Depuis l’avènement d’Internet en Algérie, le web a commencé à devenir progressivement un nouveau support de communication bien plus important et bien plus influent que les médias classiques. Si les Algériens, il y a de cela dix ans, se contentaient de lire les quotidiens d’information arabophones ou francophones, regarder la télévision ou écouter la radio, aujourd’hui et grâce au web et aux caractéristiques extraordinaires qu’offre Internet, ces derniers ont accès à une information radicalement nouvelle qui se fait de plus en plus d’adeptes en Algérie.
Les sites d’information en ligne, les web radio et les Web TV s’imposent de façon spectaculaire permettant aux Algériens d’avoir accès à un nouveau support pour la liberté d’expression. Le web est devenu en l’espace de ces dernières années un média alternatif incontournable et un outil ultime pour la liberté d’expression. Les spécificités du discours internetiques permettent de s’exprimer d’une façon radicalement nouvelle. Il offre désormais aux citoyens un échange sans précédent entre les utilisateurs en garantissant une marge plus large de liberté d’expression même si elle n’est pas absolue dans le sens où le web demeure soumis au contrôle et à certaines règles qu’il est interdit de bafouer.
Le média alternatif, c’est quoi ?
L’usage d’Internet s’est démocratisé en Algérie. Selon des statistiques de l’Union Internationale des Télécommunications, 72% d’internautes en Algérie sont âgés entre 15 et 19 ans. 40% des algériens se connectent tous les jours ou presque et le Net est utilisé en 2013 par environ 28% de la population (contre 56% au Maroc et 44% en Tunisie). Avec un nombre d’abonnés Internet qui est passé de 2.339.338 en 2013 à 9.816.143 au 30 novembre 2014 grâce à la 3G et la 4G, les médias alternatifs qui naissent sur le web à l’instar des sites d’informations en ligne, les blogs, les web TV et les web radio, ont imposé un nouveau traitement de l’information et se sont imposés de par leur singularité et leur traitement différent de l’actualité qu’ils passent en revue et exploitent pour une plus grande clarté.
En Algérie, désormais, les différents médias alternatifs apportent un complément indispensable à la juste compréhension des événements qui se déroulent quotidiennement. A la différence des médias classiques, ces médias-ci abordent les sujets selon une certaine organisation de l’actualité et incitent les internautes et les acteurs de l’info à traiter les informations de l’actualité d’un angle différent afin d’éveiller en permanence la conscience citoyenne et imposer de nouvelles pistes de réflexion. La communication alternative développe une communication différente de celle produite par les médias institutionnels, différente du discours hégémonique d’une société. Elle est plus critique, plus engagée, plus militante, elle s’occupe du non-dit ou du non-couvert par les autres médias.
Il faut dire que les médias alternatifs qui commencent à s’imposer sur la scène algérienne sont loin de ressembler à l’appareil journalistique trop conformiste imposé par les médias classiques. Grâce au web, une meilleure ouverture est possible, une liberté d’expression bien plus large, même si soumise également à des règles et des limites que les acteurs de ces médias ne doivent pas franchir.
Grâce au web, ces médias peuvent donner une actualité en contradiction, interpeller les internautes et évoquer des sujets très sensibles et souvent épineux. Grâce aux médias alternatifs, les lecteurs prennent conscience de l’existence d’une autre alternative médiatique construite sur de l’information directe !
Le média alternatif, véritable concurrent de l’information classique
Le média alternatif est désormais un véritable concurrent de l’information classique de par l’influence qu’il exerce sur l’actualité nationale et mondiale et son côté interactif qui enrichit l’information grâce aux critiques des internautes. Quand nous parlons d’un nouveau monde de l’information, ce n’est donc pas uniquement en se basant sur la nature du traitement de l’information, mais sur la rapidité de celle-ci puisque le média alternatif permet également un traitement plus rapide de l’information grâce au web.
Si les médias classiques et les médias alternatifs développent pratiquement le même type d’information et abordent des thèmes d’actualité similaires, la différence réside dans le fait que les médias alternatifs favorisent systématiquement des pôles médiatiquement populistes, et contribuent à instruire l’information au profit de celle-ci tout en ouvrant le champ aux internautes pour réagir et apporter le grain de sel. Grâce au web, tout ce système de communication se regroupe à travers de vastes réseaux qui inextricablement se rejoignent pour enfin se reconnaître dans le même idéal : la liberté d’expression !
Qu’est-ce qu’un véritable média alternatif ?
Le média alternatif doit être indépendant de n’importe quelle mouvance idéologique. Il est censé traiter l’information et ne pas tomber dans la désinformation et manipulation. L’objectif d’un média alternatif est de rassembler les citoyens et non de les diviser. Le rôle de ces médias-là devrait être celui d’ouvrir le débat sur les sujets qui touchent l’actualité, mais d’apporter un nouveau regard en imposant la réflexion, l’analyse et en cultivant l’esprit critique pour apporter des solutions justes et provoquer des interrogations utiles. En un mot, l’information alternative a pour objectif de développer une information différente de celle produite par les médias.
Les médias alternatifs, levier de la lutte pour la liberté d’expression
Internet a donné un second souffle aux médias en donnant naissance à la presse alternative, une presse relativement plus ouverte, moins soumise à la manipulation et plus libérée des tendances dominantes. Les médias alternatifs en Algérie sont aujourd’hui des médias citoyens différents des grands groupes de presse, à la ligne éditoriale distincte, s’opposant de cette façon aux médias de masse. Ils offrent des informations qui se veulent à contre-courant des tendances dominantes. Ils véhiculent également des idées et des informations habituellement peu diffusées dans les grands médias commerciaux dont la liberté d’expression est souvent enchaînée par d’autres considérations. Dans notre pays, aujourd’hui, les médias alternatifs revêtissent des formats différents tels que : le journalisme en ligne, les magazines en ligne (webzine) et autres supports virtuels, multimédia dans Internet. Cependant, pour que ces médias qui ont réussi à s’imposer grâce à la démocratisation du web puissent s’imposer et apporter un discours différent que celui des médias traditionnels, la nécessité d’être indépendant s’impose. En effet, pour pouvoir jouir d’une marge de liberté d’expression, ces médias doivent être autonomes, loin de la manipulation.
Sites internet d’information, un nouvel espace d’expression
Parmi les sites algériens d’information les plus populaires figurent Algérie Focus, TSA, El Watan, Elkhabar, Echourouk et bien d’autres sites qui se sont imposés grâce à un traitement différent de l’information. Ces sites, qui réalisent souvent des chiffres de visites impressionnants, ont imposé une nouvelle presse alternative et ont contribué à façonner l’opinion publique en ouvrant le débat sur des sujets très sensibles et en traitant l’information de façon rapide et efficace.
Parmi ces sites figure TSA, le premier site internet d’information très célèbre en Algérie. En effet, en 2014, ce site a terminé en tête des médias francophones algériens sur Internet. Ainsi, sept ans et demi après son lancement, ce média alternatif a consolidé sa position de premier média francophone internet algérien, avec plus de 3.2 millions de visiteurs et 9.5 millions de pages vues en janvier 2015, selon les données de Google Analytics, l’outil d’analyse d’audience de Google. Parmi eux, 77% sont des lecteurs fidèles.
Pour l’année 2015, ce site d’information compte accélérer son développement, en misant sur la mise en ligne d’une nouvelle formule de son site qui introduira plusieurs nouveautés en matière de contenus, dont des contenus payants pour réduire sa dépendance à l’égard du marché publicitaire.
Ces jeunes web-humoristes qui se sont imposés à travers les médias alternatifs
L’influence des médias alternatifs est indéniable au sein de la société algérienne. Le traitement différent de l’information imposé par ces nouveaux médias n’apporte pas uniquement un nouveau regard sur l’actualité, mais permet de briser les tabous, de jouir de plus de liberté pour se montrer plus critique vis-à-vis de la société et de véhiculer des idées neuves qui permettent de façonner l’opinion publique et la guider vers d’autres horizons.
Dans ce sens, la naissance sur la toile algérienne de jeunes web-humoristes qui n’hésitent pas à aborder l’actualité avec un regard critique a apporté une nouvelle dimension au traitement de l’information. Cette nouvelle génération d’humoristes qui raillent les sujets de société les plus sensibles ne cesse de créer le buzz en Algérie. De nombreux sont d’ailleurs fréquemment à la une des médias en raison de la diffusion de leurs vidéos qui suscitent la polémique et provoquent le débat. Ils s’appellent Zarouta Youcef, DZjoker, MisterX, l’Inconnu, MGdz et Anes Tina.
Ces humoristes algériens ont choisi de diffuser leurs sketchs vidéo uniquement sur Internet, en créant leur propre chaîne YouTube, suivies le plus souvent par des milliers d’internautes algériens. Ils se moquent ouvertement de la politique et des politiciens de leur pays, critiquent le système, dénoncent les tabous, et mettent l’accent sur les fléaux sociaux les plus délicats dans une société qui préfère souvent garder le silence.
Des web-humoristes très influents
Grâce à YouTube, ces jeunes web-humoristes qui représentent le renouveau de la scène humoristique sont devenus très influents. Leur nombre de vues sur YouTube prouve leur influence grandissante. Dans ce sens, Zarouta Youcef, un web-humoriste très connu, compte plus de 600 000 vues sur YouTube grâce sa vidéo « Politique en Algérie ». Grâce au web et aux médias alternatifs dont YouTube et Facebook, ces jeunes artistes sont reconnus volontiers pour le pouvoir d’influence qu’ils exercent dans le pays et sur l’opinion publique.
Entretien avec Anes Tina, web-humoriste
« Le web demeure un moyen d’information très rapide qui transmet l’information de façon efficace »
Anes Tina est un humoriste, podcaster et comédien célèbre en Algérie. Aujourd’hui, il a pu captiver l’attention, l’amour et le respect d’une centaine de milliers d’Algériens à travers les vidéos qu’il poste sur sa chaîne YouTube, des vidéos qui traitent de sujets sociaux suscitant l’intérêt et créant le buzz.
Comment en êtes-vous arrivé à vous exprimer à travers le web ?
J’ai commencé par commenter à travers le web certaines images qui font le buzz. Au début, j’ai constaté qu’au niveau de mon cercle d’amis et mes connaissances, cela plaisait beaucoup. Ce n’est qu’en voyant le succès de ces images commentées que j’ai décidé de prendre l’initiative de commencer à réaliser des vidéos qui traitent des sujets sensibles qui intéressent les internautes algériens. J’ai constaté que ces vidéos créaient le buzz et intéressaient de plus en plus d’internautes. Le nombre de vues augmentait de façon considérable et je commençais à mesurer toute l’influence que je pouvais avoir à travers ce nouveau moyen de communication.
Que pensez-vous de ce moyen d’expression ?
Je reconnais que le web est un moyen d’expression très influent qui permet une meilleure diffusion de l’information. Cependant, je crois que ce moyen à lui seul ne suffit pas, sans qu’il ne soit complémentaire avec les programmes des chaînes de télévision privées qui peuvent nous assurer une meilleure visibilité grâce à leur ligne éditoriale moins soumise à la censure. Le web demeure un moyen d’information très rapide qui transmet l’information de façon efficace.
Qu’est-ce qui a fait votre succès à votre avis ?
Je crois que c’est mon traitement décalé et avec humour des sujets sensibles qui touchent la société algérienne, mais dans un cadre qui s’adresse à toute la famille. Nous donnons une véritable image de la société algérienne avec ses complexes et ses tabous.
Comment choisissez-vous vos sujets ?
Généralement, je choisis mes sujets en fonction de l’actualité et des thèmes qui intéressent le plus la société, ceux qui font partie de notre vécu de tous les jours.
Vous êtes aussi très présent sur plusieurs réseaux sociaux comme Twitter et Facebook. Environ 500 000 personnes ont liké votre page Facebook et vous suivent quotidiennement. Comment, à votre avis, les réseaux sociaux ont participé au développement de l’information alternative en Algérie ?
Les réseaux sociaux ont opéré une révolution dans le monde entier. Ils sont devenus une source incontournable d’informations. En Algérie, même si nous ne sommes pas encore très développés dans l’ampleur des réseaux sociaux, il n’en demeure pas moins que l’information circule plus vite et de façon contagieuse à travers les réseaux sociaux.
Vous appartenez à une génération d’artistes qui n’ont jamais emprunté les chemins traditionnels du succès, mais qui ont su utiliser Internet et Facebook pour conquérir une audience considérable. Que pensez-vous du développement des médias alternatifs en Algérie, tels que la presse électronique, les web TV et les web radio ?
Il existe en Algérie des web TV et des web radios, mais elles ne sont pas encore très influentes. Le monopole est détenu par la presse classique et la télévision et les radios classiques, mais je crois que ce concept va se développer en Algérie grâce aux personnes qui s’intéressent de plus en plus à ce domaine.
Quels sont les obstacles qui empêchent le web comme média alternatif de se développer en Algérie ?
Malheureusement, le premier obstacle est que nous sommes encore en retard en Algérie par rapport au développement d’Internet en Algérie. Nous avons le nombre d’utilisateurs le plus inférieur au Maghreb par rapport au Maroc et à la Tunisie. Ajoutez à cela le problème du débit internet qui demeure lent en Algérie, mais je suis optimiste car à l’avenir, le web promet de se développer en Algérie et les médias alternatifs prennent une place de plus en plus considérable.
Interview de Younes Sabeur Cherif, responsable de la page Envoyés Spéciaux Algériens
« C’est désormais le web qui façonne l’opinion publique en Algérie »
Younes Sabeur Cherif est un jeune journaliste et animateur âgé à peine de 26 ans. Ce jeune étudiant en sciences politiques et relations internationales à l'Université Alger 3 a changé la face des médias en Algérie en créant la première page Facebook de ''journalisme citoyen'', ESA, qui compte aujourd’hui plus de 257 022 fans et des milliers de visiteurs par jour. Cette page Facebook, qui s’est distinguée en décembre 2010 durant le déclenchement du printemps arabe, a pu imposer une nouvelle lecture de l’information, une lecture différente que celle imposée par les médias classiques. Dans cette interview, Younes nous explique comment le web est devenu un média alternatif très influent en Algérie.
Envoyés Spéciaux Algériens est une page Facebook qui compte aujourd’hui plus de 256 361 fans. Parlez-nous de vos débuts ?
ESA est née d’une simple idée, celle que chaque citoyen a le droit de s’informer et d’informer. Les débuts étaient un peu timides en juillet 2010, mais rapidement les gens ont adhéré aux principes de la page, et l’initiative est devenue pour beaucoup d’internautes un lieu de débat, et surtout un défouloir où la liberté d’expression est totalement garantie. En janvier 2011, ESA a fait un énorme buzz surtout avec les émeutes qu’a connu la capitale, les gens s’informaient directement à travers la page.
Qu’est-ce qui vous a amené à créer cette page ?
L’une des importantes raisons, c’est le verrouillage médiatique imposé par le régime. En 2010, un an après le 3ème mandat du président Bouteflika, il n’y avait ni chaîne privée, ni sites d’information indépendants. Du coup, nous avons pensé à créer un espace libre d’échange d’informations, et je pense que le pari est réussi.. Aujourd’hui, je suis fier de dire qu’Envoyés Spéciaux Algériens a vraiment laissé ses empreintes sur la toile et la scène médiatique algérienne.
Qu’est-ce qui a fait selon vous votre notoriété ?
Je pense que la notoriété est due au manque de supports médiatiques web en Algérie. ESA n’a fait que remplir un vide. Autre chose, je pense que le ton de liberté élevé sur la page pousse les gens à venir consulter et débattre sur la page ESA.
Que pensez-vous de la place du web comme média alternatif en Algérie ?
Le web comme média alternatif a une véritable place face au manque d’indépendance des médias classiques, qui subissent généralement des pressions des autorités ou des lobbies médiatiques. Le web représente donc un échappatoire à cet étouffement de la liberté d’expression.
Est-ce que les sites internet et les blogs participent, à votre avis, à la liberté d’expression en Algérie ?
Absolument ! Et pas seulement cela. L’activité sur le web algérien participe à faire murir les débats de l’opinion publique sur les grandes questions de l’actualité.
A votre avis, quel est le contexte de la presse en ligne en Algérie ?
Il reste toujours fragile et non-encadré, mais je préfère qu’il soit ainsi que d’être contrôlé par les autorités !
Comment le web influence-t-il l’opinion publique en Algérie ?
Nous avons assisté à plusieurs cas où le web était déterminant sur des questions internes. Plusieurs polémiques naissent sur le web, comme celle de Hamadache-Kamel Daoud.