Distribution officielle VS Grey Market : où consommer intelligent ?


On estime à 500 000 le nombre de téléphones vendus dans le monde en dehors de leurs circuits de distribution autorisés chaque jour.


Dans la vie, tout n’est pas noir ou blanc. Sur le marché noir, des produits plus ou moins légaux s’échangent par les circuits de  le black et le tout-réglementaire, il y a un monde : le marché gris. Le « grey market » n’est pas illégal. Pour autant, les produits que l’on y trouve suivent des réseaux de distribution non agréés par les fabricants, et les TIC y occupent une place toute privilégiée. Il n’y a pas si longtemps, il s’agissait de rendre accessible au consommateur algérien des produits autrement inexistants, et ceci est toujours vrai pour des produits aussi familiers que l’iPhone, ou les consoles Nintendo. Cependant, l’arrivée des multinationales sur le marché a fondamentalement modifié le rôle de la « valise ».

Le grey market propose en effet au consommateur des biens qu’il trouvera aussi chez les distributeurs officiels, on comprend alors que son cheval de bataille ne soit plus la disponibilité du produit, mais son prix. Le grey market existe tout simplement parce que les prix des mêmes produits connaissent de grandes disparités entre les pays. Certains flairent donc le filon et jouent sur ces différences de prix, ce qui explique qu’un distributeur non autorisé vous proposera un téléviseur, un téléphone, ou un ordinateur tout ce qu’il y a de plus « original », moins cher que le fabricant et ses distributeurs. Il ne faut pas perdre de vue que l’objectif du revendeur gris est d’abord de maximiser son bénéfice, il ne faut donc pas s’attendre à des différences de prix énormes. Si vous croisez un téléphone 3 fois moins cher que celui vendu chez le distributeur officiel, il ne s’agit plus de grey-market, mais plus vraisemblablement de contrefaçon! De surcroît, et c’est bien ce qui maintient le grey-market aussi vivace, le consommateur lui-même méconnait la façon dont a été distribué le produit.

Culturellement, « ça vient de la valise » est même un argument de vente pour certains. Les facilités que rencontre le marché gris ne l’encouragent pas à pratiquer le plus petit prix possible, mais bien la plus petite différence de prix possible par rapport à l’officiel. Une différence de tarif plus psychologique qu’économique. Les distributeurs officiels bénéficient ainsi de signes extérieurs d’autorisation par le constructeur : diplômes, macarons, filigranes sur les boites de produit attestant de leur destination au marché algérien. Les indices sont visibles…pour ceux qui les cherchent.

Du point de vue du consommateur, où est-il préférable de dépenser son argent ? Acheter chez un distributeur agréé ou opter systématiquement pour le prix le plus bas, vu qu’il s’agit du même produit ? Distribution officielle VS Grey Market, c’est un match en 5 rounds :



Round 1 : la qualité du produit


On pourrait penser que ce premier round débouchera sur un ex aequo. Après tout, les produits vendus sur le grey-market sont aussi des produits vendus par le fabricant, bien qu’il les destine à un autre marché…et justement ! Prenons un Android Phone par exemple. Selon Raouf Askouri, responsable GSM chez Samsung, les produits destinés au marché algérien sont optimisés pour ce dernier. Les langues présentes par défaut sur Android diffèrent d’une région à une autre, et il se trouve que l’arabe et le français, les deux langues utiles au consommateur algérien, ne cohabitent pas par défaut sur Android. Il a donc fallu que des équipes locales adaptent le produit aux besoins locaux, fassent des tests, et garantissent la qualité du rendu final.

Il en va de même en ce qui concerne le passage vers des versions plus récentes du système, un produit acheté chez un distributeur agréé par Samsung sera pris en charge dans ce sens, alors qu’il faudra mettre la main à la pâte pour opérer soi-même ces changements. Ces quelques différences sont souvent mineures, mais il arrive que le produit vendu chez le distributeur officiel soit effectivement plus adapté. Ce n’est pas une victoire par KO, mais la distribution officielle gagne ce round.


Round 2 : le prix


L’argument majeur du grey market. C’est souvent « un peu » moins cher sur le marché parallèle, et pour cause, pourquoi réduire les prix de façon significative si le consommateur ne va pas par défaut chez le distributeur officiel? Pour citer un exemple, une console PS Vita est vendue chez Sony à 39 950 DA, et vous pouvez la trouver à 39 500 DA dans les magasins spécialisés. On est à une différence de prix de 1%, mais le grey market peut proposer des tarifs effectivement plus avantageux. Des téléviseurs vendus autour des 150 000 DA se trouvent sur Internet à moins de 700 euros, ce qui, même en achetant l’euro à 150 DA au marché noir et en incluant les frais de port par (grosse) valise, permet au vendeur de proposer au final le même produit 10% moins cher (en gardant une bonne marge).

Ces deals se trouvent essentiellement sur les sites de petites annonces. Les bonnes affaires sont toutefois rares, cachées dans un « marché de l’occasion » assez particulier, où ne se vendent que des produits « sous emballage ». Sur le round du prix, la victoire du grey market ne se vérifie donc qu’en de rares occasions, mais le marché parallèle l’emporte.


Round 3 : la garantie


Le sujet qui fâche. La garantie n’existe que très rarement sur le grey-market, qui existe sous une forme elle aussi clandestine. Le vendeur en magasin peut vous faire un bon, et accepte de garantir le produit 2 mois, en spécifiant que si le disque dur que vous venez d’acheter au marché gris tombe en panne à cause d’une chute de courant, il ne sera pas remboursé. Même chose pour les vendeurs de consoles de jeu, la garantie est souvent à la tête du client, et relève plus de la négociation qu’autre chose.

Les distributeurs du grey prennent pour eux les promesses de garantie qu’ils donnent à l’acheteur, mais en cas de pépin, ce dernier n’a aucun recours, et n’obtient que rarement réparation. Toutefois, les vendeurs préviennent souvent que le produit n’est pas garanti, notamment quand il s’agit d’écouteurs, de périphériques de stockage, ou de produits contrefaits. Les fabricants ont bien compris l’importance stratégique de la garantie sur les produits qu’ils vendent. Yacine Khellaf, General Manager de GH Multimédia, le distributeur officiel de Sony en Algérie, nous exposait l’éventualité où le client achète un beau téléviseur…puis l’endommage en le montant dans les escaliers. S’il l’a acheté au marché gris, il vient de perdre un petit pactole en essayant d’économiser quelques centaines de dinars… A méditer. La distribution officielle remporte évidemment le round.


Round 4 : la disponibilité


Les réseaux de distribution du grey market actuel sont la continuité de ceux qui existaient avant l’apparition de la distribution officielle. Ils se sont fondés sur le principe même de la disponibilité des produits. Cet avantage est toutefois aujourd’hui obsolète, les délais de latence entre la sortie internationale d’un produit et sa disponibilité sur notre marché se raccourcissent, et les gammes proposées par les constructeurs intègrent l’essentiel de ce qu’attend le consommateur.

Bien sûr, tous les modèles qui sortent ne sont pas destinés à se retrouver en vente chez nous, et le grey market pourra toujours s’enorgueillir de proposer des tablettes Archos ou des Samsung Galaxy Beam, non disponibles sous nos cieux. Toutefois, ces produits demeurent marginaux, et c’est bien l’iPhone qui reste le meilleur exemple en la matière. En ce sens, léger avantage au grey market sur ce round.


Round 5 : le service après-vente


A partir du moment où le distributeur officiel ne peut lutter ni sur la nature du produit, ni sur son prix, il compense en mettant le paquet sur le service après-vente. Centres d’appel, centres de maintenance, formations, cartes de fidélité, il y en a même qui récompensent l’acheteur en lui offrant des cours de cuisine gratuits! Les constructeurs ne manquent pas d’originalité pour maintenir un lien privilégié avec le consommateur, et cela passe par un service après vente performant.

Il est clair que les prestations après vente sur le marché gris ne suivent absolument pas. Il est tout aussi difficile de se renseigner sur le produit auprès de vendeurs qui n’ont pas subit de formation produit, et répondent hésitants, lorsqu’on aborde des questions techniques. Le round du SAV est remporté haut la main par la distribution officielle.


En conclusion, il est souvent plus sûr d’acheter chez le distributeur officiel, notamment lorsque l’on compte sur un accompagnement, des mises à jour, ou une garantie sur le produit. De surcroît, la différence de prix entre le grey market et l’officiel est souvent minime, et faites particulièrement attention aux vendeurs qui vous renvoient au constructeur pour bénéficier de la garantie : « nous, on distribue leur produit, mais la garantie c’est à leur niveau ». Il faut alors exiger une documentation qui vous protège concrètement, et un bon d’achat griffonné rapidement n’en est pas une. Pour qu’un produit distribué sur le grey market vaille la peine, il faut que l’économie qu’il procure soit réellement significative par rapport au prix du produit. Dans cette situation, tout est question d’apprécier le rapport bénéfice/risque.


ZIOUCHI Oussama