Le cabinet d'audit et de conseil Deloitte a réalisé une étude sur la maturité digitale des entreprises en Afrique. Il en ressort que l’Algérie est classée à la cinquième position (05), derrière la Tunisie (04) et le Maroc (01). Hadayet Mazouz, Senior Manager au sein de Deloitte Algérie, revient dans cet entretien sur les détails de ce baromètre qui renseigne sur l’état de la maturité digitale des entreprises en Algérie.
N’TIC : Vous êtes les premiers à avoir réalisé une étude sur la maturité digitale des entreprises africaines dans laquelle figure l’Algérie. Peut-on avoir les détails de l’étude et où se situe l’Algérie dans ce classement ?
Hadayet Maouz : Le baromètre de la maturité digitale de Deloitte a été réalisé auprès de plus de 400 participants, répartis sur 7 pays majeurs de l’Afrique Francophone à savoir l’Algérie, le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Maroc, le Togo et la Tunisie.
Il a été déployé dans le seul but d’évaluer la maturité digitale des organisations africaines afin de pouvoir estimer la sensibilité de ces dernières aux nouvelles tendances du Digital qui les impactent tant au niveau de leurs orientations stratégiques, leurs organisations que leurs modèles opérationnels.
Il est à noter que ce baromètre se base sur une enquête administrée en ligne auprès d’organisations africaines qui font face aux transformations majeures à l’ère du Digital et ayant pour la majorité une stratégie digitale clairement définie ou en cours de définition.
Afin de garantir l’homogénéité des résultats nous avons ciblé des entreprises de toutes tailles et dans de multiples secteurs d’activités (Secteur public, Technologies, Média et Télécommunications, Secteur financier, Industrie et Services)
Notre baromètre s’est basée sur un framework de maturité digitale qui traite de cinq axes majeurs, à savoir: Stratégie et leadership ; engagement client ; organisation et talents ; produits et services et enfin opérations digitalisées.
Plus de 73% des organisations interrogées ont une bonne compréhension des enjeux d’évolution des compétences de leurs employés à l’ère du digital. Toutefois, seulement 17% des répondants interrogés pensent que leur entreprise leur offre les moyens et les opportunités pour développer des compétences digitales.
L’adhésion aux solutions digitales est devenue vitale au sein de tous les secteurs d’activité. Ne pas maîtriser l’usage des nouvelles technologies, c’est courir le risque d’être dépassé.
Il ne suffit pas de réussir sa transformation digitale, les efforts d’innovation doivent être continus afin de répondre aux attentes des clients, en perpétuelle évolution.
Dans le classement, l’Algérie est à la cinquième (05) position, non loin de la Tunisie quatrième (04), suivi par le Bénin troisième (03), en deuxième position (02) la Cote d’Ivoire et en première position le Maroc.
N’TIC : Quel est le degré de sensibilité des entreprises et organisations en Algérie aux tendances du digital ?
H.M : En raison de la chute des cours du pétrole et des revenus qui en découlent, l’Algérie est consciente de l’importance de la diversification des activités économiques, surtout celles génératrices de valeur. La volonté politique de transformer digitalement l’Algérie est bien présente avec la création d’un département ministériel exclusivement en charge de l’économie numérique. Les entreprises et organisations ne sont pas en reste : 90 % des entreprises et organisations de notre étude pensent que leur métier sera affecté par les tendances digitales.
Les entreprises doivent, cependant, commencer à investir davantage, s’organiser et mettre en place le capital humain adéquat de développer l’activité numérique et créer de la valeur (71% des entreprises investissent moins de 10% dans la transformation technologique).
Par ailleurs, au niveau légal, le commerce électronique est en cours de structuration avec ses quelques centaines de sites marchands en Algérie. Ainsi l’usage du cloud et d’autres technologies dans la gestion de l’information clientèle sont d’un enjeu considérable pour ces entreprises.
N’TIC : Quels sont les atouts de l’Algérie en ce qui concerne la transformation digitale ?
H.M : Nous avons constaté à travers cette enquête que les organisations algériennes ont une forte volonté de tirer pleinement profit des bénéfices de la digitalisation, en accentuant leur quête d’amélioration des produits et services. Cela démontre une forte conscience des entreprises participantes et notamment du management des enjeux et avantages de la transformation digitale.
Ainsi, parmi les principaux atouts identifiés, nous pouvons citer que les entreprises participantes : Disposent des moyens nécessaires pour évaluer efficacement l’impact de leurs investissements dans le digital ; ont une compréhension claire des enjeux du digital et développent une stratégie digitale adaptée ; ont réussi à minimiser les processus manuels de leurs employés.
N’TIC : Et quels en sont les points faibles ?
H.M : Plusieurs challenges se présentent en effet sur le chemin de la transformation digitale des entreprises et organisations algériennes. La plupart de celles qui ont été interrogées bénéficient d’une visibilité globale sur Internet, cependant elles accusent un retard en terme d’intégration des solutions issues de la transformation digitale.
Ce retard est particulièrement visible à travers le manque de mesure d’adoption de solutions digitales qui permettent d’offrir des services en ligne, tel que la réservation et la commande en ligne, qui conditionnent le développement du e-commerce, qui lui aussi, dépend du développement des infrastructures.
Ainsi, à peine 1 % des entreprises ont intégrés le e-commerce dans leurs systèmes d’information.
Une grande majorité des entreprises participantes ne disposent pas d’un système d’information pour analyser les comportements de leurs clients.
Il a été notamment constaté un faible recours aux technologies digitales pour l’optimisation et le contrôle des processus opérationnels.
En conclusion, les organisations algériennes sont conscientes de l’importance du digital et souhaitent en extraire de la valeur, mais les initiatives se mettent en place lentement.
N’TIC : Quels sont les principaux enjeux de la transformation digitale des entreprises algériennes ? Et quelles sont les principales initiatives mises en place ?
H.M : Une grande partie des organisations participantes pensent que la performance et l’efficacité opérationnelle en matière d’amélioration continue des procédés de production et de réduction des coûts, présentent le principal facteur de transformation digitale quel que soit le secteur d’activité.
Par ailleurs, la majorité des répondants déclarent mettre en place un dispositif pour surveiller leur e-réputation.
La quasi-totalité des organisations participantes déclarent avoir une base de données clients qu’ils gèrent en interne. Cependant, leur exploitation est limitée puisqu’elles ne disposent pas de systèmes d’information adéquat pour analyser les comportements clients selon leur segmentation.
D’autre part, environ la moitié déclare disposer d’une entité digitale au sein de leur organisation.