Le détenteur de la troisième licence de GSM a fait une très grosse percée clients en 2009, mais les marges brutes d'opération ne suivraient pas. Des fuites évoquent une persistance du déficit. Inquiétant ? Pas tant que cela disent les spécialistes.
La publication du bilan financier de Nedjma pour l'année 2009 est très attendue à Alger. Tellement attendue qu'un chiffre a déjà circulé dans les milieux de la presse spécialisée dans les TIC, il fait référence à un déficit en baisse, mais persistant sur l'exercice comptable de 2009. Une source proche de l'ARPT a démenti avoir reçu une copie du bilan de Nedjma pour 2009, alors que les sources qui ont exfiltré le chiffre du déficit présumé citaient l'ARPT comme récipiendaire du document légal. Le responsable de la communication de Nedjma a assuré de son côté que le conseil d'administration de la filiale algérienne du groupe contrôlé par l'opérateur public qatari QTEL, ne s'était pas encore réuni pour valider le bilan 2009 et que par conséquent aucun chiffre sur un déficit annoncé ne pouvait être encore transmis à l'ARPT. La publication des comptes de Nedjma, mais aussi de Djezzy, pour l'année 2009 devrait avoir lieu dans le courant de la première moitié du mois de mai. L'enjeu dans le cas de Nedjma est particulièrement important car son PDG, Joseph Ged, a fait de l'année 2009, celle de l'arrivée à l'équilibre financier : il déclarait en effet dans un entretien à Liberté en août 2008 : «Reste pour 2008, on veut toujours avoir des objectifs modestes. Ce sera l'équilibre financier. Hamdoullah, on l'a atteint après 9 mois. Ce n'était ni 12 ni 24 mois. 2009, inchaAllah, ça va être l'année de profitabilité de Nedjma. Aujourd'hui, on voit de la lumière à la fin du tunnel». «Un nouveau déficit significatif du compte d'exploitation serait mal perçu par les actionnaires de Nedjma» prévient un cadre financier du secteur de la téléphonie.
Des signes d'impatience tout de même
En effet, QTEL devrait dans le cas de la poursuite du déficit de son opération en Algérie, essuyer une troisième année consécutive de pertes comptables depuis sa prise de contrôle en mars 2007 de cette troisième licence GSM algérienne remportée par Wataniya (Koweit) trois années plus tôt. Une troisième année qu'il faut ajouter aux trois années de déploiement du réseau et de la marque, qui ont occasionné de fortes dépenses d'investissement. La profitabilité de Nedjma était déjà en question du temps de la gestion du Canadien André Halley premier PDG de la marque. Toutefois, QTEL a toujours affirmé s'inscrire sur le long terme en Algérie et ne pas rechercher de «profits immédiats». Il reste à apprécier dans un contexte mondial où les marges brutes se sont altérées dans le secteur des télécoms, si l'investisseur public qatari va garder longtemps encore son stoïcisme. Des signes d'impatience ont filtré dés le début de l'année dernière lorsque trois auditeurs, issus de Qtel, ont été dépêchés à Alger, avec comme mission d'améliorer les performances financières de la filiale algérienne. L'analyse des résultats de Nedjma devra montrer pourquoi en dépit d'une croissance, la plus forte du secteur, du chiffres d'affaires depuis trois ans, l'opérateur n'arrive pas à couvrir ses charges. Nedjma a choisi délibérément une stratégie très agressive de conquête de parts de marché. Cela l'amène à faire du dumping dans ses offres promotionnelles. Le mouvement s'est accéléré avec le sponsoring du football qui lui a apporté un immense succès d'image. Les difficultés de Djezzy ont poussé les responsables de Nedjma à faire des offres encore plus agressives qui pèsent sur son compte d'exploitation dans un premier temps estime Kader Ouardi un sous-traitant de solutions techniques dans le secteur des télécoms.
Pas de chamboulements dans le management
Les spécialistes estiment que dans tous les cas de figure, une persistance du déficit de Nedjma, s'il devait se confirmer avec la publication de ses résultats de 2009, n'entraînerait pas «dans l'immédiat» de chamboulements dans la conduite et les options de management. «Les résultats du 1er trimestre 2010, auraient plus de sens sur l'orientation générale des comptes de Nedjma, car ils donneraient une première indication sur le retour sur investissement notamment du second semestre 2010» estime Kader Ouardi.
Le but clairement affiché par Nedjma est de déloger Djezzy de la première place du podium des opérateurs algériens de téléphonie mobile. Et les actionnaires de Nedjma ne vont sûrement pas renoncer à y mettre le prix maintenant que Orascom Télécom Algérie est enlisé dans un conflit inextricable avec le gouvernement algérien. «Nous sommes dans un scénario Jazira Sport contre ART. C'est-à-dire un investisseur public qatari, comme QTEL, qui s'attaque au marché d'un homme d'affaire privé, comme Cheikh Salah le Saoudien qui est propriétaire de ART. A la différence de Cheikh Salah qui a cédé son affaire à son concurrent, Sawiris, lui veut vendre à un opérateur plus puissant qui sera plus difficile à attaquer pour QTEL. C'est pour cela qu'à terme, la stratégie de déploiement à perte de Nedjma peut trouver ses limites, mêmes chez un actionnaire public très riche». Nedjma revendique le gain de 3 millions de nouveaux abonnés en 2009, passant de 5 millions à 8 millions d'abonnés.
Source: Le Quotidien d'Oran