Objets connectés, la dernière révolution

Numéro dossier: 110

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Connaissez-vous Plant link, le petit objet que vous mettez dans un pot, à côté de votre plante, et qui vous envoie un tweet dés que celle-ci manque d’eau pour que vous l’arrosiez rapidement ? Et Whistle, le collier intelligent qui vous alerte si votre fidèle petit chien s’éloigne trop et qui vous renseigne sur son activité physique et même sociale ? Ou encore Egg Minder qui vous alerte sur le nombre d’œufs qui vous reste dans le frigo et leur comestibilité ? Non ? Pourtant, tous ces objets ne sortent pas d’un futur film de science-fiction réalisé par Steven Spielberg. Ils font bel et bien partis de nos vies actuelles et quotidiennes, ou en tout cas de beaucoup d’entre nous.

 

Plusieurs constructeurs développent de nos jours des objets connectés. Les plus courants touchant à la santé et la domotique. Il ne se passe plus un jour sans que des objets connectés, plus insolites les uns que les autres, voient le jour. Au point où des classements regroupant les meilleurs objets connectés sont régulièrement organisés par les différentes communautés geek de par le monde. Pour exemple, dans le TOP 5 actuel des objets connectés consacrés à l’hiver, on peut trouver un radiateur WiFi pilotable et modulable à distance, le tout avec une précision incroyable. Ainsi, plus besoin de vous lever de votre lit en cas de froid, votre smartphone à portée de main réglera le problème.

Toujours dans le thème du froid, une grande firme américaine vient de lancer le bonnet connecté. Un bonnet qui vous permet d’écouter de la musique ou de passer un coup de téléphone tout en ayant la tête bien au chaud. Certains vêtements connectés peuvent aussi vous réchauffer automatiquement en cas de froid tout comme les gants connectés qui garderont vos mimines réchauffées.

Vous retrouverez dans le même trip des objets connectés liés à l’agriculture, aux animaux, aux réseaux sociaux et même aux morts ! En effet, une entreprise spécialisée a lancé récemment un épitaphe connecté sur les tombes de ses potentiels clients. Dès qu’il détecte un passage auprès de la tombe, un message est envoyé mentionnant le nom, le prénom, la date de naissance et du décès du concerné, ainsi que son parcours.

A première vue, vous direz que ce ne sont que des gadgets après tout, pas essentiels dans notre vie de tous les jours. Mais c’était sans compter sur l’avidité et l’innovation des grandes firmes du domaine, qui amorcent une grande mue pour se développer, se professionnaliser et créer un environnement économique à forte valeur ajoutée pour ces objets connectés. Au point où ces objets vont, d’ici quelques années, devenir indispensables dans des domaines très sérieux et variés comme la santé, la domotique, l’éducation, le sport, etc.


Comment fonctionne un objet connecté ?

En fait, un objet connecté est à la base un objet à usage classique. Cela peut être un bracelet, un collier, un casque, etc. La différence est que cet objet est bourré de technologies. En plus de son usage unique, il permet de collecter des informations sur leurs utilisateurs et sur l’environnement qui les entoure. Ces informations peuvent être restituées aux utilisateurs, mais peuvent aussi être exploitées, traitées, analysées et ainsi servir aux utilisateurs. Une révolution dans le monde d’aujourd’hui. C’est ainsi que beaucoup de sportifs courent actuellement avec des chaussures intelligentes qui, non seulement permettent à leurs pieds de respirer, mais leur fournissent des données tels que le parcours emprunté, la vitesse, l’accélération, etc.

Les jardiniers aussi peuvent disposer d’objets à enfouir sous terre et qui serviront à les informer sur le taux d’humidité de celle-ci et de l’urgence ou non de l’arroser. Ainsi de suite pour toute une série d’objets hyper intelligents qui interagissent avec leurs «maîtres».


Santé, la grande guerre

La grande bataille du marché des objets connectés se jouera sur le terrain de la santé. Dans un monde de plus en plus soucieux de sa santé et paradoxalement de plus en plus malade, les objets connectés liés à la santé des personnes font fureur. Ces objets calculent votre pression artérielle, votre pouls, mesure vos performances, et vous disent même si vous avez évolué ou pas. Mieux, en plus de la collecte classique d’informations dont vous-même auriez besoin, de nouveaux services liés aux objets connectés ont vu le jour tels que les conseils de santé ou l’auscultation à distance. Une sorte de médecin virtuel et à domicile qui aurait à sa portée toutes vos données santé nécessaires à un check up sans même vous rencontrer.

L’exemple le plus probant nous vient de France où une entreprise vend des pèse-personnes connectés qui envoient votre poids et votre taille directement à des médecins qui se permettront de vous donner des conseils (votre meilleur poids, régime à effectuer pour atteindre un poids idéal,...). Un nouveau service de santé à domicile, qui est en train de prendre de l’envergure en Occident.

En gériatrie aussi, les objets connectés peuvent être utilisés. Des boîtes connectées permettent ainsi de savoir si l’on a pris ou pas son médicament à une heure précise. Plus de problème de perte de mémoire, c’est l’objet qui vous rappelle quoi prendre et surtout quand le prendre.



Danger sur la vie privée ?

Il y a tout de même des conséquences à prendre en considération. Toutes ces informations, censées être privées, ne le sont plus avec ces objets connectés. Elles sont partagées directement avec de grandes firmes. Une enquête récente en France a démontré que certains fabricants et exploitants d’objets connectés revendaient les données collectées à des organismes d’assurance. Tout comme l’entreprise qui vend les pèse-personnes connectés pourrait très bien revendre vos données à des sociétés spécialisées dans les régimes minceur. Ces dernières disposeraient dès lors de données hyper ciblées pour vendre un maximum de produits.

Pire, aux Etats-Unis, ce sont toutes sortes d’entreprises qui rachètent ces types de données santé. Ces dernières les utilisent ensuite dans leurs négociations que ce soit pour des contrats d’assurance ou lors d’entretiens d’embauche. Cela fait froid dans le dos.


La domotique et le sport : les autres grandes batailles

La domotique est surement l’autre cheval de bataille des constructeurs d’objets connectés. A ce titre, les japonais disposent déjà de réfrigérateurs qui commandent seuls les denrées alimentaires que vous avez l’habitude d’acheter en fonction de vos habitudes de consommation. Idem pour les fours qui, au fur et à mesure, connaissent l’état de cuisson le plus adapté à vos papilles. Des choses à peine croyables qui sont en passe de faire partie intégrante de sociétés telles que dans les pays asiatiques, très connectés. Il y va des interrupteurs, de la fermeture et de l’ouverture des portes, de l’arrosage du gazon, etc.

Le sport est également rentable pour les grandes firmes du domaine. Il n’est pas nécessaire de rappeler que tous les athlètes sont d’abord des compétiteurs. Soucieux de faire toujours mieux en termes de performances, ils ont trouvé dans les objets connectés leurs alliés pour s’entraîner et se parfaire. Chaussures intelligentes, montres connectées, ou bracelets connectés, tous permettent de mesurer vitesse, accélération et pouls, de faire des comparaisons avec les précédents entraînements et même avec d’autres athlètes. Des sortes de coachs privés accrochés au poignet. Une vraie révolution dans ce domaine.


En Algérie, les objets connectés ont-ils la cote ?

En Algérie, les objets connectés n’ont pas encore la cote. Ce type de gadgets n’est pas une priorité dans un pays où des besoins élémentaires ne sont toujours pas accessibles. Le potentiel est assez faible. Que rapporterait la vente de bonnets connectés alors que certaines contrées manquent de gaz et ont des difficultés à se réchauffer ? Idem pour les objets liés à la santé quand on connaît notre système de santé archaïque et toutes ses victimes.

Mais ce n’est que partie remise. Le monde des télécommunications s’en souvient. L’Algérien est très ouvert aux nouvelles technologies. L’avènement des téléphones mobiles et le boom qui l’a suivie en sont la preuve. Idem pour la 3G dont le nombre d’abonnés a connu une croissance à deux chiffres depuis son lancement, et la prochaine révolution pourrait bien être celle des objets connectés. On parie sur l’avenir...


 

Entretien avec Yacine ZERROUKI, Directeur Général d’Ericsson Algérie


L’Internet des Objets a été la grande tendance du dernier Mobile World Congress de Barcelone. Ericsson y était et y a fait des annonces majeures dans ce domaine précisément. Peut-on en savoir un peu plus ?

Lors de la récente édition du Mobile World Congress, l’IoT (Internet des Objets) a été l’un des sujets les plus abordés par toute l’industrie des Technologies de l’Information et de la Communication. Cet intérêt croissant pour l’IoT est motivé par plusieurs facteurs à savoir la maturation de technologies telles que le Cloud, analytiques et intelligence artificielles, la réduction des coûts des terminaux et des composants électroniques, et le déploiement des réseaux 5G à partir de 2020 qui permettra des cas d’usage de l’IoT plus étendus. Pour Ericsson, l’Internet des Objets représente un agent fondamental de transformation dans la Société en réseaux et l’un des principaux leviers de notre vision de 50 milliards d’objets connectés.

Au stand d’Ericsson, on pouvait voir une panoplie de démonstrations de l’IoT s’adressant aux opérateurs télécoms telles que: DCP (Device Connection Platform), une plateforme permettant aux opérateurs télécoms d’offrir aux entreprises une solution évolutive de gestion de leur parcs d’objets connectés; Service Enablement Platform, une plateforme basée sur le Cloud centrée autour des fonctionnalités OSS/BSS incluant analytiques, gestion des revenus et gestion de services et partenaires; Services de Transformation IoT, un portefeuille de services de consulting, intégration de système et de services gérés permettant aux opérateurs de définir et d’exécuter leur stratégie IoT; des solutions cellulaires comme le LPWA (faible consommation, longue portée) dont le NB-IoT (Internet des Objets en narrow band), le LTE-M (LTE pour les communications de machine à machine) et l’EC-EGPRS/EC-GSM (GSM à couverture élargie) pour le déploiement massif de l’Internet des Objets. Pour les industries, Ericsson accélère la transformation IoT par des plateformes transversales sur lesquelles on intègre des services spécifiques à chaque secteur. Ces plateformes aident à réaliser des gains d’efficacité opérationnelle et créer des possibilités d’innovation en matière de services. Notre offre IoT comprend l’infrastructure des TIC, la gestion de la connectivité, la gestion des actifs , la gestion des périphériques, et le service de gestion de l’information.


Lors du dernier CES de Las Vegas, l’enseigne Volvo a annoncé une alliance avec Ericsson pour développer la connectivité haut débit dans ses futures voitures autonomes. Où en êtes-vous ? Qu’est-ce que la voiture autonome apportera à l’utilisateur ? Quand pensez-vous qu’elle sera effective sur les routes ?

Le partenariat entre Ericsson et le constructeur Volvo sur les voitures connectées n’est pas à ses premiers jours. Il remonte à 2010 et consiste à doter les véhicules de services dématérialisés du Cloud d’Ericsson. Adossé à notre technologie, Volvo développera de nouveaux systèmes d’information et de divertissement à bord de ses voitures dont le conducteur et les passagers pourront profiter durant leurs trajets. La partie intégration de la technologie de couverture réseau sur les véhicules incombe à Ericsson alors que Volvo veillera à l’aspect sécurité et proposera un service sans danger lors de la conduite. A ce sujet, les rares accidents de véhicules autonomes recensés sont dus au fait que celles-ci respectent scrupuleusement le code de la route et donc se font percuter par des véhicules avec conducteur. De ce fait, attendons-nous à ce qu’avec un parc auto plus autonome, ces accidents, dont l’origine est humaine, n’auront pas d’autre issue que de baisser car selon le cabinet de conseil et de recherche Gartner, qui classe régulièrement nos solutions dans son Magic Quadrant, d’ici 2020, un véhicule sur cinq sur la route sera connecté à Internet.

 

L’Internet des Objets nous facilitera la vie certes, mais ne doit-on pas avoir peur d’un monde hyper-connecté ? Allons-nous vers une vie où tous nos faits et gestes seront scrutés et collectés par les grandes firmes ?

Les avantages de la connectivité sont si vastes que nous prévoyons que tout ce qui peut bénéficier d’une connexion va être connecté. Dans ce scénario, il y aura évidemment une augmentation de risques tels que la sécurité, l’intégrité des données et la protection de la vie privée. Ce sont des défis que des entreprises comme Ericsson essaient de relever en travaillant d’arrache-pied sur tous les aspects de sécurité et de confidentialité liés aux technologies et solutions que nous offrons. Nous sommes également conscients que la technologie ne peut résoudre à elle seule l’ensemble de ces problématiques. C’est pour cela que nous sommes en pourparlers avec les gouvernements, les associations et les organismes de réglementation pour discuter de la meilleure façon de s’attaquer à ces risques. Nous, comme l’ensemble de l’industrie IT, devons aussi travailler avec les consommateurs pour qu’ils sachent comment se protéger. Cela implique que nous devons tous augmenter notre capacité à comprendre les changements dans notre société et de réagir si nécessaire de façon opportune.

 

Le CEO d’Ericsson, Hans Vestberg, prévoit 50 milliards d’objets connectés en 2021. Combien y a-t-il d’objets connectés dans le monde au jour d’aujourd’hui ? Qu’en est-il de ce marché en Algérie ?

Pour nous, 50 milliards d’appareils connectés, c’est une vision de l’avenir. Selon le dernier rapport de mobilité d’Ericsson, nos prévisions pour les cinq prochaines années, soit d’ici 2021, tablent sur 28 milliards, dont plus de 15 milliards seront de machine à machine (m2m) de type appareils électroniques destinés au grand public. A mesure que ce concept se généralise, il y aura non seulement une expansion à l’échelle de la connectivité, mais plus important encore, dans son champ d’application. Les appareils seront plus efficaces et largement plus répandus, c’est un élément clé de la vision d’Ericsson de la Société en réseaux, dans laquelle la connectivité fera la différence dans toute nouvelle façon de collaborer, d’innover et de se socialiser. Il faut prévoir à ce que ce marché prenne place aussi en Algérie dès que les moyens technologiques seront réunis, à savoir le très haut débit, et dès que l’industrie qui accompagne le secteur de l’IoT suivra. Pour avoir une idée plus précise, les chiffres de Gartner révèlent que “ le marché mondial de la maison connectée atteindra 3.2 milliards d’euros fin 2015. Le nombre d’objets connectés, hors PC, tablettes et smartphones, pourrait générer 300 milliards de dollars dans le monde en 2020 ”.

Selon nous, les données de la mobilité sont sans équivoque, comme mentionné dans notre dernier rapport présenté au MWC. Au 4ème trimestre 2015, quelques 68 millions d’abonnements mobiles supplémentaires ont été enregistrés dans le monde, pour un taux de pénétration de 100%, soit 7.3 milliards d’abonnements équivalent à autant d’abonnements mobiles que de personnes sur terre. Le trafic mondial des données mobiles a augmenté de 65% entre le 4ème trimestre 2014 et le 4ème trimestre 2015. On dénombre actuellement un milliard d’abonnements LTE dans le monde, avec environ 160 millions de plus au 4ème trimestre 2015.

 

Vos solutions d’objets connectés, notamment dans l’énergie, sont-elles également pensées pour notre pays ? Si oui, de quelle manière ? Y a-t-il des projets dans ce domaine en Algérie ?

En 40 ans de présence en Algérie, nous ne cessons de contribuer par nos solutions et services TIC à des projets stratégiques notamment avec les opérateurs de téléphonie mobile, Sonatrach, le Ministère des transports, ou encore l’établissement de télédiffusion algérienne. Au plan de la connectivité en Algérie, je citerais par exemple le projet de sécurisation des ports algériens (VTMIS) dans lequel nous sommes en consortium avec d’autres partenaires et qui consiste à doter les ports d’un système d’information et de gestion du trafic des navires assurant également la sécurité et la surveillance de l’ensemble du littoral algérien. Dans le domaine de l’énergie, nous sommes également en discussion avec des partenaires pour mettre en place des solutions de réseaux électriques intelligents. Notre engagement en Algérie se fait également par le transfert de notre savoir-faire. Nous lançons régulièrement des projets d’accompagnement pédagogique avec les universités et instituts spécialisés. Une démarche qui nous permet aussi d’accueillir des étudiants au sein de l’entreprise pour compléter leur formation. Notre dernier accord du genre a été signé avec l’Institut National de la Poste et des Technologies de l’Information et la Communication pour la création d’un laboratoire 4G LTE doté des équipements d’Ericsson, le recrutement de stagiaires, et la tenue de cycles de formation et de séminaires sur les dernières innovations au profit des enseignants.