Téléphone mobile et réseaux sociaux: de l'engouement passager à la dépendance

De plus en plus d’Algériens sont devenus accros aux réseaux sociaux et au téléphone mobile. Rares sont ceux qui peuvent se passer de lire et d’envoyer des SMS en permanence en une seule journée, consulter les e-mails ou jouer à un jeu vidéo. Ce sont généralement les premiers symptômes qui peuvent mener vers la cyberdépendance. Certains ont même un sentiment de vide, de dépression, voire d’irritabilité lorsqu’ils sont privés d’un ordinateur. Naviguer provoque ainsi un sentiment de bien-être. Alors à ce stade, peut-on parler de simple habitude ou d’une dangereuse dépendance ?



Le débat entre spécialistes de la question est loin d’être tranché. Chacun a ses arguments. En fait, les objets communicants ont donné naissance à un nouveau rapport à la consommation : il est question de fréquence d’utilisation plutôt que de dépendance pure. Cette nouvelle évolution de l'informatique a modifié l mais également le rapport des hommes avec les objets. Pour Lynda, une étudiante à l’université d’Alger, « le téléphone  de soi. Je l’utilise en n’importe quelle occasion, y compris pour prévenir que j’arrive à un rendez-vous  Sortir mon téléphone portable  et appeler quelqu’un est devenu même une habitude ». Pour Sofiane, look d'un branché du Net, cadre dans une entreprise publique, il s'agit bel et bien de dépendance vis-à-vis des SMS « le GSM est perçu comme un objet de prestige et de reconnaissance sociale qui doit être montré et utilisé surtout si on possède un smartphone. Mais pour moi, c’est l’outil de communication par excellence ».

Les SMS, un marché en forte croissance

Deux autres facteurs militent en faveur de cette opinion : les messages envoyés sont nettement moins chers à l’utilisation que l’appel téléphonique et l’envoi d’un SMS reste discret et compatible avec l’exercice d’une autre activité (suivre un cours, participer à une activité de loisirs: télévision, musique, cinéma ou même surfer sur le Web). Il peut être plus intéressant d’envoyer un SMS que de passer un appel si les deux modes de communication permettent de faire passer le même message. Les offres des trois opérateurs (Djezzy, Mobilis et Nedjma) et les promotions qui se suivent à un rythme régulier ont permis de maîtriser le budget. Au regard des bilans des opérateurs, les SMS représentent un marché en forte croissance. Passée la phase de l’engouement passager pour une nouveauté, les jeunes basculent sans transition dans l’accoutumance. Des sources médicales signalent des «douleurs articulaires des doigts» à force d’utiliser des SMS. Des scientifiques belges ont démontré que ces textos «empêchent de nombreux adolescents de faire des nuits complètes ! ». L'addiction au téléphone portable « en apparence bénigne peut du fait de répercussions à court et à moyen terme (dépenses excessives, conflits familiaux, difficultés scolaires), s’avérer source de souffrance psychologique. La famille, les professionnels de santé de l’enfance et les pouvoirs publics doivent redoubler de vigilance face à l’émergence de ces nouvelles addictions », a mis en évidence une étude du journal La Tunisie Médicale (2010).

Ainsi, le téléphone mobile est devenu après des années d’adoption en Algérie un objet qui a révolutionné les modes de communication et nous ne pouvons plus nous en passer : abolition des distances, ivresse de l’ubiquité en zappant d’un appel à l’autre et décloisonnement des frontières entre identité intime, identité privée et identité professionnelle. La preuve de cette dépendance: nous rebroussons vite chemin en cas d’oubli du téléphone à la maison ou nous nous empressons d’aller en acheter un autre en cas de vol ou de perte.

Impossible de vivre sans téléphone !

Catherine Lejealle est docteur en sociologie, ingénieur télécom et enseignant-chercheur à Telecom Paris Tech. Elle a écrit deux livres (La télévision mobile) et (Le jeu sur téléphone portable). Dans un entretien publié sur le site web de 20 minutes.fr, elle souligne : « les effets sont rarissimes : il y a le no life qui n'a plus de vie sociale donc plus de lien avec les autres, toute la vie se passe devant l'écran ou alors au contraire, tout le temps au bout du fil. Mais encore une fois, c'est marginal ». Elle pose une question pertinente: « Quel est le sens de cette quête en avant ? Quel est le sens d'un ami sur Facebook si on ne partage rien dans la vie réelle? Exister reviendrait à dire qu'on a plus d'amis, la quantité primerait sur la qualité ». La dépendance à l'outil vient aussi du fait qu'il concentre de plus en plus de fonctions : on se parle, on prend des photos, de la vidéo, on enregistre des entretiens, on navigue sur le Net, tout cela en même temps.

82% des internautes dans le monde accros aux réseaux sociaux

Les Algériens suivent la tendance mondiale. D'après une récente étude du cabinet Comscore, 82% des internautes (soit 1.2 milliard de personnes) dans le monde consultent les réseaux sociaux. C’est en moyenne 1/5 de leur temps qu'ils passent sur ce type de sites. Les jeunes âgés entre 15 et 24 ans demeurent ceux qui se connectent le plus souvent à Facebook et compagnie (84%) alors que les plus de 55 ans commencent sérieusement à s'intéresser de plus en plus à ces réseaux. La fièvre de Facebook a atteint les internautes algériens. C’est ce qu’a révélé l’étude Webdialn@ de manière frappante. Ce ne sont pas moins de 32% des internautes qui déclarent se connecter pour accéder aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, plus besoin de passer par le téléphone fixe ou laisser un message sur le répondeur pour avoir des nouvelles. Une connexion à haut débit de quelques minutes à n’importe quel moment de la journée permet de se tenir au courant des activités de ses amis sur les réseaux sociaux, particulièrement sur Facebook et de prendre de leurs nouvelles, même s'ils ne sont pas en ligne. Imaginez le développement attendu si la 3 G devenait une réalité en Algérie !

Dans une société où tout doit être su et diffusé, les Algériens s’affichent de plus en plus sur le Net. Ils y consacrent plusieurs heures comme pour rechercher une évasion ou bien rechercher ce qu’ils n’arrivent pas à avoir dans la vraie vie (l’âme soeur par exemple). Il y a aussi le manque de loisirs et de consommation culturel qui jette les Algériens dans la Toile. Utiliser les réseaux sociaux est aussi un élément essentiel pour se faire connaître sur Internet, faire grimper sa popularité, augmenter de manière significative le nombre de visiteurs sur son site. Cela est surtout valable pour les entreprises et les sociétés. Plusieurs d’entre elles ont d’ailleurs investit le réseau comme : Samsung Mobile Algérie pour faire connaître les nouveautés, Renault Algérie pour procurer de l'émotion à profusion avant la décision d’achat d’un véhicule, Hilton Alger pour améliorer son image dans le secteur de l’hôtellerie haut de gamme, Alliance Assurances pour augmenter sa clientèle dans un secteur concurrentiel,... Dans ce cas, on parlera plus de visibilité et de campagne nécessaire au business que d’une addiction.

N'TIC 62 / Kamel RAHMOUNI