A l’heure où nous parlons, la pandémie de Covid-19 a envahi le monde et nous entrons dans une phase de confinement. Le virus voyage à une vitesse incroyable dans tous les pays du monde et crée une panique monstre. L’économie mondiale frôle l’effondrement et les prix du baril de pétrole, notre principale source de revenus, touchent des bas que l’on avait complètement oubliés. Du coup, la question de savoir ce que les nouvelles technologies peuvent aider à faire se pose sérieusement.
Vivre confiné, vivre heureux
Il est quasiment établi aujourd’hui que le confinement est l’une des deux seules solutions permettant de se débarrasser du virus. L’autre n’est pas encore socialement acceptable. La technologie pourrait nous aider à mieux vivre cette phase de confinement.
D’habitude, lorsque je parle de nouvelles technologies et d’innovation, j’insiste sur la façon qu’elles ont de chambouler des business models établis depuis des siècles. J’élude souvent sciemment, et c’est le moment de le corriger, l’énorme chamboulement qu’elles ont sur nos propres vies.
Le e-paiement, le m-paiement et les crypto-monnaies par exemple, sujets sur lesquels nos dirigeants sont excessivement chatouilleux, n’ont pas uniquement créé de nouveaux opérateurs mondiaux qui ont « disrupté » les banques, ils ont surtout changé notre relation à l’argent et notre façon de vivre l’expérience d’achat. Accéder au métro avec le ticket dématérialisé dans son téléphone ou payer ses factures ou commander ses achats de chez soi, ça nous fait tellement de bien à nous, à l’économie, à l’environnement et aux caisses de l’Etat. Le modèle de société vendu avec les VTC c’est un quartier avec ZERO véhicules garés en bas des immeubles. Acheter un véhicule très cher puis le laisser 90% du temps garé, exposé à l’usure et au vol est ce dont nous nous étions habitués depuis des décennies. Au lieu de cela, le paiement à l’usage d’un véhicule, avec chauffeur en prime, est l’expérience que promet cette technologie. Ceci libère de la place en bas des cités et devrait diminuer l’encombrement des villes et nos soucis avec les mécaniciens ainsi que nos dépenses inutiles ce qui réduit également la consommation globale en énergies fossiles. Que du bien en somme. Associé au e-paiement, il nous dispense d’aller faire la queue aux guichets de la poste, de l’agence d’électricité et de téléphone, de l’eau, au supermarché, chez le mécanicien et à la station-service,… Au final, l’adoption de la technologie rendrait l’expérience du confinement infiniment plus agréable et plus naturelle.
Quoi d’autre : e-learning, le e-commerce et tout le reste. On ne remplacera pas les écoles et les universités par des plateformes web et des applications mobiles, mais virtualiser une bonne partie de la relation avec l’administration et rendre disponible un maximum de ressources en ligne permettrait de continuer à vivre quasi normalement cette période critique. Depuis plusieurs jours, je croise des dizaines d’offres de bibliothèques qui mettent leur livres à disposition pour le mois à venir, des musées qui donne accès à toutes leurs œuvres virtuelles, des université qui donnent accès à leurs cours gratuitement,… Cette première mondiale de confinement généralisé a donné pleins d’idées. Chez nous, j’ai croisé un message offrant un accès gratuit à tous les enfants aux cours de la plateforme iMadrassa : un excellent exemple qui devrait faire des émules.
Le télé-travail est également souvent possible. Mais ceci n’est envisageable qu’avec l’adoption très rationnelle d’outils technologiques adéquats, sinon il s’agira d’exporter les mauvaises méthodes de son entreprise à son domicile.
En plus d’optimiser nos efforts, nos ressources et notre temps, la technologie rationalise nos déplacements. Ceux-ci seront réduits à un strict minimum nécessaire. C’est le degré zéro de la smart-city que tout le monde appelle de ses vœux.
La traque du 2019-nCoV
C’est vrai que c’est la première fois que le problème de traque d’un virus se pose au niveau mondial. Mais c’est loin d’être la première fois que la question se pose : lorsqu’un malade d’une méningite virale est déclaré, il est souvent nécessaire d’examiner toutes les personnes qui ont croisé sa route durant les jours passés. Notamment dans des espaces confinés : transport, cafés,… Jusqu’à aujourd’hui, aucune solution systématique n’a été trouvée. Il en est autrement maintenant que le problème devient global.
La clé du problème est de traquer le déplacement de chaque personne, savoir exactement où elle se trouve, pour que, le cas échéant, nous puissions l’alerter si sa route a croisé celle d’un malade. Dans beaucoup de compétition type Nasa Space App Challenge, les candidats finissent toujours par proposer d’équiper les gens de bracelets géo-localisés intelligents disposant de certaines fonctionnalités. La réalité c’est que c’est une solution non-viable. Alors : qui connait votre position à tout instant ?
Votre opérateur téléphonique la connais avec une certaines précision, mais l’information est entourée d’un secret inimaginable. Pour y accéder, il faut au moins la réquisition d’un procureur.
Sinon, notre téléphone enregistre à notre insu tous nos déplacements, même si l’on désactive la géolocalisation. Google peut ainsi tracer vos déplacements aussi longtemps que vous gardez votre téléphone dans votre poche. Alibaba, le géant chinois, a créé une application qui accède à cet historique et le compare avec des milliers et des milliers de personnes qui ont croisé votre route. Il vous attribue une note de santé qui sera rabaissée à chaque fois que vous croisez une personne suspecte ou que vous vous trouvez dans un endroit potentiellement infecté. Ceci est fait grâce à des outils sophistiqués, big data, IA et tout le reste. Et associé à la reconnaissance faciale et quelques autres techniques.
Pour accéder à certains endroits, vous devrez ouvrir l’application avec un QR Code qui sera lu à l’entrée. Si votre note tombe en dessous d’une certaine valeur, l’accès vous est refusé, afin d’éviter que vous n’infectiez d’autres personnes. La Chine a ainsi réussi à fortement limiter la transmission du virus et ainsi faire en sorte que l’épidémie stagne puis finalement régresse. C’est l’utilisation la plus spectaculaire de la technologie à usage sanitaire qu’il m’ait été donné de voir. Cela servira probablement dans un futur proche pour le développement d’outils préventif pour les épidémies à venir.
Le dilemme Big Brother
On voit en filigrane de ce problème de pandémies se profiler des questions éthiques qui n’ont pas encore été tranchées dans la plupart des pays.
La question se pose à chaque fois qu’il s’agit de technologie et d’interaction humaine : doit-on faire confiance à la machine pour prendre des décisions qui impactent la santé et la vie d’êtres humains ? Doit-on autoriser des entreprises commerciales, ou même des organismes gouvernementaux, à stocker des informations personnelles -voire intimes- qui nous concernent : identité, relations aux autres, activités, déplacements, santé,…
La concentration d’une telle quantité de données donne beaucoup d’idées pour en tirer du revenu ou pour créer de la discrimination. L’avènement du big data nous a montré une nouvelle race de business consistant à transformer la data en cash. L’on peut même affirmer que la data est le pétrole de ce siècle. Alors quoi autoriser et quoi proscrire ?
On est quand-même obligés de stocker de la donnée. Alors, il est absolument primordial d’instaurer des règles et de mettre des limites de toutes sortes, mais il est tout aussi primordial de laisser les solutions aux problèmes émerger. Au lieu de les étouffer dans l’œuf avec de la réglementation.
Certains pays ont confié cette mission de régulation de l’usage des données privées à un organisme non gouvernemental autonome, comme la CNIL en France. Il est important que cet organisme jouisse de la compétence, de la crédibilité, de l’impartialité et de l’autonomie nécessaire par rapport au politique afin d’instaurer la sérénité nécessaire à son bon fonctionnement.