Dans le cadre du Digicloud Africa, un événement qui a réuni en mars dernier dans un format virtuel des experts mondiaux dans le domaine du cloud, de la data et de la cybersécurité autour du thème de la transformation digitale, N’tic Magazine s’est entretenu avec M. Xavier Poisson-Gouyou Beauchamps, Vice-président, Worldwide Service Providers business & Cloud28+ chez Hewlett Packard Enterprise (HPE). Il revient, dans cet entretien, sur l’importance du cloud dans la transformation digitale et l’intérêt de mettre en place, au niveau panafricain, une plateforme digitale rassemblant les acteurs de ce secteur.
Dans chacune de vos interventions médiatiques vous parlez de la plateforme digitale Cloud 28+. C’est quoi son concept ?
La plateforme digitale Cloud 28+ propose aux providers de décrire leurs services, aux éditeurs de logiciels de publier leurs solutions et aux intégrateurs de faire montre de ce qu’ils savent faire. Cette plateforme n’a pas vocation à commercialiser mais à informer le client pour qu’il puisse voir les offres disponibles et, à travers des vidéos et d’articles des différents intervenants du marché, s’informer des modalités et comprendre l’intérêt du cloud.
L’intérêt de cette plateforme digitale, pour ses utilisateurs, est de casser le tabou de la « non connaissance » qui est le principal obstacle à l’adoption du cloud. Pour les fournisseurs, elle leur permet, en se rassemblant, de présenter leurs offres et de trouver des partenaires.
Aussi, en se rassemblant autour d’une telle plateforme, cela va baisser les coûts marketing de tout le monde, puisque c’est la plateforme qui s’exprime au nom du groupe.
Faut-il envisager une telle plateforme pour l’Afrique ?
Je pense que c’est l’une des choses qu’il faudra faire pour promouvoir l’utilisation du cloud en Afrique. La plateforme Cloud 28+ qu’on a créée pour HPE et ses partenaires n’est, à première vue, qu’un code informatique. Mais qui sert à rassembler l’offre et la demande autour du cloud pour une entreprise, un gouvernement, une organisation, etc. Cette plateforme digitale est, en outre, d’une importance capitale en ce sens qu’elle permet d’accélérer l’usage des technologies.
Il faudrait donc absolument mettre en place, au niveau panafricain, une plateforme digitale qui permette non seulement d’exposer les services de cloud mais aussi pour faire comprendre le pourquoi et le comment de ces services pour que les gens, les entreprises, les gouvernements puissent en comprendre véritablement les enjeux et mieux s’informer sur les services disponibles dans un pays, un continent et à l’échelle mondiale.
Qu’est-ce que le cloud va apporter aux entreprises et aux Etats ou comment les convaincre d’aller vers le cloud ?
Nous considérons que le cloud est une expérience et non une fin en soi. Il faut d’abord savoir ce que c’est le cloud, parce qu’on a tendance à galvauder un peu le terme. Pour moi, le cloud est une expérience de consommation de ressources informatiques orchestrées, qui sont basées sur un ensemble d’infrastructures, connectées au réseau, mesurées et mesurables, payées à l’usage et qui sont élastiques ; c’est-à-dire qu’elles peuvent augmenter ou diminuer automatiquement selon la demande.
Il y a différents types de clouds : Le cloud privé et le cloud public. Dans le cloud privé, c’est une entreprise qui va mettre en place ses attributs pour qu’elle ait une expérience informatique en mode cloud. Pour les clouds publics, c’est une entreprise qui va mettre en place ce dispositif pour servir beaucoup de clients. Ces derniers vont ainsi utiliser en mode cloud les ressources informatiques ainsi mises à leur disposition par un fournisseur qui propose de l’Infrastructure as service, le Software as a service, la Plateforme as a service, etc.
Aujourd’hui, avec la digitalisation et la transformation digitale des pays, nous constatons que les produits physiques qui s’échangeaient avant se transforment. Je me permets de vous citer l’exemple des appareils de radiographie que je prends souvent pour illustrer ce phénomène. Avant, les appareils de radiographie étaient une sorte d’appareil de prise de photos. Aujourd’hui c’est différent. Bien évidemment, c’est toujours l’appareil « physique » qui prend les photos, mais c’est beaucoup de logiciels qui gravitent autour pour faire fonctionner la machine, générer des statistiques, établir le diagnostic, développer et digitaliser la photo de telle manière à ce qu’on puisse l’utiliser différemment. Ainsi, le cloud va permettre de mieux traiter efficacement les données qui sont issues d’appareils ou d’applications pour que cette donnée ait un sens.
Quels rôles doivent jouer, selon vous, les entreprises locales dans la mise en place d’infrastructures cloud ?
Nous considérons chez HPE qu’il faut créer des cloud avec des acteurs locaux afin que la donnée et sa valorisation restent la propriété du pays pour dégager une croissance du PIB. Je ne parle pas de datacenters, mais bien de cloud qui appartiendrait à l’Algérie, par exemple, pour que l’économie de la donnée qui y est créée reste dans le pays.
A l’échelle du continent africain, le nombre de datacenters représente probablement 2% de ces infrastructures au niveau mondial pour une population de l’ordre de 1,4 milliards de personnes, soit 17% de la population mondiale. C’est dérisoire lorsqu’on voit l’explosion de la donnée et son impact sur la croissance économique. Ceci, d’autant plus que le commerce intra-africain n’est que 17% alors qu’il dépasse les 60% entre les pays européens.
L’explosion de la donnée et son potentiel de création de valeur économique doit inciter les pays africains à fédérer leurs infrastructures cloud. Ceci passe d’abord par une densification du maillage du réseau de télécommunication au niveau africain pour une utilisation effective du cloud.
Ensuite, les Etats africains doivent avoir une stratégie politique, élevée au rang de priorité nationale, allant dans le sens de l’utilisation des données pour générer de la croissance. Donc, je pense qu’il faut qu’il y ait une prise de conscience de la nécessité d’aller vers le déploiement d’infrastructures de cloud et du numérique, dans le cadre de partenariat public-privé.
Un des freins à l’adoption du cloud est la sécurité des données. Ce paramètre doit être sérieusement pris en considération, en mettant en place des infrastructures informatiques qui soient éprouvées et sécurisées.