Les technologies de l’information et de la communication (TIC) sont souvent présentées par les experts comme étant la passerelle que l’Algérie doit emprunter pour impulser son développement et sortir une fois pour toute de sa dépendance « excessive » aux hydrocarbures.
Malgré le fait que les TIC's soient un véritable levier de développement économique et social, ils ont été timidement plébiscités par l'Algérie jusqu’à la prise de conscience tardive au début du 21e siècle avec le boom d’internet et la démocratisation des outils permettant d’être acteur du développement numérique. Néanmoins, même si le pays affichait à l’époque un retard très important en termes de maturité numérique, un certain nombre de projets étatiques et privés ont vu le jour. Certains furent de véritables tremplins dans la stratégie numérique de l’Algérie, d’autres n’ont malheureusement pas eu l’effet escompté et furent voués à l’échec. Bouclez vos ceintures et partons ensemble pour une rétrospective sur le meilleur mais aussi le pire du numérique en Algérie !
Les flops :
e-Algérie 2013 ou le rêve inachevé
Rappelez-vous du plan E-Algérie 2013, ce projet fort ambitieux qui avait pour objectif d’élaborer une stratégie pour le développement des TIC en Algérie dans le secteur économique, social, universitaire… et qui a été finalisé et remis au gouvernement en décembre 2008. Hélas, ce programme qui compte rappelons-le 1010 points est resté à sa phase de réflexion et de théorie. Le problème serait-il dû à son contenu ? loin de là. Selon Younes Grar, consultant expert en nouvelles technologies, le programme e-Algérie n’est pas un échec en lui-même, ce serait plutôt sa mise en œuvre qui fut un échec. D’après d’autres professionnels du secteur, l’échec d’un projet pharaonique comme celui-ci revient à sa richesse, en effet, 1010 points représentent un véritable handicap pour ce dernier. Selon eux, il aurait mieux valu avoir un projet avec peu d’objectifs mais avec des priorités précises vu que le ministère des postes et des TIC avait fait preuve de bonne volonté. Mais concrètement, le véritable problème auquel aurait fait face ce plan, est qu’il devait être réalisé avec l’implication de l’ensemble des ministères et des institutions publiques mais face à l’absence d’une structure plénipotentiaire, aucune injonction n’a pu être imposée aux ministères, et comme personne n’a voulu jouer le jeu, ce projet n’a eu que le mérite des vœux pieux mais irréalisables. Cependant, le fait que ce document existe est déjà un point très positif en soi d’autant plus qu’il s’agissait du premier plan d’envergure national relatif au secteur des TIC. L’actuel ministère des PTIC pourrait s’en servir comme support pour l’élaboration d’une nouvelle stratégie en apprenant des erreurs du passé et en mettant au point une structure chargée de piloter ce plan afin de s’assurer de sa mise en application dans l’ensemble des ministères et administrations publiques. il ne suffit pas d’avoir des projets mais de concevoir une stratégie efficace de mise en œuvre, ce qui nécessite un business plan, un budget, des ressources et surtout un contrôle régulier de sa mise en œuvre par une instance dument habilitée, disposant des compétences et de l’autorité nécessaires.
OUSRATIC I ET II, l’éternel échec ?
Le projet OUSRATIC a été lancé une première fois en 2005 mais n'a pas rencontré un franc succès. Il avait pour objectif de doter six millions de foyers algériens d'ordinateurs afin de démocratiser l'accès aux nouvelles technologies même dans les zones les plus reculés du pays. Dans l’optique de redonner un nouveau souffle à l’opération et sur la base des résultats de l’étude élaboré sur OUSRATIC, de nouvelles approches mieux adaptées aux besoins de chaque groupe de population ont été mises en place. Ces critères de choix se basent sur des considérations telles que la taille et l’importance de la population ciblée, la disponibilité des contenus spécifiques… Cette nouvelle opération à grande échelle avait proposé comme package un PC, une ligne ADSL et du contenu et avait comme objectif d’atteindre le chiffre de 50 000 bénéficiaires en 2010. Mais encore une fois, ce fut un échec. Cette fois ci, à la différence avec la première opération, c'est que ce n'étaient pas les établissements financiers qui furent responsables (vu qu’ils étaient écartés de la deuxième formule de Ousratic par Hamid Bessalah le ministre de PTIC à l’époque) même si le projet fut un véritable flop. En vérité, l’omission de taille et d’avoir occulté la capacité insignifiante et la vétusté du réseau filaire de l’époque à l’échelle nationale constituant le handicap majeur de ce genre de plan. Heureusement, aujourd’hui, un nombre beaucoup plus important que les attentes du ministère des PTIC a été atteint mais sans l'aide à ce projet.
Lacom, l’opérateur déchu
Aujourd'hui, un grand nombre d’Algériens se plaignent de la qualité de service de l’unique opérateur téléphonique et unique fournisseur internet du pays. Pourtant, souvenez-vous, début 2006, une entreprise nommée LACOM avait débuté ses opérations de déploiement de son réseau de téléphonie fixe et d’internet. Dans sa stratégie commerciale, la société proposait une ligne téléphonique et une connexion internet à un prix très abordable grâce à l’utilisation d’un réseau sans fil de troisième génération basé sur la technologie Next Generation Network. Elle offrait aussi le matériel qui comprenait un modem, un combiné et une antenne extérieure gratuitement. Tout devait aller pour le mieux pour LACOM, jusqu’à 2008 où l’aventure fut terminée. En effet, l’opérateur n’a jamais réussi à attirer plus de 20 000 abonnés, le retour sur investissement n’a pas pu se faire et cela a touché la qualité de service du réseau. Mais ce fut l’Autorité de Régulation de Postes et Télécommunication qui a mis fin à l’élan de cette société égyptienne qui n’était pas parvenue à respecter ses engagements concernant la couverture nationale prévue dans son programme opérationnel. La lacune également à ce niveau était due à la modicité des investissements de ses opérateurs étrangers qui comptaient beaucoup plus sur l’infrastructure et les financements locaux pour mener leurs projets. L’échec des investissements censés générer la révolution numérique dès les années 2000 a privé l’Algérie de réaliser un saut qualitatif des TIC dès le départ.
Blackouts et précarité d’accès internet
En juin dernier, l’un des plus gros scandales de l’histoire des TIC en Algérie éclatait. En effet, alors que personne ne s’y attendait tout un pays fut noyé dans un silence radio. Le ministère des PTIC avait décidé de bloquer internet sans aucune considération aux utilisateurs à cause d’une fuite des sujets du baccalauréat et leur publication sur le net. Heureusement, le MPTIC n’est pas allé jusqu’au bout et n’a bloqué que l’accès aux réseaux sociaux. Pourtant, grâce à la 3G les Algériens avaient pu contourner cette situation et s’en sont donnés à cœur joie dans la critique de cette décision dite radicale et qui s’est avérée inefficace. Cette fragilité de l’accès à internet peut être également illustrée par l’incident survenu l’année dernière à Annaba avec la rupture du câble sous-marin provoqué par les manœuvres d’un bateau marchand et qui a privé les internautes de plusieurs régions d’accès à internet.
FAUDTIC, une initiative
Toujours dans l’élan de promouvoir le contenu numérique algérien et la culture entrepreneuriale, un fond de développement de 7 milliards de dinars a été alloué par le gouvernement dans le but d'encourager les jeunes à créer leurs startups, ce fond était nommé FAUDTIC. Malheureusement, depuis sa création, en dépit de tous les appels à manifestation d’intérêt en faveur des porteurs de projet dans le domaine des TIC, aucun résultat ! Pire encore, la majorité des jeunes ne connaissent même pas ce fond. Ali Kahlane, PDG de la société Satlinker et membre du Cercle d’Action et de Réflexion autour de l’Entreprise (CARE) estime que depuis sa création, aucun projet n’a été pris en charge. Tous ces projets ont implosé non seulement parce que les responsables placés à la tête du secteur étaient sans feuille de route mais aussi en raison de la méfiance que ces derniers nourrissent à l’égard du privé. Younes Grar quant à lui a souligné que le FAUDTIC a été proposé dans le cadre du programme e-Algérie dans le but d’aider au développement et à l’utilisation des TIC, comme cela se fait à travers le monde. Malheureusement, en Algérie, le Fonds a été créé sans que certaines procédures ne soient suffisamment réfléchies. Selon lui, des textes juridiques permettant sa mise en œuvre immédiate n’ont pas été promulgués d’où le retard pris pour qu’il soit opérationnel. Il y a eu un certain déphasage, ce qui n’a pas permis l’exploitation du fonds convenablement. Ce qui est certain, c’est qu’en l’absence de véritables business angels en Algérie, un fond comme celui-ci doit impérativement exister, espérons que les responsables vu secteurs feront bouger les choses très rapidement.
Les tops
La démocratisation de la téléphonie mobile
Certains s’en souviennent encore, il est loin le temps où il fallait attendre jusqu’à 5 ans pour avoir une ligne téléphonique fixe ou bien connaitre quelqu’un qui connait quelqu’un pour pouvoir avoir une puce GSM. Aujourd’hui, selon l’ARPT, nous ne sommes pas moins de 45 millions d’abonnés à la téléphonie mobile contre seulement 100 000 en 2001. Cette différence revient tout d’abord à la démocratisation et l’accessibilité des prix des téléphones portables mais aussi l’entrée des opérateurs OTA et WTA dans la course avec ATM. En effet, vers 2004, date où les 3 opérateurs étaient tous installés, un boom considérable fut remarqué. Nous étions passés de 100 000 abonnés à environs 5 millions en même pas 3 années. Aujourd’hui, selon l’ARPT et avec un nombre total d’abonnés dépassant le nombre de la population algérienne, nous sommes arrivés à un taux de pénétration de plus de 109%. Dans un autre volet, celui de la connectivité internet, L’année 2014 a été l’année de l’entrée du pays dans le très haut débit Internet avec la téléphonie mobile de troisième génération 3G et le lancement de l’internet 4G LTE, ceci a boosté de façon indéniable le nombre d’internautes mobiles en Algérie. Espérons comme le dit si souvent la ministre des PTIC que ce taux de pénétration permettra le développement du contenu numérique et ne se limitera pas à de la consommation passive.
La carte Chifa, un franc succès !
Dans l’optique d’éviter à l’assuré social de longues attentes devant les guichets pour se faire rembourser au niveau des centres payeurs, ou bien de formuler à chaque acte médical une demande auprès de la CNAS. L’Algérie avait décidé de dématérialiser tout cela en créant une carte à puce capable de pallier à toute ces problématiques. Quelques années après son lancement, le constat que l’on peut faire est que la carte Chifa fut un franc succès. Le Directeur Général de la Caisse Nationale des Assurances Sociales (CNAS), Tidjani Hassan Haddam avait indiqué l’été dernier que plus de 11,5 millions de cartes électroniques "Chifa" destinées aux assurés sociaux ont été produites depuis le lancement de l'opération et dont 95% ont déjà été distribuées. Cette dernière compte trois types de cartes à savoir, la carte familiale, celle de l'assuré (individuelle) et la carte de l'ayant droit. Cette opération n’est pas encore arrivée à sa fin, vu que le nombre de bénéficiaires de la couverture sociale (assurés sociaux et ayant droits) représente environ 35 millions de bénéficiaires en Algérie.
L’ECCP à l’avant-garde pour faciliter le quotidien des citoyens
Il y’a environ une douzaine d’années et grâce à un effort d’investissement conséquent, Algérie Poste a réussi à se doter d’équipements et de systèmes à la pointe de la technologie qui ont permis une interconnexion de plus de 3500 bureaux de poste. Ceci dans le but d’améliorer sensiblement les mouvements instantanés de dépôt, de retrait et de transfert de fonds par le public et les opérateurs économiques en tout point du territoire national contrairement aux banques qui n’offrent toujours pas cette prestation à ce jour. De plus, une sécurisation de plus en plus élevée des installations, transmissions, chèques et cartes magnétiques a réduit sensiblement les actes frauduleux d’autant qu’actuellement tout mouvement sur les comptes sont notifiés par SMS aux clients. Enfin, le client peut accéder à son compte à travers le site de l’opérateur et connaitre les mouvements effectués sur son compte ou tout simplement commander un carnet de chèque. Autre point important qui mérite d’être relevé, la possibilité d’effectuer des retraits à toutes heures et 7 jours/7 à partir des distributeurs automatiques de billets.
Un contenu numérique qui se développe contre vents et marées !
Qu'on le veuille ou non, le contenu web DZ n’est plus le désert qu’il était. L’aventure fut longue, lente voir même laborieuse mais les choses avancent. La toile algérienne évolue, doucement mais surement. Des sites web tel que Ouedkniss.com, Djelfa.info, Echouroukonline… sont devenus de véritables success story et leurs valeurs sont estimées à quelques millions de dollars selon The World Startup Report, un organisme spécialisé dans les études de marché. Aujourd’hui, même si l’envergure du développement n’est pas aussi importante que celle de nos voisins marocains, l’effort y est. De plus, Même l’état travaille à la modernisation de la bureaucratie et l’enrichissement du contenu grâce à des sites comme celui du retrait du casier judiciaire, du passeport ou de la carte nationale d’identité biométriques ou encore celui de l'information sur le trafic routier, tariki. Aussi, grâce à une jeune génération hyper connectée et qui s’intéresse de plus en plus aux langages informatiques un bon nombre de petits sites voient le jour. Il est désormais possible pour l'internaute algérien de voir les pharmacies de garde dans sa ville, postuler à une offre d’emploi, et plus récemment avec le lancement du E-paiement effectuer des transactions en ligne.
Interconnexion des mairies et informatisation de l’état civil
Des longues files d’attentes et une bonne dose de stress étaient le sort inévitable réservé à l’Algérien à chaque rentrée sociale afin d’obtenir un simple extrait de naissance ou un certificat de résidence. A travers des projets pilotes visant à interconnecter les mairies et l’informatisation de l’état civil, il a été ressenti que cela facilitait non seulement la tâche des fonctionnaires pénalisés par une charge de travail démentielle, mais permet aux citoyens de retirer les documents dans les meilleures conditions possibles. Aussi, cette opération évite les erreurs humaines et autres fautes d’orthographe dans les documents précités. L’ancien ministre de l’Intérieur et des Collectivités Locales, Noureddine Yazid Zerhouni avait déclaré que cette opération a pour objectif l'informatisation des opérations d'inscription, transcription et établissement des actes au bénéfice principal des citoyens. Aujourd’hui, même face à une bureaucratie algérienne plutôt difficile, on ressent bien l’efficacité d’une telle opération.