Mohamed Lamine Kaba, Président de l’African Startup Forum revient, dans cet entretien, sur le Forum des Startups, Incubateurs et Investisseurs d'Afrique qui se tiendra du 13 au 17 novembre 2018 en Côte d’Ivoire, tout en dressant un état des lieux de l’écosystème Startups sur le continent.
N’TIC Magazine : D’abord, présentez-nous le Forum des Startups, Incubateurs et Investisseurs d'Afrique ?
M. K : Le Forum aujourd’hui se présente comme le support continental de labélisation des startups d’Afrique. Il se matérialise par une rencontre opérationnelle des acteurs de la chaîne de valeur de l’écosystème des startups d’Afrique. Il procède donc d’un processus cohérent de présélection et de sélection minutieuse des meilleures startups et innovations du continent à travers un appel à projet de startups, d’innovation, de résultats de recherche, d’invention et de créativité à caractère entrepreneurial. Il se déroule chaque année au mois de novembre pendant 5 jours et labélise les 250 meilleures startups d’Afrique sur une offre de plus de 2 000 projets annuels. Cette année 2018, il se tiendra du 13 au 17 novembre 2018 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Il est porté par l’incubateur privé à vocation continentale dénommé African Startup Forum avec 5 antennes sous régionales.
N’TIC : Quel est le thème que vous avez retenu cette année ?
M. K : « Création de richesse durable, quel rôle des startups dans les économies émergentes ? » Ce qui équivaut à se poser la question essentielle de « Comment bâtir une startup créatrice de richesses ? » Les dirigeants de startups participants bénéficieront d’un programme soutenu de formations certifiantes à la création et la gestion de startups pour en faire des succès, dans l’activité de l’école des startups. En outre, il y aura des concours d’innovation par les étudiants des universités et grandes écoles sur des thématiques très importantes, notamment pour trouver des solutions aux catastrophes naturelles, à l’immigration clandestine, l’agriculture urbaine, la réduction des factures énergiques, le financement des startups d’Afrique. Il y aura également des pitchs de startups pour les investisseurs et le Meet The Mentor pour les partages d’expériences avec des entrepreneurs chevronnés…
N’TIC : Comment a commencé cette initiative (ou aventure) ?
M. K : L’idée a germé en 2009 au sein d’un groupe d’entrepreneurs d’Afrique de divers horizons pour essayer de trouver des solutions locales alternatives en vue d’améliorer les conditions de vie des populations en Afrique pour promouvoir des jeunes pousses capables de créer et développer localement et durablement l’innovation, la recherche, les inventions avec un objectif primordial recherché : créer de la richesse et des emplois massifs en Afrique.
N’TIC : L’Algérie participe-t-elle à cet événement continental ?
M. K : En effet l’Algérie, en plus des nombreux pays africains, prendra part cette année au 3ième Forum Economique des Startups, Incubateurs et Investisseurs d’Afrique. Nous pouvons déjà citer le Rwanda, le Maroc, la Tunisie, le Nigeria, le Ghana, le Mali, le Niger, le Burkina Faso, le Cameroun, le Congo, pour ne citer que quelques pays. Et à ce sujet nous voudrions une fois de plus remercier l’Institut National Algérien de la Propriété intellectuelle qui a relayé l’appel à participation à l’écosystème algérien pour renforcer la participation des acteurs algériens à cette importante rencontre internationale sur les startups.
N’TIC : Vous êtes à votre 3ème édition. Comment évaluez-vous les précédentes ?
M. K : Les deux premières éditions nous ont permis de mesurer l’importance du potentiel d’investissement que représentent les startups d’Afrique. Pour la première édition, le besoin en financement des startups ayant participé au Forum est évalué à 20 millions d’euros quant à la deuxième édition, il a avoisiné les 30 millions d’euros (statistiques tirées des chiffres des business plan des startups participantes)
Les innovations apportées sont très importantes et démontrent les opportunités d’investissement dans les différents secteurs d’activité, notamment dans les Energies renouvelables, l’Energie, l’Agriculture, les Finances, la Santé, l’Education, les Transports, les services…
A titre d’exemple, deux startups labélisées African Startup Forum ont été fiancées respectivement la première et la deuxième années à hauteur de 152 500 euros pour la constitution d’un filiale dans le domaine de l’électricité et 762 245 euros dans le secteur de l’Agritech pour développer les infrastructures techniques et les logiciels d’analyse des données par drone.
N’TIC : Après cette expérience, comment évaluez-vous l’écosystème startups en Afrique ?
M. K : L’écosystème des startups n’est qu’au début de sa mise en place avec des pays phares que sont L’Afrique du Sud, le Nigeria, le Rwanda, le Kenya, le Ghana, la Tunisie, le Senegal, la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Congo…
Il ne forme pas encore un écosystème économique majeur dans le sens propre du terme avec l’implication de l’ensemble des acteurs, notamment des gouvernements qui se doivent, en collaboration étroite et intelligente avec les prestataires privés, créer et mettre en place les cadres législatifs propices à la promotion de l’écosystème.
Aujourd’hui en Afrique le maillon le plus en vue, ce sont les espaces de coworking et les Fab Labs encore à la recherche de modèles économiques adaptés. Les incubateurs à l’exception de quelques entités publiques, manquent énormément sur le marché, de sorte qu’aujourd’hui des programmes internationaux viennent chercher des parts de marché sur les marchés locaux africains. Il y a une nécessité d’organisation du secteur pour garantir la qualité des startups mais aussi pour créer un marché local entrepreneurial africain dynamique pour une meilleure redistribution des richesses de la croissance constatée ces dix dernières années sur le continent. Les grandes entreprises et les instituts de recherche sont encore hésitants quant à la synergie de collaboration qu’elles peuvent et se doivent de déployer avec les startups locales dont le fruit des innovations ou des recherches sont surtout et avant tout faites pour elles. Enfin, les investisseurs spécialisés startups dont l’environnement reste encore vierge qu’il faut absolument créer et développer assez rapidement en formant les particuliers et acteurs concernés aux outils de financement mais aussi en encourageant les business angels à venir se constituer sur les marchés africains.
Comme vous pouvez le constatez, il reste énormément de chantiers encore inexploités à promouvoir.
N’TIC : Quels sont les défis communs pour les startups africaines, indépendamment des ensembles économiques auxquelles elles appartiennent ?
M. K : En premier lieu, on peut citer l’absence de visions claires et adaptées aux besoins africains et celle de la constitution de véritables écosystèmes africains de startups. La formation et l’éducation technique et technologique supérieures sont insuffisantes. Le continent souffre aussi de l’absence de mécanismes de création de capitaux de démarrage (petits tickets) et de leadership et de synergie de collaboration entre les acteurs locaux pour permettre de relever les défis de l’inclusion et de l’éclosion de marchés nouveaux.
N’TIC : Le financement n’est-il pas le premier frein au développement des startups en Afrique ?
M. K : Les startups en Afrique ont certes besoin de financement mais ce n’est pas le premier besoin de création et de survie des startups. Elles ont d’abord et avant tout principalement besoin de : Législations et réglementations claires et favorables à la saine émulation de leurs compétences quelles qu’elles soient et d’un mécanisme structurel d’accompagnement opérationnel pour la promotion, le suivi et l’évaluation des entités qui ont pu franchir le cap de la consolidation en moyenne de 3 à 5 ans.
C’est ce que l’African Startup Forum construit. Les startups d’Afrique ont également besoin de de ressources techniques et d’équipements pour valoriser leurs trouvailles et innovations ; d’avoir leurs fondateurs, cofondateurs, dirigeants formés structurellement à la création, l’innovation, la recherche et développement, la gestion et surtout la transformation des services et produits proposés en richesses et, enfin, de ressources financières adaptées à l’évolution rapide des modèles économiques très peu adaptés au marché classique.