Les avancées technologiques amenées par internet ont conduit à l'avènement d'une nouvelle ère, celle du tout connecté. Il est désormais difficile de trouver des objets non connectés, cela va du téléphone, à la montre en passant par les maisons ou les voitures. De nos jours même les chaussures sont connectées ... A cet effet, de sérieuses études scientifiques indiquent que le monde comptera pas moins de 1,5 milliards d’objets connectés d'ici 2020, et générera un bénéfice colossal de 19 milliards de dollars durant la même période.
En Algérie, le marché de l'innovation numérique reste timide, faute d'une stratégie bien définie et d'une impulsion sérieuse pour le secteur de l'économie numérique. Mais heureusement, la latence des autorités concernées dans ce domaine n'empêche pas certaines startups d'innover et de travailler sans se laisser abattre par le retard que le pays enregistre dans le secteur des nouvelles technologies. Ce mois-ci, nous nous sommes intéressés à l'unes de ces start-ups, il s'agit d'AquaSafe, une entreprise qui porte haut les couleurs de l’Algérie partout dans le monde. Rencontre avec Iman MALEK, CEO de AquaSafe.
NTIC : Iman MALEK, pouvez-vous revenir avec nous sur l'histoire d’AquaSafe ?
Iman MALEK : L'aventure a commencé lorsque j'étais encore étudiante à l'Ecole Nationale Polytechnique. Avec mes camarades, nous avions décidé de créer un club nommé "Polytechnic Leaders Club". C'est dans le cadre de nos activités dans ce club que j'ai pitché lors d'un hackaton l'idée du projet qui était de créer un système pour surveiller les rejets liquides industriels avec des alertes paramétrables. Ce jour là, parmi l'assistance, se trouvait des officiels du ministère de l'environnement, qui sont venus vers moi et m'ont proposé de poursuivre ce projet puisqu'il correspondait à la stratégie de développement du secteur écologique du ministère. C'est à partir de là que nous avons choisi pour nom " AquaSafe" et que nous avons présenté notre projet à ce concours, duquel nous sommes repartis avec le prix de l'innovation.
Nous avons enchaîné avec un autre premier prix au concours du jeune innovateur-entrepreneur organisé par l'ENP puis nous avons participé au Tstart où notre projet a été sélectionné parmi 519 autres. Nous avons donc fait partie de l'incubateur Tstart grâce à qui nous avons pu avoir un financement qui nous a permis de développer notre produit ainsi que la plateforme.
NTIC : La team de départ est toujours la même aujourd’hui ?
I.M: Après avoir reçu mon diplôme en juin 2014, l'équipe du projet s'est retrouvée face à un dilemme : continuer de travailler sur le projet ou chercher un travail en entreprise. Le reste de l’équipe a décidé de ne pas continuer l’aventure, j’ai donc dû me débrouiller toute seule et apprendre un peu l’électronique vu qu’à la base je suis hydraulicienne. Après quelques temps, le projet s'est enrichit de l'arrivée de Abdelatif GUETTOUCHE et Abdellah ALAOUCHICHE, deux anciens collègues de polytech ainsi que Mounir SLIMANI un informaticien issu de l’ENS de Kouba.
NTIC : Concrètement, AquaSafe c’est quoi exactement ? Des cartes ? une plateforme ?
I.M: C’est une carte reliée à des capteurs dédiés au contrôle de la qualité physicochimique de l’eau tel que le pH, température, conductivité… Ces capteurs servent à nous donner des informations en temps réel via un dashboard de monitoring avec une panoplie d’alertes paramétrables et de notifications en cas d’anomalie.
NTIC : Qui sont vos clients potentiels ?
I.M: Au départ, notre client potentiel était le gouvernement. Dans notre business plan nous voulions proposer notre produit à l'état afin d’inciter les industries à s’équiper de notre solution pour contrôler leurs rejets industriels liquides. Cependant et juqu'à aujourd'hui, nous n'avons toujours pas eu de retour de la part du ministère de l’environnement. Ceci nous a forcé à réorienter notre projet pour faire de l’aquaculture et utiliser le même système pour le contrôle de la qualité d’eau pour assurer la survie des poissons dans les zones d’élevage. C'est certes un secteur où il y a près de 85 projets pour l’année 2016 et environs 500 projets d’ici 2020 mais malgré cela nous pensons que ça reste porteur.
NTIC : Quel est l’intérêt pour une entreprise que vous ciblez d’avoir recours à votre solution plutôt qu’à des tests chimiques en laboratoire ?
I.M: Les tests chimiques ont un coût élevé et il ne faut pas oublier que nous manquons cruellement de laboratoires spécialisés. Aussi, et par rapport à la législation, les tests effectués sont trimestriels alors que notre système de monitoring, lui est continu. Donc en cas de pic, les prélèvements peuvent s'effectuer sur place pour ensuite chercher la cause en laboratoire.
NTIC : Quel coût a votre solution pour une entreprise ?
I.M: L’appareil en lui-même avec les capteurs coûte environ 150 000 Da avec un abonnement trimestriel ou semestriel pour la plateforme de monitoring. Comme vous pouvez le constater c’est très accessible pour une entreprise par rapport à des tests en laboratoire.
NTIC : Des attentes par rapport aux acteurs économiques algériens ?
I.M: Actuellement, nous proposons une large gamme de produit pour la surveillance de rejets industriels, l’agriculture, l’aquaculture, l’hydroponie… on espère donc avoir plus de commandes de nos produits d’ici la fin de l’année.
NTIC : Les entreprises ne vous ont pas demandé de miniaturiser vos produits ?
I.M: Vu la difficulté de trouver preneurs en Algérie, nous avons décidé de nous étendre à l'international et parmi les exigences de nos contacts, c'est la miniaturisation afin de pouvoir exporter.
NTIC : Avez-vous eu des expériences à l’international ?
I.M: AquaSafe a participé à plusieurs salons internationaux dont Vivatech Paris 2016 où nous avons rencontré beaucoup d’entreprises activant dans le secteur du digital. Nous avons également fait partie du Global Entrepreneurship Summit 2016 à la Silicon valley où il y’avait de vrais entrepreneurs et de vrais Business Angels. On a eu l'occasion d y apercevoir Barack Obama. Cela a également été l'occasion de tisser des liens avec des entrepreneurs de la région MENA, je suis d'ailleurs toujours en contact avec eux pour étudier les possibilités d’exporter notre solution. Nous espérons bien évidemment nous développer en Algérie pour apporter un plus à notre pays.