De nombreux chinois sont venus apporter leur soutien à Google qui entend ne plus participer à la censure et qui menace de quitter le pays.
Les récentes déclarations de Google quant à sa présence en Chine ont provoqué un certain émoi chez les internautes du pays. A Pékin, où tous les rassemblements publics sont rigoureusement interdits, de nombreux chinois se sont rendus au siège de Google pour apporter leur soutien. "Je ne sais pas ce que je ferais sans Google", clame un jeune devant l'immeuble qui abrite le moteur de recherche, a constaté l'AFP. A l'heure du déjeuner, une vingtaine d'entre eux sont sur place, un peu désoeuvrés, ajoute l'agence. D'autres examinent les messages déposés par des internautes souvent désemparés. "Au revoir Google. On peut construire un mur mais pas diviser le coeur des gens. Nous voulons voir l'autre côté du mur", affirme un anonyme dans un de ces messages. Certains déposent même des offrandes afin de changer le cours du destin.
Volte face
"Si Google part, je pense que la Chine a les moyens de bloquer tous ses sites à l'intérieur du pays. Beaucoup de gens vont être malheureux", ajoute un autre internaute interrogé par l'Agence France Presse. Moins nombreux mais présents, les partisans de la politique gouvernementale ont tenu à contrebalancer ce mouvement. M. Cui, qui travaille dans les logiciels, lance ainsi: "Tous les pays restreignent internet. La Chine a ses lois. Si vous voulez quitter la Chine c'est votre problème, mais vous devez respecter les lois ici".
Un peu plus loin, une reproduction d'affiche maoïste proclame: "l'envahisseur américain doit être défait". Rappelons que Google a surpris son monde en annonçant ce mercredi sa volonté de modifier ses pratiques en Chine. "Nous avons décidé que nous ne voulons plus continuer à censurer les résultats sur Google.cn et que dans les prochaines semaines nous discuterons avec le gouvernement chinois de la possibilité d'opérer un moteur de recherche sans filtres, dans le cadre de la loi. Nous sommes conscients que cela pourrait signifier que nous ayons à fermer Google.cn, et potentiellement nos bureaux en Chine", écrit David Drummond, vice-président senior, Développement de l'entreprise et Direction juridique.
A l'origine de cette volte-face, plusieurs cyber-attaques menées depuis la Chine contre Google et ses services qui se sont avérées destinées à accéder aux comptes Gmail de militants chinois des droits de l'homme. Une surveillance qui s'est aussi portée sur des personnes vivant aux Etats-Unis et en Europe qui soutiennent ces activistes. Mais les dissidents résidant en Chine ne seraient pas les seuls concernés par ces attaques ciblées. En effet, selon Google, les pirates seraient parvenues à leurs fins en pénétrant sur des comptes Gmail d'autres activistes, grâce à des techniques de phishing (et non via l'exploitation d'une faille de sécurité dans l'infrastructure de Google).
C'est en 2006 que la version chinoise Google.cn est entrée en service. Google avait alors accepté les règles de censure imposées par le gouvernement chinois afin d'"apporter aux internautes chinois un meilleur accès à l'information". Et bien entendu de prendre sa part de ce marché au potentiel énorme. Mais contrairement à ce qui se passe dans le reste du monde, Google est bien loin d'imposer sa marque. C'est le moteur de recherche chinois Baidu qui occupe la place de leader avec 59% de parts de marché contre 38% à Google (chiffres StatCounter janvier 2010). En quittant l'empire du milieu, la firme de Mountain View perdrait gros mais se parerait d'une nouvelle image de défenseur des libertés. Il obligerait par la même occasion d'autres compagnies (Microsoft, Yahoo...) américaines qui acceptent elles aussi la censure étatique chinoise à prendre position.
Reste désormais à savoir si cette initiative de Google a un objectif politique (liberté contre censure) ou tout simplement le constat d'un échec dans ce pays où le groupe ne réalise "que" 600 millions de dollars de chiffre d'affaires, une goutte d'eau pour le géant de Mountain View.
Source: Zdnet