Les ministres des Télécommunications des Vingt-Sept ont innové en fixant des plafonds pour les frais d’itinérance (roaming) des opérateurs de téléphonie mobile, puisque c’est la première fois que l’UE s’immisce de manière aussi directe et autoritaire dans la tarification des entreprises.
« C’est une épée de Damoclès qu’il ne faut utiliser qu’en dernière instance », a dit le ministre allemand de l’Economie, Michael Glos, dont le pays préside pour l’instant l’Union. Les Vingt-Sept ayant adopté un texte en tous points identique à celui qui avait été approuvé par le Parlement européen en mai dernier, les avantages seront très rapidement ressentis par les 490 millions de citoyens européens. Les gouvernements et les députés européens se sont résignés à agir après que les opérateurs eurent refusé de réduire des frais d’itinérance jugés unanimement trop élevés.
Tarifs dégressifs
« Nous sommes à la fin d’une saga de sept ans, d’une longue lutte contre la tarification excessive », a déclaré la commissaire européenne chargée du dossier, Viviane Reding, qui a lancé le mouvement il y a environ un an. Aujourd’hui, par le simple fait de passer une frontière, un utilisateur de portable voit le coût d’une communication multiplié en moyenne par quatre : un client français passant un appel local en Italie paie de 0,50 à 1,18 euro par minute, contre 10 centimes pour un client italien faisant de même. Le règlement prévoit que le prix d’une communication passée par un touriste ou un homme d’affaires dans un autre pays que celui où il a souscrit son abonnement soit plafonné la première année de l’accord à 49 centimes d’euro la minute. La limite sera de 24 centimes pour un appel reçu à l’étranger. Les prix de gros facturés aux entreprises de téléphonie par un autre opérateur seront, quant à eux, plafonnés à 30 centimes. Dans les deux cas, les tarifs seront dégressifs. Les appels sortants seront plafonnés à 43 centimes dans trois ans, les appels reçus à 19 et les prix de gros à 26. Ce dossier a été très médiatisé, les députés européens voulant absolument obtenir pour les voyageurs une baisse importante face aux Etats membres — France, Allemagne et Royaume-Uni en tête — qui défendaient leurs opérateurs. Même les montants les plus élevés proposés par les gouvernements au cours de la négociation avaient été jugés trop bas par les opérateurs, comme le président de France Télécom, Didier Lombard, qui les avait comparés à une planification communiste et avait menacé d’acheter des équipements chinois pour rester compétitif. Certains opérateurs ont menacé d’augmenter leurs tarifs domestiques pour compenser le manque à gagner, mais Viviane Reding ne croit pas à cette menace en raison de la concurrence très forte qui sévit sur le plan national. « Ce serait s’éjecter du marché », a-t-elle ironisé en annonçant que la prochaine initiative viserait les frais d’itinérance des SMS et des transferts de données.
Un énorme marché
Il reste à savoir quand les consommateurs bénéficieront exactement des tarifs réduits après la publication du règlement dans le Journal officiel de l’UE. Les plafonds ne seront pas appliqués pendant une période de deux mois après l’entrée en vigueur des nouveaux tarifs que les opérateurs devront offrir à leurs clients. Pendant cette période, les utilisateurs pourront choisir une formule. Certains opérateurs peuvent proposer des tarifs inférieurs aux plafonds dans des configurations précises. Mais si le consommateur n’a pas effectué de choix, les plafonds s’appliqueront automatiquement après deux mois. Les législateurs européens espèrent que l’imminence de l’entrée en vigueur de ce mécanisme accroîtra la concurrence et incitera les opérateurs à offrir des prix plus bas dès cet été, période des vacances où les touristes sont nombreux à voyager. Quelque 147 millions de citoyens de l’UE — 37 millions de touristes et 110 millions de professionnels — utilisent chaque année leur téléphone à l’étranger. Le « roaming » représente un chiffre d’affaires annuel de 8,5 milliards d’euros.
La facture des téléphones portables va fondre en Europe
- nabil