Déployer un ERP : la croix et la bannière
Faire travailler plusieurs départements d’une entreprise sur un logiciel qui couvre des besoins distincts et complémentaires est la pierre angulaire de la modernisation des systèmes d’information. Les logiciels de gestion informatique ne s’adoptent pas sur un coup de tête, ne se choisissent pas à la légère, et c’est bien souvent un parcours du combattant qui s’engage pour tous les acteurs si un minimum de préparation n’est pas accompli en amont. Loïc Chabanier, Senior Manager IT, Paris, et Sofiane Chafai, Manager IT Alger au sein d’Ernst & Young ont donc abordé la question de la réussite des projets ERP. « Beaucoup d’entreprises en Algérie ont déjà adopté un ERP ou sont en cours d’implantation ou de déploiement. Toutes (ou presque) ont rencontré des difficultés importantes ».
Nous avons déjà abordé la question de la mise à l’écart des DSI dans la stratégie globale, qui explique une partie importante des difficultés rencontrées. Le binôme Direction- Intégrateur accumule les qui pro quo, et les interventions d’éléments issus de ces deux parties au cours de la présentation permettent de dégager les principales difficultés.
ERP : le dialogue de sourds…
D’abord, la direction de l’entreprise qui peine à fixer un cahier des charges précis. L’intégrateur doit ainsi « deviner » ce que veut l’entreprise cliente. Pire encore, et bien souvent, l’entreprise elle-même n’arrive pas à identifier ses besoins de façon précise. Les collaborateurs, coutumiers des processus métiers, ne peuvent imaginer de quelle façon un ERP peut leur changer la vie, et l’intégrateur, s’il peut de part son expérience maîtriser les processus métier d’un domaine d’activité donné (disons le secteur bancaire par exemple), rien ne dit qu’il pourra aussi proposer une solution pertinente pour une entreprise qui n’oeuvre pas dans ce même segment.
Un dialogue de sourds est ainsi établi, et l’entreprise finit par signer pour une solution inadaptée, ou du moins inexploitée dans son potentiel. Ensuite, l’essentiel des responsables présents ont pointé du doigt la question épineuse du coût d’un ERP…et à juste titre. L’ERP a un coût initial qui est bien connu de l’entreprise cliente, mais les choses se gâtent quand on parle de coût global. Les factures à rallonge non prévues par l’entreprise cliente lui font ainsi crier à la supercherie, quand les besoins émis par cette dernière après le déploiement initial de l’ERP (besoins apparus par manque de cahier des charges) réclament des adaptations qui alourdissent encore davantage la facture.
Cette notion de coût est majorée par les demandes de développement spécifique qui, sans être absolument contre-indiquées, se révèlent souvent superflues, tant les solutions déjà existantes sur le marché englobent des fonctionnalités adaptées à l’essentiel des processus métier.
Moins de développement spécifique, plus de clarté dans l’énoncé des besoins, plus de participation des DSI dans le choix de la solution, et plus de formation des collaborateurs quant à l’exploitation du potentiel d’un ERP sont des pistes que nos entreprises doivent à tout prix prendre en compte pour ne pas s’enliser dans un cercle vicieux et onéreux qui éternise le déploiement de l’ERP.
« Une entreprise peut nécessiter 9 à 18 mois pour prendre une décision concernant une solution donnée », témoignait le représentant d’un intégrateur de solutions ERP. Une durée très longue pour prendre une décision qui ne profite cependant pas à la pertinence du choix en question. « Les responsables métier ont du mal à se projeter dans l’utilisation de l’ERP. L’intégrateur peut donner des pistes dans le cadre de la modélisation des processus métier », a-t-il rajouté.
Il ne faut pas perdre de vue qu’une décision éclairée ne concerne ni une solution particulière, ni un intégrateur particulier, mais bien le binôme intégrateur-solution, car le meilleur des logiciels, mal adapté, profitera moins à l’entreprise qu’une solution d’apparence moins musclée, mais parfaitement insérée dans l’activité de l’entreprise. Un ERP, ça a un coût, et ça s’entretient. De véritables compétences techniques sont requises pour les entreprises qui les déploient, rôle qu’assure le DSI, mais des alternatives moins engageantes en termes de finances et de compétences font leur apparition…