L’une des tendances de fond de cette décennie dans le domaine des technologies est la IoT : « Internet of Things » ou « Internet des Objets ». Il s’agit d’un mouvement très persistant qui va en s’amplifiant. Vers la fin de cette décennie, il est prévu que 24 milliards de périphériques soient actifs, soit approximativement 4 périphériques communicants pour chaque être humain sur terre.
L’écosystème startups IoT est en plein développement en Algérie ; la communauté s’organise et redouble d’efforts et d’ingéniosité pour proposer les produits les plus innovants dans tous les domaines possibles. Mais que pouvons-nous attendre de ce domaine et comment tirer profit de ce mouvement pour l’émergence d’entreprises technologiques algériennes de taille mondiale ?
L’évolution soudaine de la IoT est due à un alignement des astres qui vient de se réaliser : la disponibilité simultanée de plusieurs technologies qui font qu’aujourd’hui la IoT est mature pour rendre d’énormes services qui justifient son développement.
Les grands s’y mettent
Examinons ce fait simple : en janvier 2014, Google a déboursé la somme astronomique de 3.2 Milliards de dollars pour acquérir une startup : Nest Labs. La 3ème plus grosse acquisition du géant.
A la même époque, il y avait d’autres entreprises concurrentes plus connues, comme le français Withings racheté en 2016 par Nokia pour 170 millions de dollars. Alors que Nest Labs n’a développé que 2 produits : un thermostat et un détecteur de fumée. Outre un nombre élevé de brevets concernant l’économie d’énergie et même la détection sismique utilisant les capteurs thermiques, il était peu connu du grand public et était en tout début de son développement commercial. Alors que justifie l’énorme montant de ce rachat ?
D’abord, Nest Labs a été cofondé par deux anciens d’Apple : Matt Rogers et surtout Tony Fadell designer et grand contributeur au succès planétaire du iPod. Ces deux-là ont été rejoints plus tard par Chip Lutton. C’est donc, comme à l’accoutumé, une façon pour Google de recruter et de mettre à son service les personnes les plus talentueuses de la planète. Mais pas seulement !
Le thermostat Nest est connecté par wifi à internet et il est équipé d’un système d’exploitation dérivé de Linux. Il est capable, grâce au « machine learning » (apprentissage automatique) de combiner les préférences et le mode de vie des utilisateurs et les besoins en économie d’énergie pour gérer au mieux les équilibres énergétiques des locaux où il est placé. C’est donc un outil complet de gestion énergétique et le thermostat le plus évolué disponible sur le marché. Grâce à Nest Labs, Google (ou plutôt Alphabet) est entré de plein pied dans le domaine de la domotique. Plus tard, Nest Labs a acquis le fabriquant de caméras de surveillance connectées DropCam. Cette acquisition s’est avérée catastrophique et la raison invoqué est l’étroitesse du marché en raison du taux pas assez élevé de domiciles connectés à internet aux USA. Ça ne marche donc pas à tous les coups.
Nous voyons bien donc, que ce que nous demandons à nos objets connectés, c’est bien plus que la transmission d’énormes quantités de données : c’est d’apporter de vrais services utiles et prêts à l’utilisation. Le développement du Big Data et du Deep Learning ont rendu ceci enfin possible. L’émergence d’objets connectés intelligents et très utiles est ce que l’on attend du marché aujourd’hui.
Changement de paradigme, l’ère du M2M
En 2010, Steve jobs annonçait qu’avec l’iPad, le monde entrait désormais dans l’ère post-PC. C’est en effet le cas : la domination du PC comme moyen de connexion à internet a pris fin à ce moment-là. La part la plus importante de la consultation des services internet a lieu sur un smartphone ou une tablette.
Il semblerait alors que cette ère approche de sa fin ; nous entrons en effet désormais dans l’ère post-mobile. En effet, la part la plus importante du débit internet de la décennie à venir sera consommée par des machines et des objets. C’est donc l’ère de l’internet Machine-to-Machine ou M2M. Comme le thermostat communique avec le serveur et avec le chauffage et le climatiseur, le bracelet connecté va communiquer avec le serveur du médecin, le frigo avec le drone du supermarché,… De moins en moins d’intervention humaine est nécessaire. Amazon propose déjà le bouton Dash à coller devant chacun de vos produits. Chaque fois que vous constatez que votre stock de lait, de dentifrice ou de lessive est bientôt épuisé, un simple appui permet d’enclencher la procédure d’achat et vous recevez la marchandise le lendemain en bas de chez vous. Ce n’est que les premiers essais avant les achats automatiques.
La 5G, la norme taillée pour la l’oT
Alors que l’Algérie goutte enfin aux joies de la 4G mobile, le monde discute de la norme 5G qui servira de support à la IoT. Qu’attend donc le monde de la 5G que la 4G peine à offrir?
C’est déjà la possibilité de connecter 24 Milliards de périphériques !! C’est donc le nombre de périphériques connectés aux réseaux et la bande passante pouvant servir la quantité de données nécessaire à un monde régit par la IoT qu’on programme pour la prochaine génération mobile. Mais pas seulement : deux caractéristiques de la 4G freinent le développement de très petits objets connectés : la consommation énergétique et la latence. L’une des contraintes imposées à la 5G est la très faible consommation énergétique pour permettre que votre bracelet connecté puisse tenir plus de 48 heures sans être rechargé. L’autre problème est la latence des réseaux 3G/4G qui peut atteindre une demi-seconde voire plus en cas de surcharge réseau. Ceci peut paraitre largement suffisant mais c’est dramatiquement insuffisant pour des applications temps-réel comme le véhicule autonome. La norme 5G dont les standards ne sont pas encore définitivement figés va devoir supporter le développement d’un monde ultra-connecté, échangeant parfois d’énormes quantités de données et parfois de faible quantités mais à des débits et une disponibilité extrêmes.
Solution élégante cherche problème à régler
Les possibilités offertes par la miniaturisation, l’IA, le big data, le design et les réseaux rapides ont poussé beaucoup de fabricants à proposer des dizaines et des centaines d’objets connectés.
La réalité est la suivante : très très peu d’entre eux vont perdurer. Il est même prouvé que la quasi-totalité des bracelets connectés de fitness ne sont jamais utilisés au-delà du premier mois. C’est comme le grille-pain qui reste au fond de votre placard ou le vélo d’appartement qui rouille dans votre garage. La vraie innovation prend du temps et exige une compréhension profonde de l’utilisateur. Au-delà du hype et du focus des médias sur cette discipline, les startups qui tirent leur épingle du jeu sont très peu nombreuses. Nest et Whithings sont les exceptions du secteur. Nokia a bien eu les écrans tactiles entre les mains plus d’une décennie avant Apple. Mais il n’a jamais réussi à en tirer toute l’utilité et la magie.
L’internet des objets inutiles
Le site InternetOfUselessThings regroupe des objets connectés reconnus comme inutiles, comme cette bague qui détecte l’arrêt de votre cœur et annonce votre mort à vos contacts ou ce toaster qui se met tout seul en vente sur eBay s’il n’est pas utilisé depuis un certain temps. Ou encore cette cuillère qui se troue si vous mangez trop vite,… Les possibilités réelles, ridicules ou intéressantes sont innombrables. Le milliardaire de la prochaine décennie est celui qui imagine les solutions les plus pertinentes aux problèmes les plus contraignants du présent.
Big Data, IA, haut débit et… innovation
Nous voyons bien que tous les ingrédients d’une explosion de la IoT sont là. Le dernier ingrédient est l’ingéniosité et l’innovation. La création de solutions à de vrais problèmes.
Certaines grandes entreprises et startups travaillent également aujourd’hui pour imposer des standards pour les objets du futur : système d’exploitation, composants standards, protocole de communication,… Dans quelques années, quand les standards seront plus stables, il sera plus facile de se concentrer sur le besoin utilisateur et moins sur le côté technique. En attendant, des plateformes pédagogiques comme le Arduino ou le Tessel 2 permettent aujourd’hui le prototypage rapide.