Le secteur des TIC a été identifié, dans un contexte de crise pétrolière, comme l’un des piliers de la construction d’une économie diversifiée. Mais la production de biens et services liés aux TIC reste en deçà du potentiel d’un secteur à forte valeur ajoutée.
La contribution du secteur des TIC au PIB stagne depuis quelques années autour de 4% et elle est essentiellement constituée par les télécommunications, la téléphonie et l’Internet mobiles notamment, loin de la moyenne mondiale qui est de 6,5%.
Malgré cette stagnation, au chapitre du commerce extérieur, les choses commencent à bouger. La politique de l'Etat visant l’encouragement des entreprises à l’exportation et la création des sources de financement en dehors des hydrocarbures, commence vraisemblablement à apporter des fruits.
En 2016, la valeur d’exportation des biens TIC a augmenté brusquement par rapport à 2015, selon les données de la Conférence des Nations unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED). Après une stagnation autour de 1 million de dollars (aux prix courant) depuis 2012, les exportations algériennes de biens TIC qui englobent des catégories diverses telles que les ordinateurs et équipements périphériques, les équipements de communication, les équipements électroniques de grande consommation et les composants électroniques, ont atteint 6 millions de dollars en 2016.
Cette tendance s’est poursuivie en 2017 où ces exportations avaient atteint 10 millions de dollars. Parallèlement, l’importation des biens TIC a connu une baisse significative, selon les mêmes statistiques. De 2,787 milliards de dollars en 2015, elles sont passées à 2,440 milliards en 2016 et 2, 243 milliards en 2017.
Notons que les exportations de biens TIC ne représentaient que 0.3% des exportations globales de l’Algérie en 2017 (0,2% en 2016), alors les importations de ces biens représentaient en 2017 plus de 4,8% de la valeur globales des importations (5,1% en 2016).
Aussi minime soit-elle, cette performance est l’œuvre des entreprises locales qui se sont lancées dans l’exportation des équipements de technologie, à l’image de Condor, Iris et Bomare Company (Stream System), mais aussi des entreprises comme HB Technologies, spécialisée dans les solutions informatiques et électroniques à base de cartes intelligentes.
Dans l’exportation des services liés aux TIC, les chiffres de la Banque Mondiale montrent que l’Algérie a enregistré une baisse importante depuis 2012. Ces exportations ont atteint 157 millions de dollars en 2017 contre 192 millions en 2016 et 255 millions en 2012, leur plus haut niveau depuis 1977. Il faut noter que dans la définition que retient la Banque Mondiale pour la catégorie « services de TIC », outre les services IT, les services postaux et de messagerie y sont également inclus.
Des résultats en deçà du potentiel
Les récents chiffres dévoilés par le ministre du Commerce Said Djellab seraient plus affinés, à ce propos. Le ministre avait annoncé le 17 février dernier que l’Algérie a « exporté pour 50 millions de dollars de services numériques en 2018 ». Quoi qu’il en soit, les exportations de l’Algérie dans ce domaine sont en deçà du potentiel existant. « C’est l’équivalent des exportations algériennes des fruits légumes », avait tonné le ministre pour illustrer l’insignifiance de ce chiffre par rapport aux potentialités de ce secteur.
Selon lui, en termes de potentiel à l’export, le numérique représente une réelle opportunité, car, c’est un secteur dont la demande mondiale explose et où beaucoup de niches restent à conquérir.
Certes, l’Algérie dispose de plusieurs atouts qui permettront aux PME, startups et grands groupes de la filière numérique de conquérir des parts de marché à l’export, et ce, grâce à sa proximité avec l’Europe pour développer des partenariats à l’export vers l’Afrique notamment. Ces parts de marchés sont-elles à la portée des entreprises algériennes ? Nos compétences sont-elles bien formées ?
Des compétences très qualifiées
« L’Algérie dispose de compétences très qualifiées. Mais cela ne va pas faire de nous des champions dans l’exportation. Les managers des sociétés de services IT doivent aussi penser à se former et former leurs équipes dans le management et le marketing pour gagner leurs galons d’abord dans le marché national, avant d’aller à l’export », soutient Fettah Ouazzani, Président du Réseau des Algériens diplômés des grandes écoles et universités françaises (Reage) qui s’est exprimé en marge du lancement de la participation officielle des startups algériennes au Salon Viva Technology de Paris.
Le nombre d’entreprises exerçant dans le secteur de la poste, des télécommunications, des technologies et du numérique ne cesse d’augmenter ces dernières année. En 2010 elles étaient au nombre de 200 903, passant à 266 301 entreprises en 2016, selon les indicateurs de l’économie des TIC et de la poste du ministère de la Poste, des Télécommunications, des Technologies et du numérique. Si le secteur production des biens de la poste et des TIC domine avec 92 703 entreprises (34,81%), il est suivi de près par le secteur des services avec 89 064 entreprises (33,44%). Ces dernières sont-elles bien outillées ?
Quelques-unes d’entre elles ont réussi à aller vers l’export, non sans relever de nombreux défis. On peut citer, à titre d’exemple, la société de services et d'ingénierie en informatique M2I Services qui a réalisé plusieurs opérations d’exportation de services pour notamment des entreprises françaises et anglaises qui font partie de grands groupes. Elle a fourni un groupe français côté au CAC40 des services dans le développement d’applications métiers, la maintenance applicative et la maintenance évolutive.
Il y a aussi Big Informatique, un éditeur et intégrateur de logiciels de gestion destinés aux entreprises créé en 1989 qui est allé jusqu’à ouvrir une succursale en Tunisie. Ses produits sont commercialisés dans plusieurs pays de l’Afrique francophone. Un hôpital au Congo est équipé d’une solution BIGClinic développée par des compétences issues des universités algériennes, formées par Big Informatique.
Une stratégie nationale
« Pour promouvoir les exportations de services numériques, il faut une stratégie nationale que doit élaborer le gouvernement en concertation avec les professionnels du secteur », soutient Karim Embarek, Manager de Xmedia & Event entreprise de communication sur Internet.
Il n’existe pas de stratégie dédiée à l’exportation pour le secteur des TIC, mais le gouvernement promet d’intégrer les services numériques dans sa nouvelle « Stratégie Export-Algérie », avec un « encadrement et une promotion » à même de multiplier le chiffre des exportations par 10, voire 20 dans les prochaines années ».
En attendant la mise en place de cette stratégie en gestation, les chancelleries algériennes à l’étranger doivent jouer leur rôle dans l’accompagnement des entreprises nationales dans leur démarche export. « Ce que nous attendons aujourd’hui comme effort de la part de nos chancelleries c’est surtout de promouvoir nos entreprises et apporter toutes les garanties légales par rapport aux conditions de gestion de notre économie et rassurer nos partenaires à l’étranger », nous confiait Farid Lefkir, General Manager de M2i Services. Ce dynamisme qui manque à nos chancelleries ne rassure pas les entreprises étrangères qui veulent importer des services d’Algérie. Or, les services vont être dans le moyen terme un segment important dans l’économie algérienne.
Le poids de la législation de change
Le poids de la législation de change pèse aussi lourdement dans la démarche export des entreprises de services numériques. « Pour la Banque d’Algérie exporter un logiciel ou un service par internet ce n’est pas du concret », explique Mohamed Saidi, Directeur Général de Big Informatique.
En plus de rebuter les sociétés de services numériques, la rigidité de la législation de change s’agissant du rapatriement des recettes en devises fixé à 50% en Dinars, met aussi des milliers jeunes développeurs qui travaillent en freelance sur le carreau.
Sur la page Facebook DZ Développeurs, des annonces de sociétés étrangères y sont publiées régulièrement. Elles recherchent souvent des développeurs de sites et d’applications mobiles. Les prestations sont facturées en devise, mais faute d’une législation de change favorable, ces jeunes développeurs sont contraints d’ouvrir des comptes à l’étranger.
Développer la dimension internationale du secteur numérique ne demande pourtant pas beaucoup d’investissements. Contrairement aux exportations de marchandises qui nécessitent beaucoup de logistique, les services numériques ne requièrent que quelques facilitations au niveau de la législation de change, moins de bureaucratie et une réelle volonté politique.