Le coronavirus a aussi fait des heureux ! Parmi eux, les web marchands. Une activité qui avait du mal à décoller dans le pays mais qui a reçu un coup de « boost » avec l’apparition de la pandémie de Covid-19, dont la distanciation sociale reste –actuellement- le seul « remède ». Les mesures barrières décrétées par le gouvernement ont, d’une certaine manière, accéléré le développement de l’activité du commerce électronique.
Le printemps que l’on a vécu en quarantaine, a vu fleurir les applications de e-Commerce. « J’ai recensé plus de 40 nouveaux web marchands durant les trois premiers mois du confinement », assure Bilel Bouflah, expert en informatique qui suit de près l’écosystème numérique du pays. M. Bouflah précise que ces sites, pour la majorité sous forme d’applications mobiles, ont voulu « surfer sur la vague Corona » en proposant l’épicerie et la livraison de plats à domicile. Un service qui, certes, existait déjà depuis un moment, mais qui concernait surtout les repas et les produits vendus sur Internet à l'image de l'habillement et de l'électronique. Néanmoins, avec la propagation rapide de ce virus, le «shopping 2.0» est considéré comme le meilleur moyen pour appliquer la distanciation sociale. Il vous permet en un clic d'acheter ce que l’on veut, et cela, sans être obligé de se rendre en magasin. Ce qui évite les rassemblements à plusieurs dans les échoppes. Cela est devenu possible grâce au fait que l’on ne rencontre que les livreurs, qui auront pris au préalable les précautions nécessaires pour se protéger et nous protéger. Des avantages qui n’ont pas de prix en cette période de pandémie. Ce qui a donné des ailes à ce type de commerce.
Des reconversions
On se fait «bombarder» à coups de publicité sur les réseaux sociaux avec comme message
principal: «Restez chez vous, on s'occupe de vos courses». Il y a les marketplaces classiques à
l'instar de Jumia, Batolis, qui ont ajouté le service épicerie à leurs catalogues.
Toutefois, les applications de VTC ont «flairé» la bonne affaire en ajoutant elles aussi ce service. On peut citer l'exemple de Yassir via sa branche Yassir Food ou encore TemTem. Tous proposent pratiquement les mêmes services avec presque les mêmes tarifs de livraison (entre 300 et 700 DA). Même les soldes d’été et les remises du « Black Friday » ont pu être organisés en ligne.
Pandémie de coronavirus oblige, les grandes enseignes ont renoncé au Black Friday. Cet événement qui vient tout droit des Etats-Unis s'était installé chez nous ces trois dernières années. Néanmoins, les sites de vente en ligne, qui ne nécessitent pas de distanciation sociale, ont sauté sur l'occasion. À leur tête, Jumia Algérie, le leader du e-Commerce dans le pays. Durant cet événement commercial, il a offert à ses clients des remises exceptionnelles qui ont connus un très grand succès. Plusieurs autres sites de vente ont fait de même. À l'image de Pharmacima.com, spécialisé dans la vente de produits parapharmaceutiques et de protection contre la Covid-19.
« Je venais de lancer mon site, cet événement a été très bénéfique pour moi en me permettant de booster mes ventes », a fait savoir Mohamed Sassa, CEO-fonadteur de Pharmacima.com.
Les boutiques « classiques » aussi…
Le e-Commerce n’a pas concerné que les boutiques exclusivement en ligne. Le coronavirus a mis à rude épreuve les commerces. Beaucoup ont été obligés de baisser le rideau à cause des mesures de restrictions décidées par les autorités sanitaires. Alors pour survivre, certains ont sauté le pas du digital. Ils ne le regrettent pas, car cela leur a permis de continuer à travailler et même à faire de bonnes affaires pour certains. C’est le cas de Zara Algérie qui propose dans le contexte actuel de la pandémie l’achat sur son site Internet avec une livraison gratuite. C’est aussi le cas également pour Décathlon qui a ouvert un « Store » sur l’application Tem-Tem, qui était avant le confinement un VTC. Carrefour a, quant à lui, choisi la Marketplace Jumia pour vendre ses produits en ligne. Les clients ont même eu droit aux promotions de cet hypermarché qu'ils peuvent consulter dans une section spéciale. Une réalité qui se confirme avec le fait que même les petites boutiques ont décidé de se tourner vers le numérique, particulièrement durant cette crise. Certains opérateurs ont créé des sites Internet alors que d'autres utilisent simplement les réseaux sociaux, notamment leurs pages Facebook. C'est le cas du vendeur de téléphones portables YouShop. «Nous avons fermé nos boutiques dès que la crise a débuté. On vend exclusivement en ligne sur notre page Facebook ou notre site web», fait savoir Youba, le gérant de cette boutique. «On a toujours assuré la livraison de nos produits, mais certains préfèrent se déplacer en boutique. Désormais, on ne fait que les livraisons», soutient-il.
Dans le creux de la vague ?
Les clients semblent donc satisfaits de ces services qui leur facilitent la vie. On voyait mal
comment ils pourraient s’en passer à l’avenir. Pourtant, beaucoup de sites marchands qui avaient ouvert au début de la pandémie ont vite fermés. Le marché s’est réduit en quelques mois. « Au début, ça marchait bien pour nous mais plus la situation revenait à la normale plus nos ventes se réduisait », avoue Lotfi qui a mis en « standby » son site de vente sur Internet. Le commerce en ligne en Algérie est-il encore au creux de la (seconde) vague ?
Une désillusion ? « Il y a plusieurs facteurs qui grèvent l’essor du e-Commerce chez nous, dont le plus important est celui de l’absence du e-payment », précise notre interlocuteur. Chose que confirment la majorité, pour ne pas dire, tous les entrepreneurs qui se sont lancés dans cette aventure. En effet, le problème du paiement en ligne reste le principal frein de la révolution numérique dans le pays, au même titre que la qualité de l’Internet. Seuls les grands facturiers et quelques boutiques proposent ce service. Et les consommateurs y sont encore réticents. « J’ai peur de me faire pirater mon compte ou que le paiement ne passe pas et que l’on m’enlève quand même de l’argent. C’est des problèmes dont j’ai déjà entendu parler chez des amis », assure Amel, une jeune fille qui, paradoxalement, n’hésite pas à faire des achats avec sa carte Paysera, une néo- banque qui se trouve à des milliers de kilomètres de l’Algérie. Un manque de confiance que les responsables du secteur n’ont pas réussi à traiter pour fidéliser les Algériens à ce type de paiement. Surtout qu’une grave crise de liquidité au niveau des guichets de la Poste frappe le pays depuis plusieurs mois. Malgré cela, les consommateurs préfèrent le paiement en liquide que de payer par Internet. D’ailleurs, les chiffres du GE-Monétique sont là pour le démontrer. Si les transactions de paiement ont nettement augmenté depuis le début de l’année, elles ne concernent majoritairement que le paiement des factures de gaz, d’électricité et de téléphones. Selon les derniers chiffres du GIE-Monétique, le nombre de transactions par e-paiement en Algérie a enregistré un nouveau pic durant le mois de novembre 2020. Plus de 630 000 opérations ont été effectuées en ligne durant ce mois contre 486 000 au mois d’octobre. Sur ces 630 000 opérations, seulement 30 constituaient un achat de biens.
E-Payment et logistique !
Une situation qui se répercute négativement sur ce type de commerces. « Il y a plus de 60 % de nos commandes qui sont fausses », atteste, Feriel qui a lancé un site de vente de vêtements pour enfants. « Souvent, les gens commandent mais ne répondent pas aux livreurs, annulent la commande quand ils la reçoivent ou nous donne carrément des fausses adresses », témoigne-t-elle non sans mettre en avant le fait que ces annulations avaient un grand coût. « On paye la livraison aller et retour de notre poche, en plus de ce voir retenir la marchandise durant plusieurs jours », souligne-t-elle, dépitée. Chose que partage beaucoup de ses pairs. « Si les produits étaient payés d’avance via le service de paiement en ligne, cela mettrait fin au règne des plaisantins et donnerait à réfléchir à ceux qui commandent en étant très sûr de leur choix, du fait que leur argent risque d’être bloqué plusieurs jours chez le vendeur. C’est la seule voie, à mon sens, qui mène vers la professionnalisation de cette activité », soutient le responsable d’une société de livraison. Ce dernier évoque aussi un autre frein : le problème de logistique. « Ce service est encore dans un état embryonnaire. Ce qui fait que la demande est importante mais l’offre ne suit pas cette dynamique. Cela se répercute négativement sur les prix et la qualité de service », avoue ce professionnel. La logistique et le e-Payment restent les deux maillons « faible » du e-Commerce en Algérie. Ainsi, malgré un contexte favorable à cette activité, elle peine encore à décoller. Il est donc primordial de les régler pour consolider les acquis de la période Covid-19.