Après Motorola et Sony Ericsson, les représentations de marques de téléphonie mobile, installées en Algérie dont Nokia, LG et Samsung, risquent aussi de fermer leurs bureaux.
Certes la décision n’est pas encore prise officiellement mais une confirmation de cette prévision ne devrait pas tarder. C’est ce que nous a indiqué un des responsables d’une des représentations : “Ça ne saurait tarder si rien n’est fait pour changer la situation dans laquelle se retrouvent tous les acteurs légaux du marché de la téléphonie mobile.” D’ailleurs, pour Sony Ericsson et Motorola, leur départ s’est fait presque en catimini en maquillant la fermeture de leurs bureaux par des restructurations régionales. L’ennemi n’est autre que le marché parallèle. Son existence, et surtout sa prédominance, dépasse de très loin les normes. C’est ce qu’affirment les différents acteurs de la téléphonie mobile que nous avons rencontrés.
Représentant entre 40% et 50% des parts du marché (en Angleterre, il ne dépasse pas les 10%), les importateurs illégaux s’imposent comme des acteurs dominants sur la scène.
En face, les professionnels semblent ne rien pouvoir faire devant les tentacules de ce marché parallèle de plus en plus puissant surtout qu’il s’agit d’un secteur de plus de 25 millions d’utilisateurs tournant autour d’un marché de 200 millions de dollars. Les spécialistes affirment qu’en 2008, les portables vendus ont été estimés à près de 4 millions d’unités dont près de 1,6 million proviennent du marché parallèle.
Pourtant, il y a un peu plus d’une année, le marché parallèle semblait avoir été battu après les opérations coup-de-poing menées contre les revendeurs illégaux. Le premier résultat avait été constaté avec la diminution très sensible des produits du marché parallèle. Mais cette embellie n’a été que de courte durée. Depuis près de deux mois, la remontée du marché parallèle est palpable avec à la clé les effets négatifs de la crise mondiale : “Plus le dollar monte, plus nos ventes diminuent”, nous déclare un des revendeurs, légal, comme il a tenu à nous le préciser. Installé sur les hauteurs d’Alger, ce revendeur ajoutera : “Le marché n’est plus aussi attrayant qu’avant et ce n’est pas faute d’avoir essayé de tout faire pour nous professionnaliser. Nos pertes augmentent de plus en plus à cause de ces importateurs qui coulent le marché avec leurs produits”.
Trafic tous azimuts
Concrètement de quoi s’agit-il ? Un représentant de l’une des marques nous dira : “Ce sont des produits ramenés de l’étranger à des prix moins chers que ceux qu’on vend d’environ 20%. Ils sont acheminés par différents chemins, qu’ils soient aériens, maritimes ou terrestres.” Et de donner un exemple :
“À partir de nos frontières de l’Ouest, un grand trafic est en train de se dérouler au vu et au su de tout le monde. C’est surtout à travers la région de Zouia que tout se passe. On fait passer des centaines de milliers d’appareils et d’accessoires presque sans aucun problème.
Des réseaux se sont constitués au fil du temps et rien ne semble pouvoir les arrêter. Il s’agit essentiellement des appareils de l’opérateur T-Mobile dont le prix est moins cher du côté du Maroc. Ces marchandises entrent dans le marché algérien et se retrouvent dans les magasins avec des prix de 20% moins chers. C’est une concurrence déloyale dont les répercussions peuvent être très graves sur tous les acteurs de la téléphonie mobile en Algérie. Il ne faut pas oublier que les importateurs ne payent pas de taxe alors que nous nous retrouvons avec les 17% de TVA, 5% de droits douaniers, et 2% de taxe sur l’activité professionnelle en plus des charges sociales et des salaires qu’on doit payer”.
Du côté maritime, la filière anglo-espagnole est pointée du doigt. Ainsi les produits sont acheminés du royaume britannique vers l’Algérie via des bateaux en passant par l’Espagne avant d’accoster dans nos ports. Le ciel est aussi un autre canal avec la filière du cabas. “Il faut imaginer qu’une seule personne peut ramener des centaines d’appareils et d’accessoires alors imaginer quand il s’agit de centaines de personnes mensuellement”, nous a affirmé un représentant des distributeurs. Ce dernier n’hésitera pas d’ailleurs à parler de passoire au niveau des frontières et de débandade au niveau des douanes. Pour lui, la meilleure preuve est le fait de trouver les produits importés frauduleusement partout. “C’est comme si aucun contrôle ne se faisait”.
Un client victime et bourreau
Dans ce brouhaha entourant le marché de la téléphonie mobile, le client se retrouve dans une position loin d’être réconfortante. Il est en même temps, comme dans l’un des poèmes de Baudelaire, victime et bourreau. Bourreau puisque souvent, il achète des produits sans garantie avec comme seul argument le prix en croyant gagner aussi la qualité. Il suffit de faire un tour du côté du quartier Belfort d’El-Harrach pour avoir une idée sur les comportements et des vendeurs et des acheteurs.
Souvent ces derniers se retrouvent avec un appareil pourtant neuf mais qui ne résiste pas longtemps à l’effet du temps avant que les défauts ne commencent à apparaître en l’espace de quelques semaines. “Ce n’est pas étonnant”, nous explique un ingénieur en indiquant que “ce sont des produits certes moins chers que ceux des représentants officiels des marques mais pour qu’ils puissent être utilisés par les trois opérateurs en Algérie, ils devraient être flashés. Une opération qui est la raison essentielle des problèmes d’écran ou encore des bugs que tous constatent”. Devant ces complications, le client se voit parfois obligé d’aller réparer chez le représentant légal de la marque.
“C’est vrai qu’il y a des clients qui viennent dans l’espoir de réparer leur appareil mais devant l’inexistence de garantie, ils se retrouvent obliger de payer et, par exemple, pour un écran, la réparation coûte environ 30% du prix du mobile. S’il avait acheté un produit légal, il n’aurait pas eu de problème en cas d’imprévu puisque la garantie est d’une année. Nous avons aussi un centre de service pour régler les problèmes des clients en 48 heures. Ce qui est la norme internationale. S’il s’agit d’un appareil haut de gamme, on donne au client un autre appareil de dépannage le temps qu’on répare le sien”.
Face à cette situation, il est clair que l’émergence d’une véritable culture de consommation est nécessaire pour l’assainissement du secteur. Le grand mal réside essentiellement dans les dysfonctionnements du commerce dans la téléphonie mobile. Dans les autres pays, le marché informel se concentre essentiellement dans les souks et bazars mais en Algérie, il représente près de 50% de l’activité commerciale.
Source: Liberté