Entretien avec M.Younes Grar, conseiller auprès du Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication


M.Younes Grar, conseiller auprès du Ministre de la poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, nous parle du projet E-Algérie 2013. Il évoque également un certain nombre de points en rapport avec le secteur des TIC en Algérie.


Quelles sont actuellement les priorités du ministère de la Poste et des TIC ?

Le ministère a pour priorité de développer le secteur de la poste au même titre que celui des technologies de l’information et de la communication, de manière à répondre aux besoins aussi bien des particuliers que ceux des entreprises. Le  réseau d’Algérie Poste et sa base clientèle représentent un élément important dans le paysage économique national. L’optimisation du réseau d’Algérie Télécom contribue également au développement du pays. Il s’agit donc de deux secteurs à promouvoir. Les projets visant à développer ces deux secteurs s’inscrivent dans le cadre du projet E-Algérie 2013 qui est en fait un ensemble d’actions  allant dans le sens de la création de la société de l’information.

Pouvez-vous nous donner davantage de détails en ce qui concerne le projet E-Algérie 2013 ?

Le projet E-Algérie 2013 a été finalisé et est actuellement à l’étude au niveau du gouvernement. En mettant au point ce document, nous avons commencé par faire un état des lieux détaillé sur la situation des TIC en Algérie. Nous avons ensuite défini ce qu’il y avait lieu de faire. Nous avons voulu être réalistes en élaborant ce projet puisque nous nous sommes fixés comme objectif de placer l’Algérie au même niveau que certains pays avec lesquels nous avons des similitudes mais qui sont un peu plus en avance par rapport à nous en ce qui concerne le domaine des TIC. Je citerai, à titre d’exemple, des pays tels que la Malaisie, la Jordanie ou le Chili. Le projet E-Algérie 2013 se fixe des objectifs globaux et des objectifs secondaires. En ce qui concerne les objectifs globaux, le projet prévoit des mesures  visant à encourager l’usage des TIC au niveau des administrations avec pour finalité d’offrir  un service fiable et de qualité aux citoyens.  Il est important  aussi qu’il y ait des interactions entre les différentes administrations afin de rendre l’échange de données plus fluide. Les administrations pourront ainsi avoir des services de qualité avec peu de risque de falsification de documents ou autres fraudes.

Il est également prévu la mise en place d’un réseau destiné aux employés des administrations afin de leur permettre d’accéder à des informations qui les intéresseraient. Des informations relatives entre autres à leurs plans de carrière ou aux formations dont ils peuvent bénéficier.  Nous avons également pensé à l’information destinée aux entreprises à partir des administrations. Beaucoup de ministères entretiennent des relations avec des entreprises et sont donc supposés les alimenter en informations de façon régulière. Le projet E-Algérie 2013 met aussi  à la disposition du citoyen l’information par voie électronique.  Les administrés devront également avoir la possibilité de remplir des formulaires disponibles sur le réseau ou demander des documents sans avoir à se déplacer de chez eux. Tous ces services sont compris dans l’axe « A » du programme E-Algérie 2013.

Dans son axe « B », le programme vise à encourager l’usage des TIC au  niveau des entreprises. L’axe « C », quant à lui, concerne la généralisation des PC et l’ADSL au niveau des foyers. C’est en fait une continuité du projet Ousratic que nous avons d’ailleurs baptisé Ousratic 2. Comme dans la première version de ce projet, l’objectif est d’introduire les PC et  l’ADSL dans six millions de foyers.   En ce qui concerne le projet Ousratic, il y a eu très peu d’engouement de la part du public car beaucoup de gens n’ont pas vu l’utilité d’avoir un PC et la connexion Internet chez eux. C’est en fait la question du contenu qui est déterminante dans la généralisation des TIC. Nous avons donc décidé de lancer le projet Ousratic 2  mais en prenant en considération le fait  que la société est composée de plusieurs catégories d’utilisateurs potentiels qui n’ont pas les mêmes besoins lorsqu’il s’agit de se connecter à Internet ou même en ce qui concerne la configuration de leurs PC. Nous avons déjà commencé à travailler avec le ministère de l’éducation pour lancer la version Ousratic destinée aux enseignants. Nous comptons faire la même chose avec les autres ministères. L’axe « D » du programme est relatif aux entreprises qui activent  dans le domaine des TIC. Nous avons proposé certaines actions pour encourager la mise en place de ce que nous appelons l’industrie des TIC. L’idée est de mettre en place un certain nombre de mesures incitatives pour permettre à ces entreprises d’être plus performantes car elles ont un rôle important à jouer dans la concrétisation du programme E-Algérie 2013. L’axe «E» a trait  au réseau. La condition sine qua non pour le fonctionnement de ce projet est la mise en place d’un réseau très fiable et à très haut débit. Il est important de développer le réseau algérien de fibres optiques mais aussi  les autres solutions, telles que le réseau  sans fil ou le réseau satellitaire.

L’axe « F » est en rapport avec  la formation des compétences humaines. Pour créer une société de l’information, il faut que les utilisateurs potentiels sachent comment utiliser un PC ou comment accéder à Internet. Ce genre de formations sera assuré au niveau des maisons de jeunes et des centres de formation.  Nous avons déjà pris les devants en lançant des cycles de formation au niveau de ces établissements. La formation au niveau des administrations est également importante. Il est nécessaire aussi que nos universités forment des ingénieurs avec un profil adapté aux besoins qui s’imposent à nous actuellement. L’axe « G » est lié à la recherche et au développement. Il s’agit donc de créer les conditions adéquates pour encourager la recherche. L’axe « H » concerne le cadre juridique du programme au moment ou l’axe « I » touche  à l’information et à la communication autour de ce programme. L’axe « J » évoque pour sa part les possibilités de coopération internationale dans le domaine des TIC. L’axe « K » du programme  prévoit la mise en place de  mécanismes d’évaluation en ce qui concerne les actions menées. L’axe « L» est lié aux mesures organisationnelles assurant la prise en charge des différentes facettes du programme. L’axe « M » enfin est en rapport avec les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre du  programme E-Algérie 2013.

Est-il possible de nous donner justement  une idée sur le coût de ce programme?

Nous avons soumis au gouvernement un projet  de proposition en ce qui concerne le financement de ce programme, mais je pense qu’il est encore tôt  pour en parler. 

Pouvez-vous nous donner quelques chiffres au sujet du projet Ousratic ?

Jusqu’à  l’été 2008, il n’y a eu que 50.000 PC vendus sur les  six millions prévus dans le cadre du projet Ousratic. C’est un nombre très limité. Il y a eu, il faut le dire, beaucoup de difficultés avec les banques, les assembleurs de PC et autres. Nous avons tenu de nombreuses réunions avec les différents acteurs impliqués dans ce premier projet et nous avons tiré des conclusions qui devront nous servir pour garantir le succès de la nouvelle version du projet Ousratic. En ce moment, nous étudions la possibilité de l’engagement de l’état pour le financement d’une partie de la connexion ADSL, pour les enseignants par exemple, afin d’accélérer les choses.

Quelle est la situation d’Internet en Algérie et quelles sont les mesures à prendre pour développer ce secteur ?

Il y a actuellement un problème d’accès à Internet et une qualité de réseau qui laisse encore à désirer. Ces deux  éléments dépendent d’Algérie Télécom qui gère, entre autres, le réseau de la fibre optique. Nous avons un bon réseau qui interconnecte tout le territoire  mais qui a cependant besoin d’être mis à jour. Algérie Télécom devra mettre en place son plan d’action au cours de cette année pour améliorer la qualité du réseau.  Le deuxième problème auquel nous faisons face est lié à  la boucle locale ou  ce qu’on appelle le dernier kilomètre. Nous constatons que l’abonné Internet fait les frais des coupures ou encore des parasites sur la ligne. Pour bénéficier de l’ADSL, il faut avant tout avoir une ligne téléphonique de qualité. Il faut donc améliorer la qualité des lignes téléphoniques  fixes pour permettre aux abonnés de bénéficier d’une connexion Internet fiable. Outre le travail qui devra être fait bientôt par Algérie Télécom, il y a lieu aussi d’étendre le réseau de téléphonie fixe. Il existe aujourd’hui trois millions de lignes sur le territoire national. Un programme a été mis en place pour la création d’un million de lignes téléphoniques chaque année, l’objectif étant d’atteindre les six millions de lignes à l’horizon 2013. C’est justement ce qui nous permettra d’atteindre les six millions d’abonnés ADSL prévus dans le cadre du programme E-Algérie. Nous avons, en outre, mené des actions concrètes pour offrir aux  abonnés de la fibre optique à domicile ou le FTTH. Nous avons pour objectif d’atteindre le million d’abonnés FTTH. En ce concerne l’ADSL, le réseau Algérie Télécom peut supporter jusqu’à un million d’abonnés. Les abonnés sont aujourd’hui au nombre de 700 000. C’est bien mais nous sommes encore loin de nos objectifs. Pour aller très vite, le ministère a lancé une action avec Algérie Télécom et l’Association des Fournisseurs  de Services Internet. Ils devront joindre leurs efforts pour promouvoir l’utilisation d’Internet.

Le marché de l’informatique a connu un ralentissement en raison de l’instauration du crédit documentaire par la dernière loi de finances. Quel regard portez-vous sur  cette question?

Nous suivons de près cette question. Nous avons reçu du courrier de la part de certains opérateurs et avons tenu des réunions au niveau du ministère à ce sujet.  Je ne pense pas que le ralentissement vécu en ce moment par le marché de l’informatique durera encore longtemps. Le gouvernement est prêt à rectifier le tir à chaque fois que la situation l’impose. Un dialogue existe d’ailleurs entre les opérateurs économiques et les autorités.

Est-ce que le ministère des PTIC n’exclue pas l’implication des compétences algériennes résidant à l’étranger dans un certain nombre de projets, en particulier E-Algérie 2013 ?

Bien sûr. Des algériens établis à l’étranger ont même contribué à l’élaboration du programme E-Algérie 2013. Ils nous ont d’ailleurs été d’une grande utilité.  D’autre part, nous mettons en place un annuaire répertoriant les compétences algériennes à l’étranger auxquelles nous pourront faire appel  en ce qui concerne un certain nombre de dossiers.

Source: N'TIC 41 / FEVRIER 2010