L’écosystème startup est devenu une arlésienne. Pourtant, ce sont les startups le moteur de l’économie numérique tant vantée et espérée. Cet écosystème est nécessaire pour réussir ce grand défi. Sommes-nous sur la bonne voie ? Petit tour d’horizon dans notre dossier du mois.
Startup. Un mot que l’on entend très souvent ces derniers temps. Dans la bouche des politiques, des économistes et des journalistes, il est servi à toutes les sauces. Une notoriété soudaine qui s’explique par une prise de conscience gouvernementale sur la question du digital ? D’ailleurs, le nouveau chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, en a fait une priorité présidentielle. Il table sur le numérique pour diversifier l’économie nationale. Il le voit même comme le pétrole de la « nouvelle Algérie ». Pour cela, il a créé deux départements ministériels ; un ministère délégué chargé des incubateurs et un ministère délégué chargé des startups. Le plan d’action du gouvernement présenté au mois de février dernier est venu confirmer cette volonté politique. « La création d’un nouveau département ministériel dédié à la startup et à l’économie de la connaissance constitue un signal fort quant aux options stratégiques du gouvernement, qui œuvrera à créer les conditions requises pour une intégration rapide et ordonnée de notre pays dans l’économie de la connaissance », est-il écrit dans ce document qui doit dicter l’action que devra suivre le gouvernement durant les prochaines années.
Coup sur coup, le gouvernement a annoncé une série de mesures en faveur des startups : Des exonérations fiscales et parafiscales, la création d’organismes de soutiens et d’accompagnements, la création d’un fonds de soutiens aux startups, etc. Il a été même annoncé la création d’une « Cité des startups » qui constituera « un Centre de technologies multiservices à haute attractivité pour renforcer la place de l'Algérie en tant que pôle africain en matière de création et d'innovation ». Une vraie volonté politique pour donner un coup de « boost » à l’économie numérique, serait-on tenté de penser. Sommes-nous donc à l’aube de la mise en orbite des startups « made in bladi » ?
Mettre en place un écosystème adéquat
L’avis des spécialistes est mitigé sur la question. Certains sont des plus optimistes alors que d’autres le sont moins, pour ne pas dire pessimistes. Mais tous craignent que cela puisse être, une nouvelle, que des effets d’annonce. « Le plan d'action du gouvernement pour les startups est beau, très beau même. Mais on attend son application sur le terrain », lance Idir Iharkouken, spécialiste en digital et en réseaux sociaux. Celui qui a investi le domaine depuis plusieurs années craint que ce soit encore des promesses sans lendemain ! « Les entrepreneurs algériens attendent la mise en application des mesures annoncées, avec des actions concrètes », soutient-il. Par actions concrètes, il parle de la mise en place d’un véritable écosystème à même de permettre aux jeunes entrepreneurs d’évoluer dans un environnement sain. « Pour réussir ce défi, il faut d'abord commencer à mettre en place le plutôt possible cet environnement. Cela passe d’abord par la définition de ce qu'est la startup et la mise en place de son cadre juridique », estime le manager général de Alcomnet. Il plaide également pour la mise en place de mécanismes de soutien et d'accompagnement de ceux qui se lanceront dans ce défi. « Il faut éviter que ce financement, dans cette stratégie gouvernementale, ne se transforme en ANSEJ-bis avec de l’argent dépensé dans des projets plus destinés à apaiser le front social que d’aider à développer des projets viables », souligne-t-il. Idir harkouken propose, dans ce sens, que ces startups soient accompagnées par de vrais experts pour faire de leurs projets des entreprises pérennes.
Comment ne pas « mourir »
Justement, il faut savoir que toutes les idées sont bonnes mais elles sont vouées à l’échec si elles ne sont pas façonnées et adaptées aux besoins et aux réalités du marché, souligne Tang Loaëc, expert français dans l’accompagnement des startups. « Car une idée demande à se confronter à la réalité pour s’affiner », assure-t-il. Alors comment éviter l’échec ? « En sachant tester l’idée sans se ruiner. Réduire le coût de l’échec, selon la méthode “Fail faster” », précise le même expert qui insiste sur l’accompagnement de ces jeunes afin d’éviter que leurs entreprises ne meurt. Il conseille dans ce sens à ceux qui veulent se lancer dans l’aventure de se poser cinq questions qu’il qualifie d’existentiel ! « Quel est le problème que vous cherchez à résoudre ? - Quelle est votre solution ? - Qu’est-ce que votre solution a d’unique, meilleur ou de différenciant, comparée à la concurrence ? - Quel est le marché auquel vous vous attaquez est quelle est sa taille ? », énumère Tang Loaëc. Néanmoins, il précise qu’il n y a pas de “best practices” clairs à suivre. Les pratiques d’aujourd’hui reflètent seulement les réalités d’hier. « Les chemins qui mènent à demain ne sont pas balisés et n’ont jamais été testés », indique-t-il. Une réalité s’impose donc : la nécessité d’accompagner ces « startaupeurs » dans leur aventure, et croire en leurs potentiels même en cas d’échec. Car, il faut savoir que 90% des startups à travers le monde font faillite trois ans après leur lancement. Ce n’est pas une fatalité puisque beaucoup parmi ceux qui préservèrent finissent par trouver l’idée géniale qui ferra d’eux de grands chefs d’entreprises. Avec les pratiques bien de chez nous, la bureaucratie et certaines mentalités d’une autre époque peut-on réellement aspirer à cette économie « new-age » ?
Réussir la révolution numérique
Abdelali Derrar, directeur de l’INSAG Buisines School, première école algérienne à avoir lancé un MBA en marketing et communication digital, se montre confiant. Cependant, il estime que la volonté affichée des pouvoirs publics doit impérativement être accompagnée par des actions concrètes. « Par actions concrètes, je parle de la suppression de tous les blocages qui existent dans le domaine du numérique », rétorque-t-il. « Je parle aussi de la libération de toutes les initiatives et, surtout, il faut mettre les jeunes aux commandes. J’insiste sur ce dernier point car ce sont eux seuls qui peuvent mener à bon port cette révolution. Ils naviguent dans leur monde », poursuit Abdellali Derrar. Il faut dire que l’Algérie possède de jeunes talents dans le domaine qui ne demande qu’à éclore. Si on les met dans les conditions adéquates et on leur donne le pouvoir de décision, ils sont capables de miracles. Cette bataille ne pourra donc être gagnée sans l’implication de tous. Le premier responsable de l’INSAG donne l’exemple de la transformation digitale des entreprises. « Les patrons qui veulent révolutionner leur entreprise, ne peuvent pas rester à l’écart. Ils doivent y adhérer corps et âme. Ils doivent dans ce sens mettre en place une stratégie qui impliquera tous les métiers de l’entreprise », dit-il avec le même optimisme. Car, effectivement on ne peut pas aller vers la transformation digitale avec des personnes qui ne savent pas de quoi il s’agit. Il recommande dans ce sens le lancement d’une politique nationale de formation numérique. Pour accompagner le pays en général et les entreprises en particulier, dans la transformation digitale souhaitée. Une initiative qui va contribuer à mettre les bases d’un écosystème tourné vers le numérique. Les incubateurs sont également d’une importance primordiale pour « couver » ces projets innovants. Ils doivent être impérativement soutenus et gérés d’une façon plus souple. Loin de la bureaucratie actuelle qui a fait que plusieurs porteurs d’idées soient « captés » par l’étranger. Les opportunités offertes par l’économie numérique crèvent les yeux. On n’a qu’à voir avec les applications de VTC et de services à la mode ces derniers temps, l’infinité des possibilités qui s’ouvrent à nous. Cependant, une question se pose : pouvons-nous réussir ce challenge sans une connectivité correcte, le e-paiement et la culture qui va avec ? Wait and see…
Qu'est qu'une startup ?
Une start-up, startup ou entreprise en démarrage (en français), est une nouvelle entreprise innovante, généralement à la recherche d'importants fonds d'investissement, avec un très fort potentiel éventuel de croissance économique, et de spéculation financière sur sa valeur future. Sa phase de recherche et de développement de produit innovant, de tests d'idée, de validation de technologie, ou de modèle économique, est plus ou moins longue, avant sa phase commerciale, et son taux de risque d'échec est très supérieur à celui d'autres entreprises, de par son caractère novateur, sa petite taille et son manque de visibilité. Elles peuvent être financées par divers formes de capital risque, business angels, fonds commun de placement dans l'innovation, etc.