La technologie a fait tomber les barrières et permis à des millions de personnes de conquérir leurs libertés comme aucune autre invention ne l’a fait auparavant.
Le mois dernier, à la réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies, 91 dirigeants du monde ont suivi le discours du Président américain, Donald Trump, critiquant la Chine, de l’intérieur de cette salle, mais des centaines de millions de personnes de par le monde ont visionné le même discours sur leurs appareils numériques.
Cela dit, le défi pour les chefs d’État est de faire en sorte que la technologie ouvre une ère de prospérité pour les citoyens du monde entier et non une ère de domination par un petit groupe, un scénario que nous ne connaissons que trop bien.
On n’y parviendra que si l’on améliore la gouvernance des données – la manière dont l’information est collectée et partagée – et si l’on garantit que tous les citoyens ont la même perception de la nouvelle économie des données, y ont accès et en ont le contrôle.
Exploiter le potentiel de la technologie et de l’économie des données est essentiel pour atteindre les objectifs de développement durable de l’ONU en Afrique, qu’il s’agisse de favoriser le développement, d’accélérer la prospérité ou de mettre fin à la pauvreté. Or, si des mesures positives ne sont pas prises, l’Afrique risquerait encore de voir son retard se creuser.
Les décisions que vont prendre les dirigeants et les responsables politiques africains au cours des prochaines années sur l’adoption de l’économie des données détermineront l’ampleur des avantages que le continent et ses habitants pourront en retirer. Plutôt que de s’occuper à rechercher du pétrole, l’Afrique devrait s’employer à bâtir son économie des données. Les données constituent aujourd’hui le bien le plus important, le plus cher et le plus précieux du monde, dont aucune société ne peut se permettre d’ignorer le potentiel.
La saga du Brexit a montré à l’Europe, sinon au reste du monde, que l’intégration est de loin préférable à la désintégration. L’Asie continue de s’intégrer et de construire une union avec de nouveaux accords commerciaux comme le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, et l’accord commercial du MERCOSUR entre l’UE et le bloc sud-américain – Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay – a finalement été conclu au terme de 20 années de négociations. Le commerce et l’intégration demeurent un élément important d’une solution mondiale pour bâtir un monde prospère.
L’Afrique joue déjà un rôle de chef de file en matière d’intégration, avec l’adoption récente de l’Accord portant la création de la Zone de libre-échange continentale africaine. Elle doit maintenant faire de même en ce qui concerne le débat sur les données. Les pays africains peuvent revendiquer une position nouvelle et plus influente dans un monde en mutation, au moment où la communauté internationale cherche collectivement à concevoir une nouvelle architecture multilatérale de collaboration en matière de données.
L’Afrique dispose déjà des outils nécessaires pour faire face à l’évolution des tendances mondiales, notamment, en sa population jeune dont l’information, les données et les innovations seront recherchées par tous.
Il existe un certain nombre de mesures que les responsables politiques africains peuvent prendre pour mener le débat sur les données. Ils devraient faire un pari intelligent sur la technologie (comme ils l’ont fait sur le commerce), en faisant en sorte que ce soit la technologie qui guide la politique et non l’inverse. Ils peuvent favoriser l’innovation chez les jeunes Africains et cesser d’être alarmistes. Ils devront mettre en place un organisme commun de droits de propriété intellectuelle chargé de protéger les actifs de valeur du continent.
L’économie nous apprend que les monopoles ne sont ni justes ni efficaces ; il est peu probable qu’il en soit autrement pour les monopoles en matière de données. Compte tenu de la nature mondiale de l’économie des données et des capacités transfrontalières de collecte et d’échange de produits et services de données, des institutions mondiales comme l’ONU et ses organismes affiliés et les institutions de Bretton Woods ont tous un rôle central à jouer dans l’élaboration des politiques mondiales qui favorisent l’harmonisation et l’interopérabilité des données, tout en garantissant les intérêts collectifs de l’Afrique.
Mais les dirigeants africains devraient tirer les leçons des accords commerciaux passés, prendre leur place à la table des négociations et faire preuve d’initiatives dans les débats mondiaux sur le commerce électronique et les données.
L’auteur est la Secrétaire générale adjointe de l’ONU et Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique. Elle s’exprimait ainsi lors du sommet africain du Financial Times (FT Africa Summit) à Londres, le 14 octobre 2019.