Entretien avec Fadhila Brahimi, experte et coach en stratégie de présence

« Heureuse d’avoir rencontré autant de talents : une jeunesse algérienne qui donne envie de continuer et d’aller plus haut »



Parlez nous un peu de vous, mais surtout de votre parcours atypique.

Exploratrice serait probablement le terme le plus significatif pour résumer mon parcours. Hyperactive, dormant peu et toujours assoiffée par l’apprentissage, mon parcours est complexe, diversifié et mouvant. Je n’ai jamais quitté les bancs de l’école, j’ai travaillé dès l’âge de 17 ans et occupé des fonctions au sein d’associations dès l’âge de 12 ans. Résultat : je suis diplômée en géopolitique & stratégie militaire et en sciences humaines. Pour financer mes études, j’ai à la fois travaillé en tant qu’intermittente du spectacle et en tant qu’instructrice en compagnie aérienne. L’un correspondait à ma passion et l’autre au titre officiel qui rassurait les banquiers qui finançaient mes études. Après 15 ans d’expérience en tant que salariée, j’ai décidé en 2005 de créer l’entreprise FB-Associés. Pour ce faire, je suis allée à la quête d’une certification en coaching par ICF (International Coach Federation) et d’un Master RH. Parallèlement, j’ai créé un blog, participé à des Barcamp et autres événements issus de l’univers du Web Social. Très vite, je me suis intéressée aux nouveaux usages et nouveaux concepts comme le Personal Branding et le Community Management. En 2010, j’ai même été nommée finaliste des LinkedIN Awards comme Leader of the World en Europe.

Qu’est-ce qui vous a poussé à changer de vocation ? Et quelles ont été les étapes de votre conversion ?

En 2003, lors de la liquidation de la Compagnie Air Lib, j’occupais le poste de responsable de la formation à la Direction des Ressources Humaines. Le groupe BPI m’a alors recrutée comme consultant expert afin d’accompagner le reclassement des salariés du groupe Air Liberté-Aom. Cette fonction temporaire m’a confortée dans l’idée que je pouvais exercer mes compétences dans un autre secteur. A cette époque, Air France et la DGAC (Direction de l’aviation civile) me proposaient un poste mais tous les deux exigeaient de ma part de recommencer ma carrière. A la suite de mon expérience d’un an chez BPI, le numéro 2 m’annonça « Fadhila, nous sommes ravis de ton travail mais si nous te recrutons au sein de BPI, nous ferions une erreur pour toi comme pour nous. Je suis persuadé que dans 3 mois, nous te croiserons dans les couloirs à la recherche d’un nouveau projet. Alors, nous allons faire mieux, nous allons t’accompagner pour que tu trouves une activité qui te correspond ». Tout semblait me pousser à trouver une autre voix : je n’avais ni envie de travailler par défaut ni d’accepter de recommencer ma carrière dans un secteur que je connaissais. J’ai donc décidé de recommencer ailleurs. D’autant qu’à 30 ans, je ressentais le besoin de « me retrouver » en combinant toutes mes expériences. J’avais envie de créer mon métier, mon activité en prenant en compte l’ensemble de ce que j’étais devenue.

Nous sommes en 2004, le début des soirées Networking, l’arrivée de Viaduc (Viadeo) et l’émergence des blogs en France. Je décide intuitivement de suivre cette voie, persuadée que ma place était dans l’innovation. Je me suis lancée en ouvrant un blog, en animant des ateliers networks, en reprenant le chemin de l’école et en créant mon entreprise. J’ai travaillé longuement pour apprendre un nouveau langage, un nouvel écosystème. Je me suis appuyée sur mon expérience des techniques de communication aérienne internationale et de mon approche des sciences humaines pour aborder le Web 2.0. différenciation.

Qu’est-ce que le Web Social selon vous ?

Le Web est devenu interaction, conversation et communautaire. Au-delà de son aspect technique qui tend à se vulgariser, le Web est à présent le média le plus utilisé. Les blogs, les réseaux sociaux sont avant tout des espaces de socialisation qui ne reposent pas seulement sur le partage de liens ou de documents médias mais sur la recommandation sociale et la gestion de son identité numérique. Tout cela nous ramène à des questions existentielles et sur l’art de communiquer avec son prochain. Le Web fait ressortir des pratiques anciennes tribales : le besoin de se connecter à l’autre, le besoin d’interagir et de converser. Dans ce contexte, toutes les entités (entreprises, organisations, individus) expriment leur existence et leur présence en mettant en exergue leur part d’humain.

Comment voyez-vous l’avenir du Web Social ?

Les URLS vont disparaître petit à petit. Nous naviguerons via des univers de communauté et des applications thématiques. Nous regarderons la télévision, nous achèterons, nous lirons,… en fonction des appréciations des communautés que nous estimerons crédibles et pertinentes.

Que pensez-vous de la polémique autour de Facebook et de son éventuel déclin voire disparition ?

Plus un service est polémique, plus il renforce son existence. Facebook cristallise les peurs mais aussi les envies. Facebook est en train de créer un nouveau Web à côté des moteurs de recherche. Il nous bouscule dans nos retranchements et met à la fois en exergue les points critiques du Web comme les besoins sociétaux. Je n’ai pas d’avis sur l’avenir de Facebook car j’ai adopté une posture de retrait vis-àvis des services. Je préfère m’attarder sur les usages et les comportements (recommandation, géolocalisation, régulation collective,etc). Rappelons qu’il y a moins de 5 ans, MySpace était l’un des plus gros réseaux, Twitter et Facebook étaient inconnus, Hotmail était le service de chat vidéo préféré.

Vous avez consacré le mois d’avril à l’Algérie, quelles sont vos impressions ?

Wow, Wow, Wow ! Je suis encore dans une bulle magique. Que dire pour exprimer mes impressions ? Heureuse d’avoir rencontré autant de talents : une jeunesse algérienne qui donne envie de continuer et d’aller plus haut. Dans un contexte international tendu, j’ai participé avec un immense bonheur à ce que nous pourrions appeler une révolution des idées via une révolution technologique. L’Algérie a un énorme potentiel : les compétences sont présentes, les idées fusent, l’envie est là, il n’y a plus qu’à… C’est ici et maintenant que ça se passe. Ils ont besoin d’y croire et que l’on croit en eux (chasser le pessimisme et sentiment d’infériorité) et d’avoir les moyens de faire (des espaces de co-working, de l’accompagnement en montage de Business plan, de la visibilité et l’accès à Internet pour tous).

Quel est votre feedback sur la Semaine du Web ?

Un premier pas prometteur. Un événement inédit d’envergure international. L’Algérie vient de prouver que lorsqu’elle agit, elle le fait en grand. J’ai participé à de nombreux événements en Europe. Je n’ai jamais vu ça : un concentré de talents venus de toutes les régions et de différents pays. La Semaine du Web est un succès parce qu’elle a eu lieu malgré toutes les difficultés que l’on peut attribuer à un événement d’une telle envergure ; elle a suscité des envies de poursuite, la curiosité de ceux qui ne connaissaient pas. Tout comme le TEDxAlger, je n’ai qu’une seule chose à dire : à quand la prochaine !

Des projets en Algérie ou pour l’Algérie ?

Contribuer à écrire la suite de l’histoire: poursuivre d’autres événements, participer à la visibilité des talents algériens,…. Et pour le reste, c’est encore un peu tôt. Vous avez probablement des idées ? :-)

Pour finir, quel conseil donneriez-vous à ceux qui veulent se lancer ?

Go, go, go ! Se lancer est une épreuve qui comporte des risques et des satisfactions. Il ne faut ni avoir peur de réussir ni avoir peur d’échouer… juste l’envie de participer à un élan.


N'TIC 55 / MAI 2011