Bitcoins : la monnaie du futur ?

L’homme est propice aux contrastes, il est torturé par une volonté infaillible d’être libre mais apeuré par les promesses sombres d’un monde sans lois. C’est dans ce contexte que les marchés financiers et monétaires viennent se poser en champs de bataille pour ces idées contradictoires.

L’économie mondiale est en grande partie entre les mains de quelques grands manitous de la finance, qui font pression sur les banques centrales pour qu’elles couvrent leurs abus et prises de risques. Face à cette omerta des puissants, l’informatique est venue secourir l’économie de marché pour lui proposer un système bancaire révolutionnaire. Il est inspiré des très répandus logiciels open source (Firefox en est un exemple), qui viennent contrecarrer la mainmise des Apple ou Microsoft et leurs logiciels payants. Ainsi, des programmeurs ont mis au point une nouvelle monnaie libre et non régulée par un état ou une banque : le Bitcoin.

Une monnaie particulière

Le Bitcoin ne ressemble à aucune monnaie ou valeur utilisée précédemment. Il brise la symétrie établie par les monnaies mondiales et l’équilibre qu’elles maintiennent entre les Etats. Il n’est pas contrôlé par la banque centrale d’un état ou d’un groupe de nation, il n’est pas émis par un organisme privé, il ne répond pas aux intérêts d’un groupe de personnes. Alors, comment fonctionne cette utopie monétaire ?


Tout est relié aux prouesses du développement d’Internet, qui permet de créer des réseaux volumineux et d’échanger des paquets de données à une vitesse inégalée. La création du Bitcoin ressemble à une épopée moderne à la sauce Anonymous : un certain Satochi Nakamoto (pseudonyme ou nom réel, nul ne le sait) aurait créé le Bitcoin en 2010 à l’aide d’un logiciel qu’il a conçu lui-même. Il a fait part de sa création aux internautes grâce aux forums et autres lieux d’échanges entre programmeur. L’idée ayant séduit un nombre important de gens lassés par la lourde réglementation du système financier, le Bitcoin entama son ascension.

Une gestion partagée par tous

L’émission de Bitcoin est réglementée et définie par un algorithme de manière à ce qu’ils représentent un nombre fixe (un maximum de 21 millions, qui sera atteint en 2140 selon les modèles mathématiques). Cette émission évolue selon une courbe exponentielle décroissante, ainsi actuellement 50 Bitcoins sont émis par heure.


Elle ne répond donc pas aux mesures économiques et son évolution est déjà prévue. On fait face à un libéralisme poussé à ses limites, le marché s’autorégulant lui-même, ce qui est vu d’un très mauvais œil par ses détracteurs qui y voit un risque d’investissement très élevé et difficilement prévisible sur le long terme.


Vu son nombre limité, chaque Bitcoin a une histoire et sera suivi selon les échanges dans lesquels il est impliqué. Ces derniers ne sont pas annulables et sont confirmés au fur et à mesure par les éléments du réseau. Plus il y a de confirmations, plus l’échange est entériné dans le système. L’anonymat des transactions est garanti car elles ne sont pas sous l’égide d’un organisme, mais d’une communauté où toutes les données sont partagées et reconnues uniquement grâce à une signature cryptographique.

Concrètement, où en est le Bitcoin ?

Depuis son apparition en 2010, le Bitcoin n’a cessé de croître et convaincre les internautes, jusqu’à former une véritable communauté. Aujourd’hui, il est possible de convertir ses Bitcoins en diverses devises (Dollar, Euro,…) sur des plateformes privées dédiées à cela, et d’effectuer des achats en Bitcoins.


Plusieurs entreprises à travers le monde, activant dans des domaines aussi divers que la restauration ou l’informatique, acceptent les paiements en Bitcoins. Il existe même un guichet à Bitcoin au Quebéc, preuve que cette monnaie commence petit à petit à prendre forme dans la réalité pour quitter les fantasmes d’informaticiens en quête de liberté.
Des fonds d’investissements s’intéressent eux aussi au Bitcoin, et beaucoup d’Etats subissent des pressions pour créer une législation capable de le réguler vu son ampleur.

En effet, la loi se trouve dénuée d’armes pour statuer sur le Bitcoin et le flou entoure son cadre juridique. Certains pays ont tranché comme les Etats-Unis, qui l’ont habillé d’une législation complexe et contraignante, destinée à contrôler son expansion en en faisant un objet à part entière qui doit subir le contrôle du fisc. La Chine, quant à elle, devrait statuer prochainement sur cette monnaie qu’elle ne voit pas d’un très bon œil.


On souffle donc le chaud et le froid sur le Bitcoin, dont l’avenir dépendra des prochains mois et de sa capacité à stabiliser son cours durablement, chose qu’il est loin de pouvoir réaliser pour le moment.

Une prise de risque trop importante

Le Bitcoin est un pari, cela nul ne peut le nier. Il suffit de jeter un œil à l’évolution de son cours pour y voir une instabilité incroyable : 1 Bitcoin valait 2 euros en décembre 2011, deux ans après à la même période il valait 800 euros ! Sa valeur fut donc multipliée 400 fois, avec dans ce laps de temps des périodes de baisse et de hausse imprévisibles.

Les défenseurs de cette monnaie arguent que, vu la jeunesse du système monétaire, il est normal qu’elle connaisse des fluctuations. Il est pourtant indéniable que le Bitcoin favorise les investisseurs précoces, 100 Bitcoins achetés en 2011 auraient ainsi pu être revendus début 2014 à 300 fois leurs valeurs initiales ! Ce sont donc ces investisseurs qui contrôlent l’évolution du taux de change et en tirent le plus de bénéfice.


Le souci réside aussi dans la nature du système participatif qui remet à chacun les clés de sa réussite. Il est donc plus vulnérable aux attaques et aux fraudes, comme on l’a constaté en février 2014 avec la chute de la plateforme de téléchargement MtGox qui assurait une grande partie des transactions en Bitcoins. Cet événement eut l’effet d’une bombe pour la communauté qui venait de perdre près de 200 millions d’euros d’actifs en Bitcoins, et se retrouvait incapable d’expliquer une telle perte subite.


Suite à cette faillite, le cours du Bitcoin connut une chute monumentale mais réussit par la suite à retrouver de sa verve. Encouragé par la démocratisation et la médiatisation de cet événement, ce fut donc un mal pour un bien pour une monnaie en mal de reconnaissance, mais qui suscite tant d’espoirs de la part des anticapitalistes et autres défenseurs des libertés individuelles.

L’anonymat, à quel prix ?

Là se pose un autre souci : l’anonymat et l’opacité des transactions réalisées grâce au Bitcoin favorisent les commerces illégaux et autres manœuvres de blanchiment d’argent qui y trouvent le moyen d’introduire leurs fonds sur une plateforme indépendante des gouvernements et des circuits financiers traditionnels. En témoigne l’influence qu’a eu la fermeture du site de vente de produits illégaux Silk Road qui tournait au Bitcoin.


Malgré son assimilation progressive par l’économie réelle, il apparaît clairement qu’il faudra une amélioration du système pour éviter ces dérives et le rendre acceptable aux yeux des puissances financières mondiales. Le Bitcoin devra-t-il renoncer à ses principes d’indépendance, de liberté et d’anonymat pour légitimer sa place dans l’économie moderne ? Le réseau sera-t-il capable de gérer la croissance du Bitcoin sans avoir besoin de modifier son système de fonctionnement ?


Autant de questions auxquelles les informaticiens qui mirent au point le Bitcoin devront répondre. Gardez donc un œil sur son évolution, et préparez-vous à assister à l’éclatement d’une bulle ou à une révolution monétaire mondiale.