« Nous risquons de nous retrouver au même point dans dix ans »
Où en sont les choses exactement avec le programme E-Algérie ?
Des actions entrant dans le cadre de ce programme ont été menées telles que la mise en ligne du portail El Mouwatin, ainsi que certaines actions liées au haut débit et à l’informatisation de l’administration. Des ministères ont également adapté leurs stratégies au contenu du programme. Cependant, les choses n’avancent pas au rythme voulu. En réalité, le programme E-Algérie avance très très lentement au moment où les nouvelles technologies évoluent de façon très rapide. Je pense qu’il aurait été judicieux de faire des sortes de bilans de façon régulière afin de savoir si le programme E-Algérie avance à la cadence souhaitée afin de prendre les décisions qui s’imposent au fur et à mesure. Chose qui n’a pas été faite. Le programme E-Algérie comprend des actions supposées durer dans le temps à l’image des services en ligne. Mais il y a beaucoup d’autres actions qui n’ont même pas démarré. Je pense au commerce électronique, par exemple. D’autre part, concernant l’administration électronique et le haut débit, nous sommes en retard par rapport à nos prévisions et par rapport à ce qui se fait à travers le monde. Paradoxalement, l’Algérie dispose de moyens lui permettant d’être dans une position beaucoup plus confortable que celle dans laquelle elle se trouve actuellement. Je pense que si nous continuons à ce même rythme, nous risquons de nous retrouver après dix ans au même point.
Nous courrons le risque de nous retrouver au même point après dix ans ?
Oui, nous pourrions nous retrouver au même point après dix ans si nous continuons au même rythme. On le remarque, par exemple, dans le paiement électronique. Nous sommes en train de tergiverser. Chaque acteur jette la balle à l’autre. Les commerçants disent que les banques ne jouent pas le jeu, les banques accusent les opérateurs, etc. Nous tournons en rond alors qu’il était prévu, à la base, que tout ce monde se réunisse et mette en place un plan d’actions précis et bien détaillé avec des projets pilotes puis des projets plus larges.
Qu’est-ce qui empêche justement de faire du commerce électronique une réalité de tous les jours ?
Il s’agit principalement du chevauchement dans les prérogatives de certains ministères. Chacun pense que le commerce électronique est dans ses prérogatives. D’autres ministères, au contraire, pensent qu’ils ne sont pas du tout concernés. Pour ce projet comme pour les autres, il faut que les décisions soient prises rapidement. Il faut mettre à la tête de chaque projet un responsable qui devra rendre des comptes. Nous nous sommes malheureusement habitués à voir un responsable annoncer un projet mais sans que rien ne soit fait.
Qu’ en est-il du projet Ousratic 2 ?
C’est un projet qui fait face aux mêmes problèmes que les autres. Nous en sommes encore aux discussions et à l’étape théorique. Il est impossible de parler de généralisation des nouvelles technologies sans qu’il y ait du haut débit et des PC dans les foyers. Le rôle des experts est de savoir quel modèle convient le mieux à nos besoins. Il s’agit donc de faire un choix sur le modèle à suivre et passer directement à l’action.
Le retrait des licences pour la 3G devait se faire le 23 octobre dernier. Une date qui a été ensuite reportée sans plus de précision. Comment expliquez-vous cela ?
Qu’il s’agisse de la technologie 3G ou 4G, l’Algérie est très en retard. L’Algérie fait partie d’un nombre très limité de pays qui utilisent toujours la 2G. La 4G, par exemple, existe dans des pays arabes qui ont des moyens plus modestes que les nôtres. Nous avons, là aussi, perdu déjà beaucoup de temps à débattre pour savoir si on va vers la 3G ou la 4G. Je rappelle que les premiers tests en rapport avec la 3G remontent aux années 2004/2005. Je pense que l’argument avancé quant au report de la date d’octroi des licences ne tient pas vraiment la route. Les opérateurs auraient eux-mêmes demandé le report de cette date pour mieux se préparer. Cela ne me parait pas réaliste étant donné que ces opérateurs n’avaient même pas retiré les cahiers des charges. Ils ne peuvent se préparer s’ils n’ont pas connaissance du contenu des cahiers des charges. C’est précisément ce manque de transparence dans le traitement des dossiers qui pose problème. La culture de l’opacité est une réalité dans nos administrations. Les gens préfèrent travailler dans des bureaux fermés en communiquant très peu.
Quelles sont les perspectives du secteur des nouvelles technologies, selon vous ?
Ce que je sais, c’est que les choses ne peuvent pas continuer comme ça. La jeunesse doit prendre ses responsabilités. Elle a été marginalisée pendant longtemps et il est temps qu’elle soit impliquée. Si on ne donne pas ce droit aux jeunes, ils le prendront.
Entretien avec M. Younes Grar, consultant IT
N'TIC 60 / NOVEMBRE 2011