Bien que timidement utilisés par les personnalités et partis politiques, les réseaux sociaux et à leur tête Facebook se sont imposés durant la campagne électorale des législatives de 2017 comme média à ne pas négliger.
Les élections législatives du 4 mai 2017 vont rester dans les annales de la politique en Algérie. Pour la première fois la campagne pour des élections a été surtout menée sur les réseaux sociaux.
Si en 2014, à l’occasion de l’élection présidentielle, les candidats en lice ont surtout misé sur les chaînes de télévision privées naissantes et certaines « ad hoc » pour faire leur promotion, trois ans après, le canal médiatique « cathodique » devient accessoire pour les partis politiques pour les législatives de 2017.
Et pour cause, la campagne électorale lancée le 9 avril a vibré surtout au rythme des réseaux sociaux. Bien avant son lancement officiel, les partis politiques ont démarré leur campagne des semaines avant, dans le monde virtuel, mais surtout bleu de Facebook, le plus célèbre des réseaux sociaux dans le monde et le plus populaire en Algérie. Sur Twitter leur présence plutôt très timide.
Signe que les choses ont bien évolué depuis 2014 : le Premier ministre Abdelmalek Sellal instruit directement ses ministres pour ouvrir des comptes Facebook et Twitter pour « ne pas laisser les questions des citoyens sans réponses ».
Mieux tard que jamais
Bien que tardif, l’éveil des hommes politiques réputés longs à la détente concernant l’importance des réseaux sociaux renseigne sur l’enjeu que représentent ces changements fondamentaux qui s’opèrent dans nos sociétés. « L’Internet est déjà une révolution. Avec les médias sociaux, cette révolution s’est transformée en un véritable phénomène global de société. L’intégration des réseaux sociaux et l’inclusion de leur utilité dans la société, sont telles qu’il est désormais illusoire, sinon impossible, de penser pouvoir adresser une population, que constituent les audiences d’aujourd’hui, avec les outils d’hier », explique Ali Kahlane, DG de Satliker et président de l’Association des opérateurs de télécoms alternatifs.
Pour lui, les réseaux sociaux « tel que nous le vivons tous, directement ou indirectement, sont en train de changer une dizaine de paradigmes à l’échelle de la planète » et le plus important de tous c’est « notre relation à et avec l’information ». « En moins de quinze années, de consommateur passif, tout utilisateur des réseaux sociaux, est devenu tout à la fois producteur, acteur ainsi que distributeur de tout type de contenu », explique-t-il.
Le coup de boost de la 3G mobile
Et cela les hommes politiques commencent à l’intérioriser bien que timidement. L’importance des réseaux sociaux en Algérie s’est imposée, faut-il le rappeler, après le lancement de la 3G mobile en décembre 2013. Un changement radical s’est opéré dans la consommation de l’Internet. L’Algérie s’est arrimée à la tendance mondiale : On consacre plus de temps sur les réseaux sociaux que sur n’importe quelle activité sur le web.
Selon les derniers chiffres de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications (ARPT), le parc Internet algérien frôle les 30 millions d’abonnés en 2016. Le nombre total d’abonnés ayant souscrits à l’internet fixe et mobile en 2016 a atteint plus exactement 29,5 millions d’abonnés contre 18,9 millions en 2015, soit une augmentation de 10,5 millions.
L’augmentation des abonnés à internet s’explique principalement par la migration des abonnés GSM vers les réseaux 3G et 4G. Il convient de signaler que 90,32% du parc Internet sont des abonnés internet mobile avec 26,6 millions abonnés soit : 25,2 millions abonnés internet mobile 3G, et 1,4 millions d’abonnés 4G, contre 9,68% d’abonnés internet fixe, soit 2,8 millions d’abonnés.
Une enquête sur l'internet et les réseaux sociaux en Algérie effectuée durant le mois de février 2017 par la société spécialisée IMMAR Research & onsultancy montre en outre que quelques 13,10 millions d’Algériens âgés de 15 ans et plus surfent chaque jour sur internet, soit 46% de cette frange de la population, et environ 10,82 millions d’Algériens de cette catégorie d’âge fréquentent quotidiennement les réseaux sociaux, soit 38% de la population.
Des réseaux très fréquentés
L’enseignement principal de cette enquête réalisée entre le 2 février et le 1er mars sur un échantillon de 3.000 individus représentant une population de plus de 28,44 millions d’hommes et de femmes âgés de 15 ans et plus, résidant dans les milieux urbain et rural et répartis sur tout le territoire national est que les réseaux sociaux (Facebook, Twitter et Linkedin) se taillent la part du lion en termes de fréquentation en Algérie avec 82% du nombre d’utilisateurs, suivis par ceux qui effectuent des recherches (24% d’utilisateurs).
Et à ce titre, le réseau social Facebook est le site le plus fréquenté avec plus de 9,7 millions d’Algériens de 15 ans et plus qui visitent quotidiennement ce site.
Ce n’est donc pas anodin si tous les partis politiques et autres candidats pour les législatives ont massivement investi ce réseau social. Certains comme le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) en ont fait le cœur de leur stratégie de campagne électorale. Ce parti a décidé de boycotter la télévision publique et de miser sur les réseaux sociaux.
Les espaces traditionnels boudés
D’autres ont également axé leur campagne sur les réseaux sociaux en boudant d’autres espaces de communication. Le bilan de la Haute instance indépendante de surveillance des élections (HIISE) à la mi-campagne fait état d’une « sous-exploitation » par les partis politiques et candidats indépendants des espaces et canaux qui leur a été offerts pour la campagne électorale. « J’ai été surpris de découvrir que 50% de ces espaces ne sont pas utilisés par les candidats », explique Abdelwahab Derbal, le président de la HIISE lors d’un premier bilan esquissé le 23 avril dernier.
A titre d’exemple, il avait mentionné qu’à « peine 43% de l’espace d’animation radiophonique a été utilisé par les candidats». Le même phénomène a été observé par la HIISE concernant l’exploitation des sites prévus pour l’animation des meetings, « en dépit des moyens mis en place par les collectivités locales ». Le cas des wilayas de Bejaia et de Sétif est plus éloquent avec un taux d’occupation des sites réservés à la campagne électorale de 20 et 40 % respectivement, selon M. Derbal.
Dynamique électorale
Parallèlement à ce manque d’engouement pour les canaux traditionnels, les pages Facebook des partis et des personnalités politiques ont amorcé une dynamique sans précédent durant le mois de mars dernier, selon un classement réalisé mensuellement par l’agence Interface Médias sur les pages Facebook en Algérie.
Baptisée Fanzone.dz, cette étude note que les pages des personnalités et partis politiques ont connu un regain d’activité durant la période pré-électorale. Elles diffusent le contenu du programme électoral, les rendez-vous des activités du parti, retransmission en direct sur Facebook des meetings. Des équipes de Community Mangers sont à pied œuvre, recrutées parmi les jeunes militants des partis.
Facebook notamment donne aussi la possibilité aux partis de cibler leur électorat sur ce réseau social, grâce à l’option du sponsoring. Ce service permet la diffusion de contenu notamment des clips vidéo promotionnels pour un public bien déterminé, moyennant quelques euros.
Le revers de la médaille
Il faut noter toutefois que l’activité des partis sur Facebook ne reflète pas nécessairement la position des partis et des personnalités dans l’échiquier politique national. Le parti de Ali Benflis Talaie El Houriyet qui appelle au boycott des législatives est plus présent sur Facebook que les deux premiers partis de la majorité au pouvoir FLN-RND réunis. La page de Ali Benflis dispose de plus de 1,4 millions de fans (910.000 fans pour le parti Talaie El Houriyet ) contre 120.000 pour le RND et seulement 26.000 pour le FLN. Amar Ghoul et son parti TAJ nouvellement créé comptabilise lui plus de 1 million de fans. Les autres partis tels que le FFS, le RCD, l’ANR entre autres sont éparpillés dans plusieurs pages régionales.
Faire campagne sur les réseaux sociaux n’est par ailleurs pas sans risques. Le premier inconvénient pour les partis est le peu de modération des commentaires. Ils s’exposent ainsi aux commentaires parfois acerbes des internautes. Ce qui peut ruiner la e-réputation du parti.
Quoi qu’il en soit, en Algérie on est encore loin d’intégrer les réseaux sociaux comme élément essentiel dans une campagne électorale contrairement à ce qui se fait ailleurs où les réseaux sociaux sont de plus en plus impliqués dans les élections. Cette pratique ne cesse de croitre notamment aux Etats-Unis ou en Europe jusqu’à jauger la popularité des partis et des candidats directement en temps réels grâce à des services de Big Data.