faire de la publicité, mais le MBA-DMB qu’a lancé l’EFAP Paris - HUB Institute en partenariat avec l’INSAG Algérie est du haut niveau. Surtout que notre partenaire local qu’est l’INSAG a prouvé son professionnalisme durant les deux premières années de ce MBA unique en son genre. On est très fiers d’avoir amené le diplôme en Afrique et qui plus est en Algérie avec qui nous avons des relations historiques. Ce MBA-DMB est une opportunité pour nous, mais aussi pour les gens qui viennent se former. C’est le signe d’une prise de conscience des gens qui nous ont rejoints et de leurs dirigeants. Cela est annonciateur que de bonnes choses pour les entreprises algériennes.