La grisaille pointe à l’horizon du marché de l’internet en Algérie. Si l’Eepad, le seul fournisseur d’accès privé, venait à être repris par l’entreprise publique Algérie Télécom, l’avenir de l’internet dépendrait du seul diktat de l’Etat.
Une nouvelle série de négociations a été entamée hier entre le provider privé Eepad et les responsables d’Algérie Télécom afin de trouver une issue à un casse-tête qui dure depuis des semaines. A l’heure où nous mettons sous presse, nous apprenons de sources sûres de l’Eepad que les premiers résultats de ces négociations tentent de mettre en place une forme de partenariat public-privé. Selon son premier responsable, l’Eepad sera peut-être connecté au réseau global qui dépend d’AT.
Les négociations devront en tout cas se poursuivre aujourd’hui pour décider des suites à réserver à ce dossier. La possibilité de reprise d’Eepad par Algérie Télécom afin d’éponger ses dettes se posait avec acuité depuis quelque temps. Cependant, l’opérateur public semble n’avoir pas mesuré l’impact de cette option sur le marché de l’internet en Algérie. Outre le retour aux anciens réflexes qui donnent à l’Etat les pleins pouvoirs, les conséquences d’une telle reprise pourraient être économiquement ravageuses. Des centaines de postes de travail – près de 600 emplois directs et 1200 indirects – risquent de disparaître avec l’option de la liquidation de cette entreprise. Ceci, alors que près de 40 000 consommateurs (étudiants, enseignants et professionnels) connectés au réseau Eepad sont dans l’attente d’une solution censée privilégier en premier lieu l’entreprise, les salariés et les clients. Environ 2000 cybercafés, 9 ambassades, plusieurs institutions de l’Etat et 720 entreprises utilisent également les produits d’Eepad pour leurs activités. Au-delà de cet aspect commercial né d’un différend lié à une dette estimée à 3,5 milliards de dinars, la mainmise de l’Etat sur le marché de l’internet en Algérie est susceptible d’ouvrir la voie à la censure. C’est ce que l’on craint, d’autant plus qu’Algérie Télécom n’est aucunement en mesure de proposer tous les services offerts par le provider privé Eepad, à l’instar de l’offre Five Play. Les responsables du fournisseur privé Eepad plaident non-coupable et mettent en avant l’existence de circonstances atténuantes. La baisse de 50% des tarifs de l’ADSL, décidée unilatéralement et sans la moindre étude d’impact par l’ancien ministre de la Poste et des TIC, a fait baisser les recettes du provider privé et a été à l’origine de la situation actuelle dans laquelle l’entreprise est embourbée.
L’opérateur a investi, durant les quatre dernières années, beaucoup d’argent dans l’infrastructure des réseaux sur l’ensemble du territoire national, y compris dans le Grand Sud (Tamanrasset, Adrar, Béchar) pour qu’internet arrive au fin fond du désert. Mais dans le fond, un éventuel monopole de l’Etat sur le marché de l’internet pourrait constituer la case départ d’une nouvelle ère de privation, d’interdiction et de censure. Le projet du ministère de la Poste et des Technologies de l’information et de la communication, en association avec Algérie Télécom, qui consiste à lancer l’offre Triple Play (TV, internet et voix sur IP) sur fibre optique a d’ores et déjà provoqué le mécontentement des consommateurs. Perçue par les autorités comme la solution idoine pour remplacer les assiettes paraboliques, le citoyen craint que cette option, qui offre à la fois télévision, internet et voix sur IP, conduise à la censure de certaines chaînes de télévision. Sur le plan international, l’Algérie risque d’être confrontée à nouveau aux réserves de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Cette organisation avait déjà exigé de l’Algérie comme préalable à son adhésion, l’ouverture du champ audiovisuel à la concurrence. L’Algérie avait estimé que les exigences de l’OMC étaient trop élevées et risque à nouveau des sanctions dues à un éventuel monopole de l’Etat sur le marché de l’internet. Une possible disparition de l’Eepad de la Toile commerciale serait synonyme de volonté de mettre un terme à une entreprise concurrente au secteur public représenté par Algérie Télécom.
Source: El Watan