La maison intelligente. Une notion vieille au moins d’une trentaine d’années, mais c’est avec l’explosion de l’Internet que c’est devenu « outrageusement » à la mode.
Dans les pays développés, il n’y pas – ou presque – un plan architectural qui n’intègre pas de nouvelles fonctionnalités rendues possibles par les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Pour l’Algérie, une chose est sûre : ce qui est ailleurs la maison d’aujourd’hui est loin d’être pour demain.
Et ce n’est pas faute d’être séduisant ! Présentement, sciences, techniques et imagination permettent une harmonie complète avec son habitation ou encore avec son lieu de travail. Les solutions et les inventions sont le moins qu’on puisse dire époustouflantes. Sur des pages web ainsi que sur les réseaux sociaux, des entreprises proposent des services de rêve que tout un chacun voudrait s’offrir. En voilà un échantillon : « (…) est une solution intelligente qui vous permet de contrôler votre maison à distance avec votre smartphone, gérer vos volets roulants électriques, climatiseurs, chaudière et lumière tout en étant loin de votre maison ». Ou encore : « Vous êtes au lit ! Éteignez la lumière par simple touche de votre téléphone portable. Réglez votre chaudière à distance où que vous soyez. Allumez votre climatiseur avant de rentrer chez vous, et, une fois rentré, votre maison est pleine de fraîcheur. Une personne sonne à votre maison ! Vous êtes absent ? Votre maison vous met en vidéoconférence avec lui. » « Vous êtes sorti ! Oups ! Vous avez oublié d'éteindre la lumière ! Alors éteignez-la à distance ! Même si vous êtes au bout du monde », écrit une entreprise sur sa page Facebook. Un peu plus bas, on lit : « Plus besoin de vous déplacer jusqu'à votre chaudière pour régler la température. Faites le directement avec votre smartphone où que vous soyez. » Alléchant, n’est-ce pas ?
Et c’est loin d’être tout ! D’autres solutions qui font d’une maison plus qu’une maison – elles en font une réelle complice – sont proposées. « Une fois sorti de votre maison, un système de surveillance se déclenchera. Si votre maison intelligente détecte la présence d'une personne à l'intérieur, vous recevrez sa photo instantanément sur votre smartphone. Et vous pouvez déclencher l'alarme à tout moment », peut-on lire sur la page web d’une entreprise.
Des coûts pas toujours à la portée
On n’est pas à bout de nos surprises : « Votre maison intelligente sera parfumée grâce au diffuseur d'huiles essentielles. Optez pour le parfum que vous aimez le plus. Activez votre diffuseur sur votre smartphone à tout moment », propose-t-on sur le net. Ou encore : « Vous êtes envahis par les moustiques en plein été ? Par simple touche sur votre smartphone, activez l'appareil anti-moustiques. » « Trop d'éclairage ? Vos lampes consomment trop d'électricité ? Votre maison intelligente s'en occupera en diminuant la densité de la lumière et vous fera économiser jusqu'à 50% sur votre consommation d'électricité. » On peut également lire : « Vous ne pouvez pas rentrer chez vous ce soir ? Vous avez laissé vos volets ouverts ? Aucune crainte ! Votre maison intelligente détectera que vous êtes absents. Alors vos volets se fermeront automatiquement au coucher du soleil. »
C’est là, convenons-en, une technologie alléchante dont on voudrait bien équiper son logis, mais, vouloir n’étant pas toujours pouvoir, une contrainte se posera à celui qui osera prétendre à autant de joujoux. La première est, à coup sûr, les coûts. Ainsi, un simple système de domotique qui intègre un minimum, soit un éclairage automatique et un contrôle d’accès, s’élèvera à pas moins de 200 000 DA, selon une estimation d’un gérant d’une société spécialisée dans la domotique. Ce qui n’est pas, convenons-en, à la portée de tout le monde. Et plus on prétend à davantage d’options, plus la facture sera salée. Celle-ci est susceptible de dépasser aisément la barre de 1 million de dinars. C’est d’où d’ailleurs le fait que les demandeurs de la domotique ne soient que des riches et des entreprises et, bien évidemment, des institutions étatiques. D’où peut-être aussi le fait que les Algériens, pour la plupart, n’ont aucune notion de la maison intelligente. Des personnes interrogées en vue d’en savoir davantage, rares celles qui en ont une idée plus ou moins claire. Et plus rares encore celles qui ont déjà entendu le terme « domotique ». Les réponses, quand réponse il y a, se sont focalisées sur la vidéosurveillance et les systèmes d’alarme.
La sécurité d’abord
En fait, presque toutes les réponses ont tourné autour du volet sécurité. Même le volet confort, les Algériens n’y pensent pas trop. « Avec la crise de logement, dira Kamel, un employé dans une banque, on n’est pas près de penser au confort au sens occidental du terme. Moi personnellement, un lit, des chaises et des fauteuils confortables me suffisent largement ». Et d’ajouter : « Pour les contrôles à distance, les babioles qui me parleront de la température, de ma santé, de l’humeur de ma femme (rires !), je n’en ai rien faire. » Saïd, un commerçant de gros, lui, a été séduit depuis quelques années par le volet sécurité. Il a fait installer cinq caméras de surveillance dans son magasin et quatre autres dans sa maison. Il a aussi opté pour un détecteur de fumée et un système d’alarme. « Pour moi, le volet sécurité est plus important, dit-il. Pour autre chose, je fais comme les anciens faisaient au temps de “pas d’Internet, pas de téléphone portable” ».
Contactés par nos soins, des entreprises spécialisées dans la domotique – rudimentaire du reste – ont toutes affirmé que presque toute la demande nationale tourne autour de la sécurité : vidéosurveillance, alarmes, interphones… Qu’en est-il donc du volet énergie qui, ailleurs, est probablement le volet le plus important. « Aucun client ne m’en a encore parlé. L’énergie n’est assez chère chez nous pour qu’on pense à en économiser », dira le gérant d’une entreprise spécialisée dans la maison intelligente, et qui a préféré ne pas être cité nommément. Il explique : « Les coûts d’un système d’économie d’énergie ne sera rentabilisé qu’après des années, voire des décennies. C’est pour cela que les gens n’y pensent pas. »