Les logiciels de surveillance des salariés : ces patrons qui vous ont à l'oeil

Les problèmes traditionnels de contrôle et de surveillance du salarié, avec des techniques telles que la filature, ont changé de nature avec le développement d’une économie qui est fondée majoritairement sur les activités de services, mais surtout avec le développement de l’informatique et d’Internet.



Les techniques informatiques ouvrent des possibilités de contrôle et de surveillance relevant de ce que l’on a appelé « la cybersurveillance». Internet est devenu un outil courant dans les entreprises et les employeurs sont naturellement tentés d’effectuer des contrôles concernant l’utilisation de cet outil par leurs salariés. Est-ce légal ? La question est complexe car deux droits légitimes sont ainsi en conflit : celui de l’employeur de contrôler la bonne exécution de son travail par ses salariés et celui des salariés à voir protéger l’intimité de leur vie privée même sur leur lieu de travail. En fait, l’employeur a le droit de surveiller ses salariés à la condition de ne jamais porter atteinte à leur vie personnelle, qui inclut leur vie privée mais également leurs libertés individuelles.

Des sites, appelés sites communautaires tels que Facebook, permettent aux internautes d’y placer des contenus et partager leurs informations avec un public. Ces informations relèvent-elles de la sphère personnelle du salarié à laquelle l’employeur n’a en principe pas accès ? La réponse est forcément provisoire tant le phénomène est récent. Les écrits et les photos diffusés sur les réseaux sociaux du Web relèvent de la protection de la vie privée du salarié, qui constitue une liberté fondamentale. Cette protection impose, en principe, à l’employeur de ne prendre aucune sanction contre un salarié pour une cause tirée de sa vie privée. Il y a deux grands principes, à savoir la protection de la vie privée et la protection de la correspondance privée. Mais il y a deux exceptions. Cette protection s’arrête lorsque les propos d’un salarié causent un trouble manifeste à l’entreprise et lorsque la correspondance n’est plus privée, car elle est diffusée. Il faut ainsi bien mesurer la portée des réseaux sociaux: ils sont un lieu privé ouvert au public, en ce sens que l’accès aux informations personnelles des participants est en principe restreint. Les écrits diffusés sur un réseau communautaire sont a priori privés s’ils visent des personnes liées entre elles par une telle communauté d’intérêts. Mais toutes les informations qui vous concernent peuvent être utilisées et diffusées à votre insu par vos contacts et vos amis. C’est là tout le danger de ces sites communautaires.

Pour les informations diffusées sur ces réseaux sociaux, le droit de l’information s’appliquera, avec la répression civile et pénale habituelle de la diffamation, de l’injure, de l’atteinte au respect du droit à la vie privée, ou encore de la contrefaçon. Le droit du travail s’applique aussi si les propos diffusés sont de nature à créer, compte tenu de la nature des fonctions des salariés et de la finalité propre de l’entreprise, un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise. Le pouvoir de sanction de l’employeur est alors légitime.

La surveillance d’un salarié est légale mais sous conditions

Le salarié doit être prévenu que son ordinateur est sous surveillance. Aucune information concernant personnellement un salarié ou un candidat à un emploi ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté à la connaissance du salarié ou du candidat à un emploi. Par exemple, impossible de condamner une caissière filmée en train de voler dans la caisse si elle n’est pas au courant de la présence de la caméra. En général, les salariés ont le droit à des moments de conversations téléphoniques ou des emails privés, tant que cela ne les empêche pas d’accomplir leurs tâches. Enregistrer clandestinement les conversations téléphoniques des salariés ou les filmer à leur insu constitue un délit d’atteinte à la vie privée. Lire sans leur consentement leurs emails personnels est une violation du secret de la correspondance. Les connexions établies par un salarié pendant son temps de travail sont présumées avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut les suivre pour les identifier, sans la présence de l’intéressé. En cas de connexions excessives, abusives, sans lien avec le travail ou incompatibles avec l’activité professionnelle, l’employeur peut licencier le salarié fautif en apportant comme preuve l’historique des connexions qui sera considérée comme ayant été obtenue de manière licite. L’inscription d’un site sur la liste des favoris ne lui confère aucun caractère personnel et ne saurait donc restreindre le pouvoir d’investigation de l’employeur.

Les décisions rendues par les tribunaux ces derniers temps dégagent un principe fort intéressant, qui est celui de la responsabilisation de l’entreprise quant à l’usage qui est fait par ses salariés de son système d’information. Le raisonnement est logique : les entreprises sont maintenant totalement dépendantes de leur système d’information, sur lequel d’une part reposent des actifs de valeur (informations stratégiques, commerciales, financières,...) et qui, d’autre part, s’il est mis entre de mauvaises mains, constitue un considérable pouvoir de nuisance (création de contenu illicite, spam, diffamation). Les magistrats en tirent une conclusion très simple. L’entreprise est responsable de l’utilisation de son système d’information par ses préposés et partant, elle se doit de les surveiller. « Mais dans la grande majorité des entreprises, les contentieux ont trait à l’utilisation du Web. À en croire le cabinet Olféo, 73% de l’utilisation du Web au bureau serait à usage non professionnel. De quoi justifier les restrictions d’accès à certains sites (téléchargement, réseaux sociaux) et le traçage de ceux visités. Mais peut-être aussi de réfréner l’ardeur des jeunes, adeptes des fonctionnalités du Web 2.0, à rejoindre ces entreprises», souligne une enquête de stratégie.fr.

Quelles solutions mettre en oeuvre ?

D’aucuns mettent en avant la charte Internet qui est un sous ensemble de la charte informatique, elle peut donc soit y être intégrée soit faire l’objet d’un document séparé. La charte informatique étant elle-même un sous-ensemble du règlement intérieur, elle doit obéir à toutes les règles qui s’y appliquent notamment en termes de discussion collective et de diffusion. Viadeo, Facebook, Linkedin et Twitter marquent aussi un nouveau tournant. Les médias sociaux sont de plus en plus utilisés non plus pour développer un business ou intégrer une communauté, mais également pour recruter de nouveaux profils. Effet de mode ou véritable outil de recherche de compétences ? Au regard de l’explosion des sites de contact, ces derniers sont devenus des outils intéressants pour chercher des candidats, et donc peuvent en complément des outils classiques constituer des outils de recrutement.

Aux Etats-Unis par exemple, une étude du site Jobvite ayant interrogé 600 personnes dans les ressources humaines et le recrutement a démontré que les recruteurs passeraient de moins en moins de temps sur les annonces d’emploi pour se concentrer de plus en plus sur les médias et réseaux sociaux. Selon cette même étude, 46% des recruteurs interrogés prévoient de passer plus de temps sur le recrutement via les médias sociaux en 2010 par rapport à 2009, 36% d’entre eux vont passer moins de temps sur les annonces
d’emploi, 38% passent moins de temps avec les cabinets de recrutement alors que 92% des personnes embauchées en 2010 utilisent ou prévoient d’utiliser les médias sociaux pour le recrutement. Sur ce groupe de personnes, 86% utilisent Linkedin, 60% Facebook et 50% Twitter.

Selon une étude publiée en janvier 2010 par le site Career Builder, 53% des recruteurs anglais affirment utiliser les réseaux sociaux dans le processus de recrutement. Parmi eux, 35% reconnaissaient avoir écarté des candidats après la découverte d’informations en ligne les concernant. Les raisons invoquées sont des photos du candidat ou des informations au contenu inapproprié (53%), des photos où l’on voit le candidat ivre ou faisant usage de drogue (44%), des propos désobligeants sur d’anciens employeurs (35%), des propos discriminatoires (26%), mensonge sur les qualifications (24%) et divulgation d’informations confidentielles d’anciens employeurs (20%). Sans tomber dans une paranoïa excessive, il est recommandé de prendre le temps de gérer ses traces en ligne et son identité numérique. Allez vérifier vous-même ce qu’il se passe lorsque «vous» tapez votre «prénom nom» sur un moteur de recherche et vous serez peut-être surpris.

Source : N'TIC 51 / JANVIER 2011
Kamel RAHMOUNI