Vincent Montet, Fondateur-Directeur des MBA Digital Marketing & Business, a lancé en 2018 la première promotion du MBADMB à Alger. Il revient, dans cet entretien, sur le contenu de ce MBA, mais aussi sur l’importance du marketing et de la communication digitale. Pour lui, le digital bouleverse l’ensemble des secteurs. De ce fait, « avoir une stratégie marketing digital est un minimum ».
N’TIC Magazine : Vous avez lancé le MBADMB en Algérie. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur cette formation ?
Vincent Montet : Le MBA spécialisé Digital Marketing & Business (MBADMB) a été créé en France, il y a quatre ans au sein de l’Ecole des nouveaux métiers de la communication, l’EFAP, la plus ancienne de France. Il existe une version Full time (6 mois de cours, 6 mois de missions en entreprises) pour les jeunes diplômés et une version Part time (3 jours/mois/13 mois) pour les cadres en activité. Nous avons lancé le programme à Paris, à Lille, à Bordeaux, à Lyon et à Shanghai. Le MBADMB est un diplôme reconnu par l’Etat et il est n°2 au classement des meilleurs MBA français dans sa catégorie. Enfin, l’ensemble des associations professionnelles sont partenaires et le premier think tank sur la transformation digitale, le HUB Institute est partenaire exclusif.
Il y a deux ans nous avons rencontré l’INSAG Alger qui a su s’imposer comme école leader dans le management du secteur des banques et assurances. Nous partagions la même vision stratégique de l’importance du marketing et de la communication digitale, la même proximité avec les entreprises et le souci premier de former des individus aux réalités d’un secteur et pas uniquement à « avoir un diplôme ». Il s’est avéré que le secteur des banques et des assurances en Algérie était celui qui avait plus conscience que le digital allait « bouger » les lignes des métiers et des méthodes classiques. Sur cette base, nous avons donc ouvert en janvier dernier, la première promotion du MBADMB Part time à Alger. Il permet à des cadres en activité de n’importe quel secteur ou des entrepreneurs de se former trois jours par mois pendant treize mois. La prochaine promotion commencera en fin d’année 2018
N’TIC : Qu’est-ce qui distingue votre MBA/DMB des autres formations ?
VM : Sauf erreur de ma part, je ne crois pas qu’il existe d’autres formations Part time avec cette ambition en Algérie. Notre mot d’ordre est IRL (In Real Life). Expression anglaise qui symbolise l’ancrage dans la vraie vie. Par extension dans notre formation, il s’agit déjà d’avoir des enseignants uniquement professionnels et recrutés sur la base de leurs expériences, expertises et capacité à transmettre. Le programme est dispensé à la fois par des intervenants du MBADMB Français, par des pionniers du digital algérien et avec également un accès à une plateforme de Mooc (e-learning).
Enfin, le partenariat avec le HUB Institute offre aux participants un accès à une base d’études et de reporting sur le sujet du digital unique au monde !
N’TIC : Pour quels enjeux cette formation prépare-t-elle les étudiants et/ou les professionnels ?
VM : 70% du programme traite du marketing et de la communication digitale : de la création de trafic à la fidélisation en passant par la construction de sites web ou d’applications mobiles. Les étudiants sont formés à comprendre les enjeux, à identifier les acteurs et à déployer l’outil en question. Ils pourront ensuite soit manager correctement des projets soit travailler dans la spécialisation en question. Mais 30 % du programme dépasse le marketing pour s’intéresser à la transformation digitale du monde et du business en termes d’impact sur les organisations et le management, sur la distribution, l’éducation, la médecine, etc.
N’TIC : Comment peut-on définir le marketing digital ?
VM : Dans les pays dit « matures » en digital (principalement USA, Europe et Chine), le marketing digital a disparu ! C’est évidemment une provocation que de vous répondre cela mais elle symbolise que le marketing digital a aujourd’hui pris la place du marketing tout court. Par exemple depuis maintenant deux ans, le marketing digital en France en termes d’investissements est devenu le premier levier publicitaire devant la télévision !
Néanmoins si on tente une classification du marketing digital, nous retrouvons un grand nombre d’outils et de techniques divisibles en trois grandes familles : La création de trafic (faire venir), l’expérience utilisateurs sur le site (UX) et la fidélisation (entretenir la relation).
Enfin, ce qui définit quasi 90% des outils et leviers du marketing digital c’est l’approche dite « à la performance ». On ne paye plus juste pour s’afficher mais pour un résultat attendu.
N’TIC : Selon vous, quelle place doit avoir le digital dans la stratégie marketing des entreprises ?
VM : La question n’est pas seulement celle de la stratégie marketing mais bien de la stratégie tout court. Le digital, avec l’apparition des GAFA (Google Amazon Facebook, Apple) des NATU (Netflix, AirB&B, Tesla, Uber) et des BATX ( Baidu, Alibaba, Tencent, Xaomi) bouleverse l’ensemble des secteurs. Avoir une stratégie marketing digital est un minimum. Mais si l’on veut survivre ou même exister au niveau international, il faut se préparer à une transformation de l’ensemble des départements et business unit des entreprises. DRH, DG, Dir Prod, Directeur Financier sont autant concernés que les Dir Markt/com.
N’TIC : Quelles sont les tendances des métiers du marketing digital ?
VM : Un double mouvement apparait : une hyper spécialisation des métiers par levier et, en parallèle, le besoin de profils généralistes mais capables de manager ces différents spécialistes. L’autre tendance est l’arrivée des nouveaux métiers autours de l’UX Design : « Dessiner », repenser l’Expérience Utilisateur qui révolutionne les approches traditionnelles de gestion de projets avec cahiers des charges, effet tunnel, etc.
Enfin dernière tendance, une grande partie du marché publicitaire (display) digital, sur les marchés matures, a basculé sur des places de marché en temps réel. On achète certes de l’espace mais aussi des données et tout ceci en temps réel et aux enchères. Des métiers plus proches du « trading » boursier que de l’achat d’espace publicitaire.
N’TIC : Comment situez-vous le niveau du marketing digital en Algerie?
VM : Il est évident que l’Algérie n’est pas encore dans les marchés matures du digital. La première nécessité est d’avoir un marché et tant que le digital était égal à une connexion via un ordinateur, la taille critique du marché algérien n’était pas encore atteinte. L’arrivée et le déploiement de la 4G change la donne. C’est l’ensemble de la population qui va se retrouver dans les usages du digital (réseaux sociaux, e-Commerce, m-paiement). C’est donc une chance pour l’Algérie car l’internet mobile rééquilibre la « zone Afrique » avec les zones digitalement matures. Les nouvelles lois sur l’e-Commerce sont aussi des signes fort. En résumé, je dirai que l’Algérie est en retard mais qu’elle a la chance de pouvoir entrer dans la course de la révolution digitale africaine bien plus rapidement et avec les atouts qui sont les siens. C’est une bataille importante pour le marché intérieur mais aussi pour les entreprises algériennes internationales !
N’TIC : Quels sont les meilleurs moyens d’atteindre ses clients avec le marketing digital
VM : Il n’y a pas un moyen, de nombreux canaux existent. Ce qui est intéressant dans votre question, c’est le vocabulaire « atteindre » utilisé. C’est un "vieux reste" de la publicité traditionnelle qui cherchait du « contact », de « l’occasion de voir » et à « toucher » une cible. Désormais la cible est au cœur et avec ses équipements et ses usages, le consommateur devient lui aussi un média. Le triptyque pyramidal Annonceur / Media / Consommateur a « explosé ». Nous sommes entrés dans l’ère du face-à-face où l’individu a autant de pouvoir de communication que la marque. C’est donc son style de pensées qu’il faut changer, avoir une démarche centrée sur l’utilisateur d’une expérience et non plus sur un client que l’on contrôle ou manipule !
Enfin, ma dernière conviction est que le meilleur moyen en tant que marketeur est de soi-même plonger dans les usages du digital, et pas simplement les connaitre lors d’une conférence ou lors de lecture d’un article. J’ai l’habitude de dire à mes étudiants : « Dans le digital on ne connait que ce que l’on fait ! » Donc il faut expérimenter pour comprendre, observer pour connaitre et ensuite agir en fonction des clients et des usages. Mais si on veut aller plus vite on peut former ses équipes ou soi-même dans notre MBADMB Alger.