L’actuelle société algérienne est en pleine mutation, notamment du fait que la nouvelle ère de communication, permet à de nombreuses personnes de s’envoyer quotidiennement des photos et des vidéos en toute facilité et sans rencontrer aucun obstacle.
Le monde connecté touche toutes les classes sociales et a aussi affecté les relations entre des personnes, des groupes, des générations, et même des nations. Aujourd’hui, la croissance spectaculaire des réseaux sociaux a envahi le monde tout entier. Les médias sociaux sont constitués de l’ensemble des plateformes digitales accessibles par Internet (web et applications). Les réseaux sociaux (de Facebook, d’Instagram, de YouTube) constituent aujourd’hui un support incontournable lorsqu’il s’agit de réaliser une action de marketing ou publicitaire concernant une marque. Les medias sociaux et les réseaux sociaux sont des moyens de communication qui nous entourent quotidiennement et sont intiment liés. Selon le petit Robert, le réseau social « est un groupe de personnes lié par des goûts, des intérêts communs ». Il convient toutefois de distinguer les réseaux sociaux du « grand public » de ceux des entreprises. Les réseaux sociaux permettent de s’affranchir des distances, ce quelle que soit la position géographique de l’utilisateur. Les applications à destination du grand public, comme Facebook, twitter, Instagram, Tik Tok, Snapchat, ont des objectifs spécifiques ; par exemple Instagram est plutôt consacré à l’échange de photos, alors que certains autres ont des objectifs différents, comme par exemple Linkedin, ou Viadeo dont la visée est professionnelle, etc. La question qui m’intéresse ici est celle de savoir quel est l’impact des réseaux sociaux sur les comportements des adolescents algériens. L’on peut se demander si les réseaux sociaux sont susceptibles d’influencer les choix de ces derniers. Comment agir face à ce monde connecté, envahi par les réseaux sociaux, les applications ? Il semble que le moment soit venu d’agir et de contrôler ce monde connecté, c’est pourquoi, à mon avis, le sujet des réseaux sociaux numériques et celui des comportements des adolescents algériens méritent une étude sociologique visant à déterminer quelles sont les limites des réseaux sociaux. Ce thème m’a amené à m’orienter vers une analyse qualitative, après avoir mené certains entretiens auprès de diverses catégories socioprofessionnelles, appartenant à différentes tranches d’âge.
J’ai été amené à choisir d’examiner ce sujet suite à plusieurs débats que j’ai pu avoir avec des parents d’élèves, des enseignants, des éducateurs, des surveillants d’établissements scolaires, des lycéens etc. Ainsi, lors d’une discussion informelle avec ISSAM, un professeur de mathématiques au lycée, celui-ci a précisé que l’« on n’a pas bien exploité les réseaux sociaux, les élèves d’aujourd’hui perdent énormément leur temps sur Messenger, snapchat, facebook, instagram, tiktok… le grand problème c’est qu’ils te perturbent lorsque tu présentes ton cours. Je suis dans ce métier depuis 21 ans, ce n’est pas du tout pareil, ce n’est pas la même génération, si je te raconte des trucs, tu ne vas pas me croire, maintenant la société est complètement à l’envers » Il a aussi ajouté « normalement, avec les réseaux sociaux, on est censé acquérir de nouvelles informations, mais malheureusement ce n’est pas le cas aujourd’hui avec les élèves auxquels j’enseigne, qui sont complètement envahis par ce monde virtuel. En classe, ils se permettent même d’utiliser leurs téléphones, de prendre des photos, s’envoient des messages. Ce qu’il est important de retenir c’est que pour les adolescents d’aujourd’hui le temps n’a pas sa propre valeur [1]».
A/ Les adolescents algériens, les réseaux sociaux et la société algérienne d’aujourd’hui :
La croissance remarquable des réseaux sociaux en est venue à transformer les règles du jeu de toutes les sociétés, y compris de celle algérienne, elle a affecté les individus tout comme les entreprises. Ce monde connecté a également changé les règles traditionnelles de l’économie et de l’industrie. Les réseaux sociaux touchent une grande partie du public de 10 à 35 ans. La génération née à partir de 2010 se distingue par cette culture numérisée, hyper connectée. La société numérique a certainement pour objectif d’ouvrir naturellement les jeunes à la culture. Ces derniers peuvent accéder à ce monde numérique en seulement quelques clics, ce qui ne signifie pas pour autant que tout le monde en profite équitablement. D’après Malek, un éducateur spécialisé, « Cette génération a beaucoup investi dans l’univers numérique. Pour moi, les parents doivent surveiller leurs enfants et pourquoi pas proposer des instructions, des conseils afin de protéger nos enfants face à certaines applications[2] ». Les nouvelles technologies à travers les réseaux sociaux peuvent en effet engendrer certains effets. Les adultes sont donc censés s’interroger sur l’impact de cette révolution numérique, surtout quand on sait que les ados peuvent accéder gratuitement et sans faire le moindre effort à ce monde et cette révolution numériques. Les personnes que j’ai interviewées ont souligné le fait que la plupart des adolescents se lèvent tôt et se couchent tard pour naviguer sur le net. Selon eux, cette génération est hyper connectée. Comme l’a affirmé Malek « Cette génération, ce sont des enfants du numérique. Elle passe son temps à jouer, chatter, à regarder des vidéos sur YouTube, s’amuser à publier des commentaires sur Facebook et y poster un selfie ». D’après notre enquête pour essayer de comprendre ce qu’ils font les adolescents sur les réseaux sociaux, et aussi pourquoi ils aiment s’y connecter, et pour quelle durée, nous avons constaté que la moyenne dépasse largement plus de 6 heures par jour, pendant la période scolaire et encore beaucoup plus pendant les vacances. D’après Ramzi, un lycéen, «[…] moi, je ne peux pas rester sans internet, chaque jour, je me connecte sur les réseaux sociaux, surtout sur Tik Tok et Snapchat, je mets des heures et des heures. Ça m’amuse quand je regarde des vidéos, j’envoie des photos aussi. Je sais que je ne gagne rien, mais ça me défoule quand même. Dans mon village n’y a plus rien à faire... ».
C/ Faire face à cet impact des réseaux sociaux sur les ados :
Nous avons pour objectif de travailler sur ce sujet en vue de proposer des solutions, donner des conseils aux adolescents et aux parents face aux réseaux sociaux. Ces conseils, à mon sens, ne sont ni prescriptifs, ni exhaustifs. Notre première recommandation consiste donc à dire qu’il faut contrôler, ne serait-ce que de loin, l’utilisation de cette nouvelle technologie (TIC)[3]. Deuxièmement, il est temps de favoriser le dialogue avec les ados, la communication entre les parents et leurs enfants. Troisièmement, il s’avère nécessaire d’encourager la création de cercles de débats au niveau des institutions, des associations, ce afin de sensibiliser les adolescents, mais aussi les parents, à ce monde connecté des réseaux sociaux qui pourrait éventuellement engendrer des effets néfastes sur les adolescents. Mais, il convient, en même temps d’éviter les confrontations avec les adolescents du numérique, parce l’on ne peut négliger l’approche positive des activités numériques. Il ne s’agit donc pas ici de se contenter d’exposer les limites des réseaux sociaux. Les adolescents ont, en effet, besoin d’être à jour en ce qui concerne les nouvelles technologies. Ce que l’on peut affirmer, c’est qu’il existe des méthodes et des moyens permettant de les sensibiliser aux bonnes pratiques des réseaux sociaux. Il s’agit, par exemple, de leur montrer les « limites d’internet » : la fatigue oculaire au numérique, la perte de temps, vivre dans le monde virtuel, la violence de certaines vidéos, des échanges sans aucun intérêt, des symptômes dépressifs et anxieux, et la vulgarité de certaines images. On doit faire prendre conscience aux parents de la dépendance de leurs enfants aux smartphones et tablettes. Par exemple, ils peuvent poser à leurs enfants des questions du genre : est-ce que tu préfères rester à la maison connecté ou faire une sortie ou un voyage ? Qu’est-ce que tu as appris aujourd’hui ? Si tu n’as pas d’internet qu’est-ce que tu comptes faire ? Tu préfères rester connecté ou pratiquer une activité de loisir ? Quel genre d’applications as-tu téléchargée ? Quel est que l’intérêt de telle ou telle application ? Laquelle est-ce que tu préfères et pourquoi ? Tu ne penses pas que parfois on perd beaucoup de temps sur les réseaux sociaux ? Peux-tu m’apprendre quelque chose d’intéressant sur les applications que tu as déjà téléchargées ? Mais, il est préférable ici d’éviter des questions critiques au sujet de leur utilisation des réseaux sociaux, car un enfant aura du mal à accepter ce genre de critiques. C’est pourquoi il s’avère intéressant de lui laisser une certaine marge de liberté afin qu’il puisse se rendre compte du temps qu’il a passé sur les réseaux sociaux. On peut aussi lui demander si son activité numérique affecte son travail scolaire, son sommeil, ses relations personnelles, sociales (amis, familles, toute sorte de relations, entre autres avec les parents…). Ce qu’il est également important de retenir, c’est qu’un adolescent ne connaît pas forcément l’aspect juridique des réseaux sociaux et qu’il s’avère donc nécessaire de le sensibiliser à certaines pratiques ou aux enjeux juridiques. Dans cette optique, il faut les interroger sur la façon dont ils perçoivent les conséquences des vidéos et images mises en ligne, des commentaires, des photos, des accusations, des téléchargements illégaux, des insultes, des propos mal placés, des mensonges etc.
Karim, un surveillant de 45 ans, nous a expliqué qu’ « il y a à peine une vingtaine d’années, on vivait super bien, ni tablette ni rien du tout, ni Instagram, ni Tik Tok. On vivait impeccable, sans internet, on était aussi bien. La génération d’aujourd’hui est complètement différente de la nôtre, il est vraiment difficile de communiquer avec elle, et de la convaincre des bonnes pratiques et des bons usages des réseaux sociaux. Chaque fois que j’essaie de le faire, ils me disent « toi, tu vis dans une autre époque, tu n’es pas de notre génération »[4] ». Il me semble qu’il existe des moyens et des méthodes qui permettent de convaincre cette génération habituée à se connecter sur l’ensemble des réseaux sociaux. La formulation des questions, par exemple, joue un rôle important ; ainsi, au lieu de dire : « Vous passez beaucoup de temps sur Internet », vous pourriez demander : « Qu'est-ce que vous faites de si intéressant sur Internet ? ». Il faut maîtriser la pédagogie des enjeux auxquels fait face cette catégorie d’adolescents, ce en vue de les encourager à apprendre des choses intéressantes, ainsi qu’à acquérir des compétences pratiques et techniques spécifiques. Il s’agit de leur apprendre des techniques de retouche des photos, de leur montrer le but de l’utilisation de Skype, Zoome, de leur expliquer comment utiliser des réunions en ligne, participer à des débats, des conférences en ligne, faire des formations à distance. Il faut aussi leur dire qu’en dehors de cet univers numérique, ils pourraient également animer des soirées, faire des promenades, des excursions, participer à des repas de famille, des jeux de société, des activités sportives, aller au restaurant, etc. Il faut savoir proposer des loisirs qui favorisent le partage d’expériences dans le monde. On doit accorder une grande attention au contrôle des activités numériques des adolescents et leur donner des conseils simples et faciles à appliquer. Les adultes, de leur côté, peuvent raconter leurs vies quotidiennes à leurs enfants et leur montrer qu’ils vivaient bien avant l’apparition des smartphones, d’internet et des réseaux sociaux.
Par contre, il ne faut pas négliger le fait qu’un adolescent hyper connecté, peut être considéré comme une nouvelle valeur ajoutée pour les entreprises, car les jeunes d’aujourd’hui sont en mesure de s’imposer grâce à leurs maîtrise de l’informatique et leur capacité à écrire, à communiquer , tweeter, filmer, être à jour dans le monde numérique, éditer, tout cela en même temps. Cet argument est souligné par cet extrait tiré de l’entretien avec Brahim[5] qui nous a précisé « […] Heureusement, y a mes enfants qui m’apprennent des choses, car y a des choses qu’on peut faire sur internet, y a aussi des applications intéressantes, on peut mettre des trucs à vendre, on achète aussi ce qu’on veut […] ». Ces propos permettent de comprendre qu’avec cette civilisation du numérique, en particulier avec les réseaux sociaux et l’internet mobile, on voit émerger de nouvelles formes d’intelligence. On constate également que les adolescents d’aujourd’hui maîtrisent des outils informatiques avec une grande aisance. Il ne faut pas oublier que ces TIC[6] nous permettent d’accéder à presque tout, aux savoirs, aux personnes, aux ressources…
Enfin, il est vrai que l’on ne pourra pas négliger une partie des avantages acquis par le biais de cet univers numérique, toutefois, il faut sensibiliser tout le monde à ses effets négatifs, qui sont susceptibles, à tout moment, de modifier les comportements des adolescents et aussi de modifier leurs rapports sociaux, ainsi que leurs relations avec leurs parents. Enfin, je voudrais poser ici la question de savoir quel rôle ont joué l’école, les établissements scolaires, publics ou privés, en vue de sensibiliser les adolescents aux effets de ce monde numérique.
ISSAADI Abdelghani :
Maitrise en Science Politique, option «Régulation des conflits dans l’espace public » Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Master 2 recherche en Science Politique « Régulation des conflits dans l’espace public » Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Master 2 Professionnel en Sociologie « Développement social urbain et action publique », Université de Versailles, Saint Quentin en Yvelines
Doctorat en Sociologie, Université de Paris VIII.
[1] Entretien avec ISSAM. B, enseignant, âge 48 ans. Réalisé juillet 2022.
[2] Entretien avec Malek. S, éducateur spécialisé, âge 36 ans. Entretien réalisé juillet 2022
[3]TIC : Technologies de l'information et de la communication
[4] Entretien avec Karim. B, surveillant dans un collège, âge 45 ans. Entretien réalisé juillet 2022.
[5] Brahim I, chef d’entreprise, 51 ans. Entretien réalisé en juillet 2022.