La 3G en Algérie est toujours au stade de projet gouvernemental. Alors que c’est une réalité sous d’autres cieux, il semble que chez nous, il faudra encore attendre. Cette technologie est reportée à une date ultérieure. Petit tour d’horizon.
Un petit tour chez nos voisins
Il faut savoir qu’au cours de l’année 2010, le parc d’abonnés Internet au Maroc a enregistré une croissance de 57.3%, portée principalement par l’accès à l’Internet Mobile 3G (73.2% des abonnés). Le nombre d’internautes marocains a franchi, de son côté, le seuil des 13 millions et continue sa progression. Le taux d’équipement des ménages en ordinateur personnel s’est établi à 34% en 2010 contre 32% en 2009. Enfin, témoignage de la vitalité du web dans ce pays, le nombre de noms de domaine «.ma» a augmenté de 11.76% sur une année. Par ailleurs, le changement de mode de consommation des utilisateurs qui souhaitent consommer leurs contenus à l’heure et à l’endroit qui leur conviennent, le développement d’Internet haut débit et très haut débit fixe et mobile ainsi que la convergence des contenus sur tous les écrans fixes et mobiles continuent à stimuler le développement des réseaux et la pénétration de l’accès.
La 3G se porte aussi très bien en Tunisie: de 201 336 abonnements en novembre 2011, le chiffre est passé à 337 200 abonnements en février 2012, soit une augmentation de 67.5% (135 864 nouveaux abonnements). La principale cause de cette montée en flèche est le lancement de la 3G par l’opérateur historique Tunisie Télécom en novembre, et surtout l’offre inédite proposée, la fameuse offre illimitée 24h/24 et 7j/7 (conditionnée à un engagement de 2 ans).
« Les pays émergents connaissent eux aussi leur développement de l’Internet mobile. De plus en plus de réseaux 3G se déploient. Cependant, les proportions et les contextes de marchés sont extrêmement différents avec les pays développés », indique Sofrecom, leader mondial du conseil en télécommunications. Guillaume Touchard, consultant SATM (Services Avancés aux Télécoms et Média), spécialiste des marchés télécoms africains, a déclaré dans un entretien à un quotidien national : « L’arrivée de la 3G en Algérie doit permettre le développement de nouveaux services et par-là même une croissance du secteur via l’émergence de nouveaux usages. L’objectif de 5% du PIB semble réalisable. Cela passera par le développement de la 3G mais aussi par une redynamisation du secteur via plus de concurrence et d’investissements privés. Il faudra, cependant, être patient ».
Il a mis en exergue le fait que le taux d’utilisateurs Internet freine ou accélère le taux d’adoption des nouveaux services haut débit mobile. Il cite plusieurs exemples : au Royaume-Uni où le taux d’utilisateurs Internet fixe représentait plus de 70% de la population lors de l’introduction de la 3G, l’adoption du service fut rapide. Le même phénomène fut constaté en France. Par contre, au Maroc et en Egypte où l’utilisation d’Internet n’était pas aussi répandue, l’adoption de la 3G fut beaucoup plus lente. Le succès de la 3G dépendra donc aussi des consommateurs.
Globalement, quatre éléments sont nécessaires pour l’inciter à se tourner vers la 3G : la connaissance de l’outil Internet, la disponibilité de contenus locaux (sites gouvernementaux, journaux, TV), des tarifs de services abordables et des coûts d’équipements abordables.
En 2015, la part des connexions 3G et 4G va représenter entre 20% et 50% du total des connexions sur mobile en Afrique. Le développement passera en général par un triptyque lié à la progression de la demande et du trafic, la capacité des réseaux et l’accessibilité et la baisse des prix. Sauf cas spécifiques (raisons politiques), les pays ayant déployé les premiers la 3G sont des pays où la pénétration mobile est supérieure à 50% et où le nombre d’utilisateurs internet (via PC, cybercafés) est supérieur à 30%. L’adoption des usages va être graduelle.
Les opérateurs ont adopté diverses stratégies pour attaquer, développer et pérenniser leur marché haut débit mobile 3G. Les principaux clients ciblés sont les entreprises et les riches citadins mais dans certains marchés, les offres et leur tarification s’ingénient à devenir accessibles au plus grand nombre. Selon des estimations, les connexions 3G en Afrique devraient être multipliées par 7 entre 2010 et 2014.
Du côté de chez nous
En Algérie, on semble hésiter encore à lancer la 3G. Les déclarations de l'ancien Ministre du secteur, Moussa Benhamadi, ajoute à la désorientation générale. On laisse croire que ce n’est qu’une question de temps et qu’il n’y a aucune volonté de blocage ou de renoncement. Le processus d’attribution de la 3G avait été lancé officiellement, en septembre 2011, par l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications (ARPT).
« Il est attendu que le haut débit mobile, qu’introduira la téléphonie mobile de troisième génération, contribue fortement à la généralisation de l’usage des TIC et stimule la croissance économique à travers la création de nouvelles richesses et l’émergence d’un vivier d’emplois à forte valeur ajoutée », lit-on dans le document d’appel à la concurrence pour l’octroi de la licence de téléphonie mobile 3G.
Pourtant, Internet semble être appréhendé dans notre pays comme seulement un réseau physique et non comme un levier de transformation de la vie économique et sociale du pays. En Algérie, le nombre d’utilisateurs au 31 octobre 2011 était de 960 000 abonnés ADSL. La majorité navigue avec un débit de 512 Kbps, ce qui est largement insuffisant pour le type de contenus proposés aujourd’hui sur Internet.
« J’habite à Ouled Fayet, c’est-à-dire dans la capitale. Je n’arrive même pas à avoir une ligne téléphonique, alors que dire de la 3G ? Pour moi, c’est de la science fiction », témoigne un internaute. Exagération ? Peut être un peu mais selon de nombreux Algériens, les déclarations tonitruantes des hauts responsables et les recommandations des séminaires ne se concrétisent que rarement sur le terrain. Pour souscrire à un abonnement ADSL, il faut passer par des attentes aux Actels et un dossier à constituer. Il faut attendre des mois pour installer le téléphone fixe. Avec un débit «supposé » de 512 Kbps, la connexion quand elle est établie est très lente. Elle part, elle revient au gré du vent, de la pluie et des orages…
Comment dans ce cas parler de la 3G?
Comment se fait-il que des pays moins pourvus en ressources financières soient arrivés à introduire la 3G et pas notre pays ? Les opérateurs ont su s’adapter : MTN, présent dans 21 pays en Afrique et au Moyen-Orient, propose une vaste gamme de services variés afin de toucher la clientèle la plus large possible. Abonnement data à la journée, au mois, offre week-end, pour smartphone, pour clé 3G. Qu’est ce qui empêche notre pays à suivre cet exemple ?
Pourtant, l’arrivée du Mobile Data représente une nouvelle source de revenus pour les opérateurs. C’est pour cette raison que les trois opérateurs de téléphonie mobile algériens (Djezzy, Mobilis, Nedjma) ont fait des tests et des essais techniques pour être prêt au lancement de la 3G. « Le Data va être le moteur principal de la croissance de la valeur du marché et se refléter positivement sur l’économie algérienne de par l’optimisation des coûts opérationnels des entreprises et des individus en utilisant le data mobile», a souligné Joseph Ged, Directeur Général de Nedjma.
Alors qu’Internet peut résoudre le problème d’accès à Internet à haut débit, le gouvernement algérien, lui, perd du temps.
Kamel RAHMOUNI