Créer, cultiver et surtout protéger une identité numérique est à la fois une opération cruciale pour la protection des internautes algériens et un élément-clé dans le développement de l’économie numérique en Algérie. La question a été passée au crible sous différents aspects ce dimanche 26 novembre 2017 à la matinale du Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE).
Les participants à cette matinale ont chacun dressé un constat sur la conjoncture actuelle de l’identité numérique en Algérie. Ils ont évoqué tour à tour les avancées et les lacunes, juridiques ou techniques, à combler pour protéger les données personnelles des Algériens et permettre aux entreprises de tirer profit de celles-ci pour booster le développement de l'économie numérique.
Le CARE a vite rappelé une réalité inquiétante. L’identité numérique peut être techniquement comme étant “un lien informatique entre une identité réelle personnelle et une entité virtuelle”. Les membres de ce Cercle ont ainsi défini cette identité comme étant “toutes les activités faites sur Internet par un internautes” sur le web, c’est-à-dire les alias, les identifiants, les profils sur les réseaux sociaux, les coordonnées mais également les commentaires, articles ou supports
Mais “l’identité numérique n’est pas définie et les données personnelles ne sont pas protégées juridiquement” en Algérie. Hind Benmiloud, avocate spécialisé dans la cybercriminalité, précisait dans son intervention que l’État algérien “garantit cette protection dans les articles 46 et 51 de la Constitution de 2016”.
Mais ces textes sont défaillants et “ne définissent pas avec exactitude ce que signifie une identité numérique ni ce qui est autorisé ou interdit en matière de traitement de données” personnelles. “Certains estiment par exemple que l’adresse IP est une identité numérique. On parle seulement des aspects techniques. La question juridique n’est pas encore tranchée”, a-t-elle affirmé.
L’État rassurant, les opérateurs freinés
Les lacunes soulignées par l’avocate Hind Benmiloud ont amené Abderrezak Henni, DG de la modernisation de la documentation et des archives au Ministère de l’Intérieur, à rassurer l'audience lors de son intervention.
Il a déclaré que “l’Etat a mis toutes les dispositions matérielles pour la protection des données personnelles des citoyens”, affirmant que les autorités “ne procèdent jamais à la mise en oeuvre d’un système, sans assurer la sécurisation des données”. M. Henni a également rappelé qu’un projet de loi sur les données personnelles “est en cours de préparation au niveau du ministère de la justice et sera bientôt traité au Conseil des ministres”.
Karim Cherfaoui, CEO de DIVONA Algérie, a justement souligné cette urgence et expliqué comment le retard accusé dans la définition juridique de l’identité numérique et sa protection freine le développement d’une économie numérique, alternative de plus en plus pressante au vu de la conjoncture économique actuelle de l’Algérie.
Il a estimé que l’identité numérique, “question complexe dont la définition ne se limite pas aux aspects économique, juridique et personnel, ou même biométrique”, bloque le développement de l’économie numérique du pays.
Des déclarations approuvées par Djael Zerouk, directeur et Certification Officer chez HB Technologies. “Nous, sociétés, sommes obligées de dépenser des sommes énormes pour préserver la sécurité de nos données, mais la loi algérienne ne suit pas ce rythme", regrette-t-il.
Lors de cette matinale, le CARE a ainsi souligné la nécessité de mettre en place des organismes chargés de veiller au traitement des milliards de données personnelles, pour que les sociétés puissent en bénéficier tout en garantissant la vie privée, l’identité humaine, les libertés individuelles et publiques des internautes algériens.