Un volume impressionnant de données émane chaque jour du web, du mobile ou des objets connectés. Nous générons quotidiennement un volume de 2,5 trillions d’octets de données, selon une étude de la firme américaine IBM qui révèlent que 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années seulement. L’ensemble de ces données constitue une nouvelle opportunité de valeur économique et d’innovation. C’est ce qu’on appelle le Big Data (volumes massifs de données, en Français).
« Le Big Data consiste en la captation, le stockage et l'analyse massive des données. Autrement dit, depuis que les technologies de l'information progressent et se vulgarisent, nous produisons une quantité énorme d'information, surtout avec l'arrivée des géants du web, Google, Yahoo, Facebook etc. Cette quantité de données, sa variété, et sa fréquence, rend les Système de Gestion de Base de Données (SGBD) dépassé, alors d'autres techniques sont apparues et c'est la Big Data. Du coup les éditeurs de logiciels de gestion de base de données développent d'autres outils qui peuvent contenir toute ces données comme par exemple TALEND qui a investi dans l'intégration des données, et la il a créé TALEND Big Data, pour gérer ce flux important de données », nous explique Yazid Razik, un consultant en business Intelligence installé en France.
De plus en plus d’entreprises et d’institutions ont compris l’importance de ces masses de données et veulent en extraire de la valeur pour l’aide à la décision et anticiper les besoins et les attentes de leurs clients. Ce marché né de la chute du coût du stockage et celle du coût de la puissance de calcul des ordinateurs permet de traiter des quantités toujours croissantes de données. En 2013, selon le cabinet de conseil IDC, seuls 22 % de la quantité de données digitales est analysable et moins de 5 % est effectivement analysé. En 2020, 35 % de ces données seront analysables. Mais, l’apport du Big data ne réside pas dans les calculs effectués par les machines, mais dans les données elles-mêmes et dans la façon de les exploiter.
Les dépenses mondiales dans le marché de l'analyse de grands volumes de données (BDA) ont atteint 130 milliards de dollars en 2016, soit une hausse de 11,3% en comparaison à 2015, selon une récente étude du cabinet IDC qui prévoient 203 milliards de dollars de dépenses en 2020.
A titre d’exemple, le marché français du Big Data représentait 445 millions d’euros en 2016, avec tout de même une croissance de 25 % par rapport à l’année précédente. Selon l’étude de l’IDC, la plupart des sociétés interrogées ne seraient pas encore en mesure d’exploiter correctement de grands volumes de données. Le cabinet d’étude relève en outre un manque de savoir-faire en France.
Une prise de conscience dans le secteur des télécoms
Si la France peine à suivre ce marché, qu’en est il Algérie ? Il faut reconnaitre que le marché est encore embryonnaire, les entreprises des secteurs qui guident la tendance sont au stade de la découverte. Mais la prise de conscience est là. Et elle se manifeste dans le secteur des télécoms dont les opérateurs font partie des entreprises qui stockent et acheminent quotidiennement de très grands volumes de données. Cela est d’autant vrai depuis leur évolution en opérateurs Data. Ces opérateurs s’y mettent avec des équipes en interne.
« Nous avons tout intérêt à utiliser les solutions Big Data pour améliorer l'efficacité de notre activité », nous indique une source autorisée chez l’opérateur Djezzy pour qui l’idée du traitement des données pour l’aide à la décision au sein de l’opérateur n’est pas neuve, « sauf que les volumes de données auxquels il faut donner du sens ont explosé ».
« Oooredoo utilise le Big Data sur Greenplum pour tout besoin analytique et reporting comme outils d’aide à la décision. Le Big Data est sous forme de base de données générées par le service DWH (data warehouse) au niveau du IT », explique pour sa part l’opérateur Ooredoo Algérie.
Pour l’heure les données qui transitent par les réseaux des opérateurs télécom servent surtout à la rétention client et la fourniture de services conformes aux attentes des abonnés. « Grâce à la maîtrise de la donnée, les opérateurs peuvent développer des services adaptés en fonction de la connaissance des abonnés et des opérations effectuées sur leurs réseaux », explique le cabinet d’études Deloitte dans une récente étude sur le Big Data en Afrique.
Pourtant, le Big data offre un champ plus vaste de sources de revenus pour le secteur des télécoms qui occupe une place centrale dans l’économie nationale, évoluant dans un marché ultra-concurrentiel. « La valorisation des Big data télécoms peut aussi provenir de la capacité à proposer aux annonceurs des services de publicité géo-localisés. Les données permettent également de lancer d’autres services innovants dans les domaines de la santé, l’éducation ou l’agriculture via les projets de services publics mobiles et/ou numériques (m-santé /e-santé, e-éducation, e-agriculture, etc.) », ajoute l’étude.
« Les opérateurs de téléphonie stockent les usages de nos téléphones, des informations qui peuvent leur donner une idée assez précises pour savoir quels sont les clients qui sont susceptibles d’être intéressés par tel ou tel produit. Ils peuvent donc alerter par SMS publicitaire un client qui se trouve à proximité d’une agence d’assurances, si ce dernier a fait une requête sur Internet à ce sujet », explique notre consultant en business intelligence.
Les autres secteurs demandeurs de Big data sont les assurances, la banque, la grande distribution, Sonelgaz, la Poste etc. Tous ont en commun, la manipulation d’importants volumes de données quotidiennement. Il s’agit notamment pour les banques des transactions quotidiennes, les tickets de caisses pour les enseignes de grandes distributions qui commencent à s’implanter en Algérie, les relevés des compteurs électriques intelligents qui seront installés prochainement et les informations sur les expéditeurs et destinataires des plis de postes. Le traitement de ces données volumineuses et variées va indéniablement aider à diminuer des coûts de production, cibler et segmenter des produits etc. Mais cela, peu d’entreprises le font actuellement. Il n’existe pas d’entreprises spécialisées qui proposent des solutions Big Data.
Rareté de la ressource humaine
Un autre défi, les profils de Data-scientist reste encore rares. Et même la demande est timide. On dénombre une dizaine d’offre d’emploi sur les cinq derniers mois. Ce qui renseigne sur le peu d’intérêt que suscite cette nouvelle discipline d’avenir auprès des entreprises concernées par le Big Data. Le premier recruteur étant le secteur des télécoms, avec l’opérateur Djezzy en tête qui cherche des profils assez pointu dans le domaine, avec des analystes et des administrateurs Big Data, profil d’ingénieur en informatiques avec une expérience dans le domaine des systèmes d’information, Business Intelligence et Big Data. Le groupe Cevital cherche deux profils d’ingénieur en informatique, avec un profil analyste programmeur Business Intelligence.
Des profils expérimentés de data-scientists restent encore rares. En outre, l’Algérie ne dispose pas de formations spécialisées dans les universités. Les premières formations dans le domaine des Big Data ont été récemment lancées Elianis Tech Consulting, intégrateur spécialisé de solutions IT.
« L’idée de lancer des formations sur le Big Data est venue après plusieurs échanges et discussions avec des entreprises, ingénieurs, DSI, étudiants, des acteurs issus du mode de télécom etc. Le constat était qu’actuellement en Algérie, il y a un manque flagrant de formations abordant les nouvelles technologies comme l’IoT, Blockchain, le cloud, et notamment le Big Data, qui s’imposent rapidement sur le marché et deviennent une nécessitée avec un monde de plus en plus connecté », affirme Racim Kebbal, fondateur de Elianis Tech Consulting qui a pris l’initiative de faire un partenariat avec le leader mondial des formations Big Data ‘’CLOUDERA’’, et proposer les formations officielles qui abordent la technologie Hadoop, Spark, MapReduce. « Les candidats peuvent suivre trois parcours différents : Développeur, Administrateur et Data Analyst. Ces formations se déroulent en deux parties: théorique et pratique avec des ateliers et des applications projetées sur le monde réel », précise-t-on.
Selon Elianis Tech, ce programme a été très bien accueilli par la sphère des TIC : entreprises, experts, consultant, ingénieurs, étudiants. « On reçoit des demandes journalières d’inscription et même des encouragements, les gens qui ont soif de ce genre de formations qui permettent de s’aligner avec les avancées technologiques », nous affirme M. Kebbal qui promet de rendre ces formations accessibles en ligne pour toucher plus de monde via les webinaires et le e-learning. « On compte aussi travailler avec des startups algériennes qui proposent des idées innovantes dans le domaine du Big Data, en les supportant et les accompagnant techniquement », promet-il.
Big Data des GAFA
Notons par ailleurs, que d’autres ressources Big Data existent en dehors de l’entreprise, qui peut aller vers des sources très diverses comme l’internet où la nature des données est aussi très diverse : signalétique et démographique, comportementales. Il pourrait s’agir des données remontées par les capteurs des technologies sans contact RFID et NFC, la géolocalisation par GPS, les données de tracking des sites visités (adresses IP et cookies) et les réseaux sociaux. Le modèle des géants du web comme Facebook ou Google qui consiste en la fourniture d’un service gratuit en échange de données personnelles est plus courant. Ces derniers sont passés en quelques année d’un outil de stockage et de diffusion de données personnelles à système d’exploitations de ces données permettant à des entreprises tierces d’accéder aux informations des utilisateurs auxquelles ils leurs donnent accès voire interagir pour produire en retour des informations qui pourront être affichées parmi les informations de l’utilisateur certaines publicités. Google par exemple analyse le contenu des mails Gmail pour déterminer un profil d’internautes qu’il vend à des annonceurs pour qu’ils ciblent leurs publicités en temps réels.
« L’analyse des réseaux sociaux, des forums de discussion, des moteurs de recherche permet de découvrir les centres d’intérêt et les préférences des internautes et donc leur comportement possible face à une proposition de produit ou de service », explique encore M. Razik.
Notons qu’aucun événement n’est produit sur le Big Data en Algérie. Contrairement au Maroc où l’institution officielle chargée des statistiques, le Haut commissariat au plan (HCP), planche sur une étude sur le Big data. Mieux encore, le ministère de l’Enseignement supérieur s’est impliqué à travers des partenariats passés par des universités marocaines avec multinationales pour former des experts marocains sur le Big Data.