PIRATAGE DES BOUQUETS SATELLITAIRES: Le début de la fin ?

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La réception par satellite de programmes télés en Algérie a connu une évolution sans précédent. Un paysage audiovisuel limité à une seule chaîne nationale hertzienne (l’Unique) et de ses chaînes (Canal Algérie et A3), a engendré une véritable frénésie des algériens envers les programmes des bouquets satellitaires piratés. Mais pour combien de temps encore?
NTIC Magazine ouvre l’enquête.

Le piratage : interdit mais toléré

Depuis quelques années, la vente libre de terminaux numériques à un prix accessible (environ 4 000 DA en moyenne) a bouleversé la donne où on a vu se mettre en place un nouveau marché parallèle. Un nouveau commerce de proximité offrant à chacun, à des prix dérisoires, l’accès aux bouquets numériques de son choix. Le piratage a pignon sur rue au nez et à la barbe des pouvoirs publics. Des revendeurs spécialisés dans la vente de matériel de réception satellite vous proposent des cartes pirates selon la marque du terminal acheté.
Pourtant, la législation algérienne est claire. Des textes de loi sur la propriété intellectuelle et industrielle existent. De ce fait, les cartes pirates qui circulent donnent accès à des programmes officiellement prohibés par la loi algérienne. Mieux, l’Algérie est le seul pays au monde où l’on place sur les vitrines des boutiques ayant pignon sur rue « Vente de cartes pirates ! » sans aucune crainte de représailles.

Un phénomène global

Cette situation n’est pas vécue uniquement en Algérie. Le piratage existe également au Maroc et en Tunisie, bien que l’ampleur du phénomène soit de moindre envergure. Même l’Europe subit ce phénomène, plus fréquent en Espagne, en France et en Italie, malgré tout un arsenal législatif dissuasif et très répressif. Aussi, un phénomène nouveau est apparu depuis quelques années: de nombreux émigrés algériens établis en Europe profitent de leurs vacances en Algérie pour acquérir des cartes pirates et les utiliser en Europe.

Tout par Internet

L’arrivée, depuis quelques années, sur le marché de cartes pirates TPS et Canal SAT, a permis aux « branchés de la parabole » de s’offrir tout le bouquet pour une bouchée de pain, et cela grâce à Internet. En effet, de nombreux sites spécialisés dans le piratage des codes d’accès ont fait leur apparition. Ces sites, créés par des hackers, mettent en ligne régulièrement et gratuitement des codes d’accès pour les bouquets satellitaires. Non répertoriés dans les moteurs de recherche et d’accès libre, ces différents sites sont une véritable mine d’informations pour tout pirate en herbe. C’est la raison pour laquelle les algériens ont pu suivre durant plusieurs années leurs programmes favoris sur les deux bouquets TPS et Canal SAT. Cependant, depuis la fusion ou plutôt le rachat de TPS par Canal SAT en 2006, les ménages algériens trouvent de plus en plus de difficultés à trouver les codes d’accès, et pour cause, les systèmes de cryptage viacess ont été renforcés par d’autres codes impénétrables, croit-on savoir.
Ce nouveau système mis en place par les ingénieurs des deux bouquets satellitaires complique la tâche des hackers dans le sens où il permet de changer de codes toutes les trois minutes.


Les hackers dans tous leurs états

Depuis le début des Championnats d’Europe des Nations (le 9 Juin 2008), les téléspectateurs algériens ne reçoivent plus de signal des bouquets satellitaires français. Pire, à l’heure où nous mettons sous presse, aucun code n’a pu être « hacké ». Un tour d’horizon des nombreux vendeurs de démodulateurs nous confirme le désarroi des algériens.
Mounir, vendeur de terminaux à El Biar explique : « J’ai bien peur que cette fois-ci, c’est la bonne ! A partir du moment où TPS a fusionné avec Canal SAT, il faut s’attendre au pire, c’est-à-dire à des triples cryptages qui changent de codes 24h/24. Les premiers à les mettre en place étaient Canal SAT et depuis, personne n’est venu à bout du code ».
« En principe, si les pirates se sont débrouillés jusqu’alors, il n’y a pas de raisons pour qu’ils n’y arrivent pas cette fois-ci encore », l’interrompt son collègue Toufik. Il faut dire que si les chaînes des bouquets satellitaires français ne seront pas décryptées, les algériens seraient dans l’obligation de s’abonner officiellement au réseau satellitaire ART et/ou El Jazeera Sports, seuls détenteurs des droits de retransmission des principaux évènements sportifs nationaux, continentaux et mondiaux, tels que la Champion’s league Arabe et la Coupe du monde de football. Ces deux bouquets proposent des abonnements à 15 000 DA en moyenne, d’autant que les chaînes analogiques européennes que l’on peut recevoir sans difficulté ont fait part de leur intention de crypter les retransmissions sportives en direct, à partir de la Coupe du Monde de 2010.

Libéraliser le secteur audiovisuel

Aujourd’hui, certains estiment que le meilleur moyen d’éradiquer le piratage est d’ouvrir le champ audiovisuel et permettre ainsi une offre abondante et de qualité de programmes télévisuels. « Les chaînes nouvellement créées auront les moyens de conclure des partenariats avec des réseaux satellitaires européens et arabes pour offrir des Packs aux téléspectateurs », indique Youcef Bellara, consultant en communication.
Signalons au passage que nos voisins marocains sont mieux lotis que nous en ce sens qu’il existe déjà une offre télévisuelle par ADSL très intéressante, regroupant une vingtaine de chaînes dont six chaînes nationales. « C’est un bon début en attendant la création prochaine de nombreuses chaînes TV privées qui seront d’un grand apport», souligne notre interlocuteur.

Une offre Canal SAT adaptée aux algériens

Le phénomène du « codage-décodage » du signal satellitaire n’a pas laissé indifférent les dirigeants du groupe Canal, propriétaire du bouquet Canal SAT. C’est ainsi qu’on a appris que Média Overseas, filiale à l’international du groupe Canal, serait sur le point de proposer une offre télévisuelle pour l’Algérie. Diversifiée et pas chère, cette offre comportera, croit-on savoir, deux volets : une offre gratuite des chaînes nationales et une offre payante ne dépassant pas 1 500 DA/ mois.
Il faut souligner que la « mésaventure » de Canal+ Horizons en Algérie a dissuadé nombre de responsables de bouquets satellitaires français à venir s’établir en Algérie. L’on se souvient que le défunt Serge Adda, ancien PDG de Canal+ Horizons, avait trouvé toutes les peines du monde pour proposer un programme qui réponde aux attentes des algériens.
Les responsables de Média Overseas sont avertis !

Par Shérazade ZAIT