Entretien avec M. Said Sebaoun, sociologue à Blida : « Les sites de rencontres sont encore peu acceptés par la société algérienne »
Beaucoup d’algériens se connectent sur des sites de rencontres afin de trouver un conjoint. Quelle lecture faites-vous de ce phénomène ?
Ce qu’il faut savoir, c’est que dans notre pays, les espaces de rencontres sont pratiquement inexistants. Même si des rencontres se font dans les universités ou les lieux de travail, cela reste des lieux où les hommes et les femmes sont obligés de se rendre pour des raisons autres que celles de se rencontrer. C’est précisément en raison de l’absence de lieux permettant aux hommes et aux femmes de se connaître que les sites de rencontres sont devenus populaires, du moins pour une certaine catégorie de gens. L’avantage de ces sites est qu’ils offrent une certaine garantie, notamment aux femmes algériennes qui restent assez réticentes quand il s’agit de rencontrer un homme dont elles ne connaissent pas les vraies intentions. Il y a, à ce propos, une réalité très importante à prendre en considération. Même si la femme algérienne s’habille généralement à l’occidentale, son corps ne lui appartient pas mais appartient plutôt au groupe. Le groupe, c’est la famille au sens restreint ou au sens large du terme. La femme algérienne endosse donc une grande responsabilité quant à la gestion de son corps et c’est aussi elle qui est responsable de l’honneur de la famille. L’idée de communiquer avec un homme par Internet est donc plus sécurisante pour elle. La question tourne donc bien autour du corps lui-même. Au moment où, en occident, le corps appartient à l’individu, chez nous le corps appartient au groupe et ne s’est pas encore libéré.
Est-ce que les rencontres sur Internet sont acceptées par la famille algérienne ?
Même si la famille algérienne a fait un certain nombre de concessions en ce qui concerne, par exemple, la possession du téléphone portable par les filles, elle reste cependant assez conservatrice. Les frères n’acceptent toujours pas que leur soeur ait une relation sur Internet. Ici, ce n’est pas l’outil qui est mis en cause mais la relation. Pour la société algérienne, aucune relation homme/femme n’est concevable en dehors du mariage. L’amitié homme/femme ne fait pas non plus partie des concepts facilement acceptés par notre société.
En l’absence de lieux de rencontres, les sites de rencontres semblent être plus adaptés à la société algérienne qu’aux sociétés occidentales…
Pas spécialement, les rencontres sur Internet ne sont pas si populaires que cela en Algérie. Il y a effectivement une certaine catégorie d’algériens qui y croit mais on reste généralement assez méfiants quant à leur efficacité comme moyen de rencontre. De plus, beaucoup de gens voient encore ce genre de sites comme des espaces de perversion.
Pensez-vous que les sites de rencontres seront plus populaires à l’avenir ou, au contraire, l’évolution de la société elle-même fera en sorte que ces sites deviennent moins utiles ?
Je pense que le nombre de personnes à la recherche des rencontres à travers Internet s’élargira à l’avenir. Cependant, il y aura toujours une certaine réticence par rapport à ces sites. (suite p.4)
Du virtuel au réel : Internet, version « love »
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