Le groupe américain Cisco a fait son entrée lundi dernier sur le marché des serveurs et redessiné du même coup le paysage des alliances dans le monde informatique, en allant concurrencer sur leur terrain ses clients Hewlett-Packard (HP) et IBM.
Le PDG John Chambers a annoncé lors d'une téléconférence que Cisco, surtout connu pour ses routeurs, qui permettent d'acheminer le trafic des données sur internet, allait désormais fabriquer ses propres serveurs. Cisco va désormais produire des serveurs «lames», des appareils ultracompacts permettant de gérer des systèmes informatiques en économisant espace et électricité. Et comme pour mieux garantir les performances de ses serveurs, Cisco a annoncé parallèlement la constitution d'une vaste alliance permettant aux utilisateurs de bénéficier d'«un unique système cohérent». Cette alliance, baptisée «Unified Computing » (informatique unifiée), associe Cisco à Microsoft et à plusieurs sociétés de services et de logiciels, comme le prestataire de services informatiques Accenture, l'éditeur de logiciels de gestion BMC Software, le numéro un mondial du stockage de données EMC, et l'éditeur de logiciels de virtualisation VMWare. Ensemble, ils lancent une architecture ouverte proposant de synchroniser la gestion de données, les réseaux, l'accès aux données et la dématérialisation des salles informatiques.
Jusqu'à présent, Cisco se contentait de fournir des équipements nécessitant d'être connectés à des serveurs fournis par IBM, HP ou Dell, dans une relation que le New York Time a décrit récemment comme «symbiotique». Cette répartition des tâches, qui générait des profits confortables pour les deux parties, pourrait voler en éclats avec l'initiative de Cisco.
La responsable des technologies de Cisco, Padmasree Warrior, a confirmé au Wall Street Journal la nouvelle stratégie. «Nous allons concurrencer HP. Je ne veux pas l'édulcorer. Il va y avoir des changements dans le paysage, entre ceux avec lesquels vous rivalisez et ceux avec lesquels vous êtes partenaires », a-t-elle dit.
Pour les analystes, ce changement de cap n'est pas sans risque : «C'est une énorme évolution pour Cisco, qui concurrence maintenant IBM et HP dans un marché où il a peu d'expérience », a déclaré à l'AFP Ken Dulaney, un analyste du cabinet de marketing Gartner. D'un autre côté, souligne M. Dulaney, «Cisco devait franchir ce pas, pour se défendre contre HP qui de son côté se développe dans les réseaux». «Les difficultés pour réussir seront importantes », ajoute M. Dulaney.
Pour Gartner, Cisco devra pour s'imposer non seulement offrir des serveurs dernier cri, avec les meilleures fonctionnalités – ce à quoi devrait l'aider son alliance avec IBM, Accenture et les éditeurs de logiciels – mais également soigner ses prix, dans une période où les entreprises en proie à la crise limitent leurs dépenses d'équipement informatique. «Le marché des serveurs est gouverné par les prix, avec une pression sur les marges, supérieur à ce à quoi est habitué Cisco», souligne le cabinet. D'un autre côté, Cisco a une gestion prudente et un bilan florissant qui le mettent en bonne position pour prendre des risques, sortir de son coeur de métier et essayer de prendre les devants de la concurrence. D'autant que les constructeurs informatiques eux aussi tentent de sortir de leurs métiers traditionnels. HP, avec l'arrivée de son nouveau patron Mark Hurd, a cessé de promouvoir activement les produits Cisco pour mieux vendre sa propre ligne de produits, Pro-Curve, moins chers que ceux de Cisco mais néanmoins très rentables. IBM travaille pour sa part avec un autre concurrent de Cisco, Brocade.
Source: El Watan