En très bref, l’économie du savoir a été maintenant consacrée comme une économie qui repose sur quatre piliers fondamentaux à la base mais qui ont été enrichis depuis : ce sont la formation, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), la Recherche et l’innovation et les institutions. Des formes plus évoluées de ce modèle ont été proposées les années récentes notamment multipliant le nombre de piliers, de variables et indicateurs et de modèles. Mais pour plus de simplicité, nous nous en tiendrons à ce modèle initial.
La pandémie du coronavirus a pris de court quasiment tout le monde, les nations et les gouvernements en plus de tous les opérateurs économiques et les citoyens et souvent dans la précipitation , plusieurs décisions ont été prises au sommet des Etats à la hâte ressemblant plus à du bricolage face à l’urgence et pour surtout limiter les dégâts sur la population d’abord , ensuite sur l’économie. Cette pandémie arrive à un moment où les nations du monde étaient mobilisées dans le sens de la réalisation des Objectifs pour le Développement Durable (ODD) dont l’échéance de 2030 arrive à une vitesse fulgurante. Paradoxalement, un des effets indirects et inattendus de cette pandémie, c’est l’arrêt à l’échelle planétaire des agents polluants qui ont constitué une menace permanente pour notre planète terre et les générations futures : les usines (arrêtées ou au ralenti), le transport aérien dans sa quasi-totalité, les transports routiers et la circulation automobile. Le niveau de particules fines dans l’air a par exemple dépassé de 30 fois le seuil d’alerte dans des villes comme Séoul, Pékin etc.
Le traitement de la question du coronavirus a montré combien il est important de mobiliser dans un temps record les différents piliers de l’économie du savoir. Cela traduit également le degré d’insertion des pays dans cette économie et qui vont réagir avec célérité et efficacité selon leur degré d’insertion. Les pays scandinaves en tête dans l’échelle de cette économie semblent plus aptes à y faire face. Les pays en développement ou pauvres pourront malheureusement y faire face beaucoup plus difficilement comme les pays africains si cette pandémie venait à se propager d’une manière importante sur le continent. Pour rappel l’épidémie de l’Ebola en 2015-2016 a causé près de 11500 morts en quelques mois dans un nombre limité de pays en Afrique de l’Ouest
Les Technologie de l’Information et la communication comme élément central dans la lutte contre Covid 19 ont pleinement montré leur utilité et font la différence. Comme moyen de communication notamment par le biais des réseaux sociaux et professionnels, le niveau de sensibilisation a été très rapidement atteint dans les différents pays là où les moyens traditionnels auraient pris des semaines pour amener la population à vraiment réaliser la gravité de la situation et la dangerosité de ce virus. A titre d’illustration, la société Netino a passé au crible quelque 300.000 commentaires laissés de mercredi 11 à jeudi 19 mars sur son réseau: 93 % des messages portaient sur l'épidémie dont 50% étaient favorables au confinement, ce qui l’a rendu plus acceptable aux yeux du public français. Les TICs ont été sollicitées également pour organiser le télétravail et permis à des milliers de travailleurs de continuer à opérer parfois dans des conditions presque normales notamment là où le travail physique sur chantier (les éboueurs par exemple) et l’interface avec le public n’est pas une condition fondamentale. Cela implique un accès internet haut débit généralisé et la possession d’outils informatique performants à domicile mais également la disponibilité de plateformes de travail suffisamment développées, ce qui n’est pas le case dans beaucoup de pays. Ceci sans aller dans la question du paiement en ligne qui dans ce cas de figure permet de régler un certain nombre de dépenses et de transaction à partir de chez soi. Notre pays a un retard important dans ces domaines qu’il faudra rapidement combler.
Le Coronavirus a montré également d’une manière criarde combien il était important de disposer d’une capacité de recherche et développement (R&D) importante et de compétences avérées mobilisables à court terme sur des problématiques nouvelles et inédites comme c’est le cas maintenant avec le covid 19. Ces compétences peuvent être sollicitées là où elles se trouvent et peuvent être localisées dans divers endroits, dans l’industrie, dans l’université, et dans l’armée quand c’est nécessaire. Là est apparu le rôle et l’importance de la recherche fondamentale qui s’avère nécessaire quelque-soit le niveau de développement économique du pays mais pour répondre à des problèmes réels de société. En France, suite à l'appel à projet exceptionnel COVID lancé en février 2020, huit projets de recherche avec des équipes ont été sélectionnés pour lutter contre le coronavirus. A l’échelle de l’Europe, la Commission européenne a retenu 17 projets qui seront financés avec un budget de 47,5 millions d'euros dans le cadre des projets Horizons 2020[1]. Mais au-delà du savoir formalisé, le savoir traditionnel sur des questions nouvelles peut également être mobilisé. C’est ainsi que Le gouvernement indien a publié des conseils basés sur la médecine ayurvédique, les médecines traditionnelles et l’homéopathie pour combattre le nouveau coronavirus mais tout en lançant ses chercheurs dans les différents labos dans une course contre la montre pour mettre au point un vaccin contre la maladie[2]. Au Etats Unis, une force de frappe de 300 000 innovateurs médicaux, chercheurs et personnel de plus de 2 500 universités, écoles de médecine et autres institutions de recherche dans chaque État est mobilisable par le NIH (National Institute of Health)[3] pour trouver un remède et un vaccin. Ceci montre combien il est important de soutenir la recherche médicale et la recherche tout court dans le pays.
L’éducation et la formation sont une autre dimension de cette économie du savoir et qui est mobilisée pour la lutte et la protection contre le Covid 19. Le système éducatif doit mobiliser les jeunes de tout âge pour développer des attitudes relatives à l’hygiène, au comportement individuel et en groupe en cas de désastres inclus ceux qui menacent la santé. C’est également lui qui donne des bases suffisantes pour que l’élève et l’étudiant se sentent à l’aise et pleinement opérationnels dans l’économie numérique et la société du savoir. L’éducation inculquera comment être créatif et inventif pour trouver des solutions pour se protéger, communiquer , créer des solutions et assoira les bases pour des futures opérateurs et futures chercheurs capables de lancer des start-ups et de découvrir des solutions originales. Le confinement montre combien il est important pour les élèves et les étudiants d’avoir une pleine maîtrise des TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation). Dans ce cas de figure, les cours à distance, les modes d’évaluation , le partage des documents et d’outils de travail montrent combien il est important d’avoir cette symbiose entre les deux piliers celui des TIC et celui de l’éducation et de la formation.
Enfin, cette crise a montré quel est le rôle vital des institutions à coordonner tous ces efforts de lutte contre le coronavirus et en particulier comment mobiliser d’une manière suffisante adéquate et efficace toutes les sources de savoir et de connaissances pour les concentrer dans un même but celui de lutter contre la pandémie. Ces sources de savoir et de compétences sont disponibles dans les institutions de l’Etat et les administrations mais surtout au niveau des universités , des centres de recherche, les laboratoires et les équipes spécialisée dans les entreprises au niveau du territoire national et à l’étranger parmi la diaspora. Il est heureux de constater que des conseils scientifiques de haut niveau accompagnent maintenant les décideurs dans leurs décisions. En France deux comités ont été installés le premier conseil formé de douze 12 chercheurs et médecins, et présidé par le prix Nobel de médecine Françoise Barré-Sinoussi. Il est doublé maintenant d’un deuxième comité d’experts du nom de CARE (e Comité analyse recherche et expertise) tous versés dans la tâche de trouver des soutions thérapeutiques et des formes d’organisation les plus adéquates pour limiter l’impact. L’Algérie a suivi en mettant en place le Comité scientifique du suivi de l’évolution de la pandémie du nouveau Coronavirus (COVID-19) qui est pleinement opérationnel. Un certain nombre de pays ont adopté cette démarche montrant que la science vient à la rescousse de la politique et que la décision finale passe par le savoir. C’est une démarche à pérenniser et à étendre à tous les domaines surtout ceux d’importance stratégique et vitale.
Des leçons importantes sont donc à tirer de cette crise de pandémie pour réorientation et recentrer le modèle de développement économique et social dans ce nouveau moule de l’économie du savoir.
Abdelkader DJEFLAT : Professeur d’économie et ancien doyen de la faculté d’économie de l’université d’Oran, il a longuement exercé à la faculté des sciences économiques et du Management de l’université de Lille en France. Il est membre du laboratoire Clersé (Centre Lillois d’économie et de sociologie) affilié au CNRS. Il a créé en 1994 le réseau de recherche sur la Science et la Technologie pour le développement des pays du Maghreb appelé MAGHTECH (Maghreb Technologie) dont il est le coordinateur scientifique (www.Maghtech.org). Ancien Vice-Président du Réseau Globelics et auteur de plusieurs articles et ouvrages, il a également été consultants pour plusieurs organisations internationales