Jean-Noël Tronc est le président-directeur général de Canal Overseas. Ancien responsable du groupe de téléphonie mobile Orange, il a occupé le poste de conseiller pour la société de l’information au cabinet de l’ancien Premier ministre, Lionel Jospin. Il a été vice-président de la Commission des affaires économiques du Parlement européen. Il a également enseigné à l’école des Hautes études commerciales (HEC) et à l’Institut d’études politiques de Paris (IEP).
Vous lancez un nouveau bouquet Canal Plus au Maghreb. Pourquoi le choix de cette région aujourd’hui ?
- C’est un retour puisque Canal Plus a inscrit, dans le passé, une forte présence en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Dans ces deux derniers pays, nous avions des filiales. C’était la mort dans l’âme qu’au tournant de l’an 2000, nous avons dû nous résoudre à arrêter nos activités parce que la perte d’argent était considérable. A cette époque, le groupe Vivendi traversait une crise tellement grave qu’il a fallu stopper toutes les activités non rentables. Pour nous, il s’agit d’un retour naturel au Maghreb. Canal Plus est un groupe international, le seul groupe de télévisions françaises à avoir une présence active hors de France et avec des abonnés. Canal Overseas est présente dans quatre continents et nous distribuons un service payant.
Un paiement qui se fait par abonnement à la différence de la télévision gratuite qui bénéficie de la publicité. En Pologne, nous avons 1,4 million d’abonnés. Nous éditons sept chaînes polonaises. Nous sommes à chaque fois un acteur audio-visuel local. Dans les départements de l’outre-mer français, nous avons plusieurs centaines de milliers d’abonnés. A travers le satellite couvrant la Nouvelle-Calédonie, nous disposons d’une clientèle en Australie. Nous sommes présents en Amérique centrale également au-delà des Antilles et de la Guyane. Notre présence, en revanche, est plus importante en Afrique. C’est le continent le plus prometteur en termes de développement économique, malgré tout ce que l’on dit ici et là.
L’Afrique subsaharienne a connu une forte croissance économique et où émerge une classe moyenne lentement mais sûrement. Nous sommes présents dans 23 pays d’Afrique francophone depuis le Sénégal jusqu’à Madagascar. Cela dit, nous devions développer notre présence dans le plus grand marché télévisuel du continent qu’est le Maghreb, avec 75 millions d’habitants et où il a été noté un fort intérêt pour les chaînes francophones et françaises aux côtés, bien sûr, de centaines de chaînes arabophones diffusées par satellites.
Vous avez sélectionné vingt-sept chaînes pour ce bouquet. Sur quelle base cette sélection a-t-elle été effectuée ?
- Notre offre de télévision payante est légale. Nous nous acquittons de tous les droits de diffusion de films, de dessins animés, des documentaires, de l’information et des événements sportifs. Pour pouvoir diffuser ces contenus, nous réglons les ayants droit, le transport par satellite et les partenaires locaux, qui sont déjà au nombre de cinq en Algérie. Le modèle économique à construire est un modèle dans lequel nous avons voulu faire une sélection des meilleures chaînes pour constituer un bouquet permettant la meilleure offre de Cinéma, dont les cinq chaînes sont présentes, sans parler de France 2 et de France. Ces chaînes de Cinema diffusent de 80 à 100 nouveaux films chaque mois.
On va proposer la chaîne Canal Plus sans le suffixe Essentiel qui a été retenu car nous avions fait une adaptation de Canal + pour sa distribution par internet avec Maroc Telecom. Les films pour adultes ne sont pas intégrés dans les programmes pour des raisons évidentes de respect pour notre public. C’est un choix éditorial. A part cela, toutes les émissions, comme « Les Guignols de l’info », « La Matinale » et le « Grand Journal », seront diffusées. Autant pour les séries à succès comme Desperate housewives et Dexter. Nous ne diffusons pas du cinéma sur mesure. Les films sont les mêmes que ceux proposés en France. Pour les tranches horaires où des événements sportifs et films pour adultes ne sont pas diffusés au Maghreb, nous rajoutons du cinéma. Canal + Maghreb, c’est 10% de cinéma plus que Canal+ en France. Pour les amoureux du cinéma, c’est Canal+ Plus, si je peux me permettre l’expression.
Vous allez diffuser des événements sportifs aussi...
- Nous venons de conclure un accord avec le groupe Art en vue de diffuser trois grands rendez-vous sportifs. Il s’agit du match phare de la Ligue 1 française du dimanche soir, par exemple OM-PSG, qui sera diffusé sur Canal+ en Algérie. Il s’agit également du magazine Canal football club et, enfin, des meilleures rencontres de la Champions League, commentées par des consultants comme Zineddine Zidane, comme Real Madrid-Liverpool et je sais que le club espagnol a beaucoup de supporters en Algérie. Notre bouquet propose également des chaînes sportives comme Infosport, Girondins et OM TV... C’est le must du foot européen qui arrive. Notre souci était de construire la meilleure des offres avec le meilleur du cinéma et une offre pour les familles et les jeunes en plus des chaînes d’information continue comme I-Télé. S’ajoutent à cela les 200 chaînes diffusées par Arabsat que les clients de Canal+ peuvent regarder avec leur bouquet.
Vous êtes fortement concurrencés par Al Jazeera Sport et Art au Maghreb …
- Historiquement, il n’y avait pas d’autres acheteurs des droits des grands événements sportifs, Champion’s League, la Premiere ligue anglaise, La Ligue 1 française, le Calcio italien, la Liga espagnole, que les bouquets du Moyen-Orient, ART, Showtime, Orbit et Al Jazeera. La vente de ces droits s’effectue sur une durée de trois à quatre ans. La dernière fois qu’ils ont été vendus, nous n’étions pas présents. Les droits ont été acquis pour l’ensemble du monde arabe, dont le Maghreb. C’est la raison pour laquelle nous avons passé cet accord avec Art. Nous allons travailler encore plus les mois prochains pour enrichir davantage le bouquet. Pour d’autres grands groupes français payés par la publicité, TF1 et M6, nous avons déjà intégré plusieurs de leurs chaînes dans le bouquet (LCI, Ushuaïa TV, M6 Music...).
Ni TF1, ni M6 n’ont acquis les droits nécessaires pour diffuser leurs programmes légalement au Maghreb. Lorsque ces chaînes ont acheté les droits de diffusion des séries ou des films américains, ce n’était pour l’Algérie. En revanche, Canal+ a payé ses droits du fait de sa longue présence en Afrique. La nouvelle stratégie de Canal+ depuis deux ans est celle de développer des séries de grande qualité comme Engrenage, Scalp et Mafiosa (sur la mafia corse). Ces séries seront diffusées en Algérie, nous avons les droits...
Mais TF1 et M6 sont présentes à travers l’analogique (satellite Hotbird) …
- Elles le sont à travers une offre pirate. La réception n’est pas légale. Théoriquement, il n’existe pas de diffusion analogique terrestre en Algérie. Ceux qui commercialisent en Algérie TF1 et M6 sont en violation des droits. Ce n’est pas la faute des foyers qui les reçoivent. Les ayants droit doivent être rémunérés pour leurs créations. Ceux qui ont vendu le contenu à TF1 ou M6 ne les ont pas autorisés pour une diffusion en Algérie. Nous faisons une offre en respectant les ayants droit. Le piratage ne nous facilite pas la tâche. France, France3 et France 5 ont acquis les droits pour une diffusion dans le monde arabe car elles ont une vision internationale. Dans le cas d’un événement sportif sur France 2, pour lequel la chaîne n’a payé les droits uniquement pour une diffusion en France, le bouquet ne pourra pas diffuser cet événement.
Il y a de la place pour tout le monde sur le marché. L’Algérie est un énorme marché pour la télévision payante. Nous n’avons pas la prétention de nous adresser à tous les publics. Autour de 2000 DA, nous savons que c’est une offre qui s’adresse aux classes moyennes. Nous n’avons pas de modèle économique qui permette de faire autrement. Nous savons que des foyers souhaitent avoir une offre légale et confortable. Quand vous achetez une carte Canal+ de douze mois, vous avez la certitude que ça va fonctionner et qu’il n’y aura pas de problème avec votre démodulateur. Ce n’est pas toujours le cas avec des cartes achetées au marché noir.
Source: El Watan