M. Lounis Belharrat directeur général de Mobilis à liberté “Nous avons investi environ 80 milliards de dinars”

Liberté : Un mot sur le marché mobile en Algérie ? Le nombre d’abonnés ?

Lounis Belharrat : Le marché mobile algérien a été, au niveau mondial, l’un des derniers à être ouvert à la concurrence. Le monopole de l’État sur les télécommunications n’a été rompu qu’en 2000 par la loi 2000/03 qui a consacré l’ouverture à la concurrence et qui a redistribué les missions anciennes de réglementation, de régulation et d’exploitation et fourniture de services. La mission de réglementation et de politique est restée au ministère, celle de la régulation a été confiée à une autorité créée à cet effet, celles d’exploitation et de fourniture de services l’ont été à un opérateur Algérie Télécom, créé en 2002. Une licence mobile a été concédée en 2001 à Orascom Télécom, qui a lancé son service commercial fin 2001. Algérie Télécom a elle-même créé en 2003 sa filiale mobile Mobilis, laquelle a opéré sa relance en 2004. Une troisième licence a été octroyée fin 2003 à Wataniya pour un lancement commercial en septembre 2004. À fin 2001, le parc d’abonnés mobiles était limité à 130 000, principalement les institutions de l’État, les administrations et les grandes entreprises. Depuis, le marché a explosé, en termes de parc et en termes d’usages. Toutes les études convergent pour affirmer que le marché algérien du mobile est celui qui a connu la plus grande croissance dans la région. Aujourd’hui, le parc d’abonnés mobiles, selon les chiffres de l’ARPT, avoisine les 27 millions. Ce chiffre est peut-être à rectifier dans la mesure où dans le marché algérien, un même abonné peut disposer de deux, trois ou même plus de cartes sim du même opérateur ou d’opérateurs différents. Le chiffre des 27 millions correspondrait plus au nombre de SIM se trouvant dans les plateformes techniques des trois opérateurs, qu’elles produisent du trafic ou qu’elles soient dormantes.

Nombre d’abonnés Mobilis ? Parts de marché ? Évolution du chiffres d’affaires ? Évolution en termes de parc d’abonnés ?

Au 31 décembre 2008, Mobilis disposait d’un parc de 7,7 millions d’abonnés dont 460 000 abonnés postpayés, soit une part de marché de 28,5% et une répartition postpayé/prépayé de 6%/94%. Vous constaterez de vous-même que le chiffre des abonnés a baissé par rapport à fin 2007 (plus de 9 millions d’abonnés prépayés), même si en 2008 le volume des nouvelles SIM activées a dépassé les 2,5 millions. Cette baisse s’explique par deux raisons précises. La première est interne, elle est technique et constitue un choix de Mobilis. En effet, jusqu’en 2007, Mobilis a développé une stratégie d’acquisition très forte, stratégie qui lui a permis d’atteindre plus de 9 millions d’abonnés prépayés à fin 2007. Sur le plan technique, même s’ils ne consomment pas tous des ressources airtime, ces 9 millions d’abonnés consomment tout de même des licences sur les différentes plateformes du réseau. Avec le temps, nous avons analysé les comportements de ces abonnés d’un point de vue usage à la suite de quoi des assainissements successifs ont été opérés depuis 2007 pour extraire des plateformes les clients n’ayant pas un niveau d’activité défini. La deuxième raison est liée à la campagne d’identification des abonnés qui a été lancée durant l’année 2007. Pour Mobilis, cette opération s’est soldée par la coupure de 1,9 million de SIM non identifiées. Voilà donc ce qui explique globalement ces chiffres. Concernant le chiffre d’affaires, en 2007 nous avons réalisé 40 milliards de DA hors taxes. En 2008 nous prévoyons de clôturer entre 47 et 48 milliards de DA soit une croissance de 20% par rapport à 2007. Je souhaite préciser que nos taux de croissance sont calculés en dinars constants. Si ces taux devaient être calculés en dollars comme cela est la pratique chez les concurrents, il faudrait les majorer de 10 à 15%.

Nombre de puces identifiées et le nombre de puces qui ont été résiliées ?

Je viens tout juste de vous parler de cette campagne d’identification qui a été lancée en février par l’Autorité de régulation. Beaucoup de choses ont été dites et écrites à ce sujet. Encore une fois, l’identification des clients est une obligation de licence pour les opérateurs. Cette opération a donc été menée par nos équipes et nos distributeurs avec le maximum de rigueur, nous avons eu recours y compris à la suspension des SIM non identifiées, avant l’échéance fixée par le régulateur. À cette échéance, nous avions encore 1,9 million de SIM non identifiées que nous avons dû couper. Aujourd’hui, le nombre de SIM prépayées identifiées avoisine les 7,2 millions.

Consommation moyenne par abonné ? Par jour ou par mois ?

Comme je l’ai expliqué précédemment la question du nombre d’abonnés est extrêmement relative. Chaque opérateur a ses règles de comptabilisation des abonnés, et même ces règles sont très subjectives. En effet, un abonné qui a fait un SMS durant les 4 derniers mois est comptabilisé comme abonné, alors qu’il n’a généré que 3 DA de revenus pendant la même période. La notion d’ARPU (revenu moyen par abonné) est donc à manipuler avec beaucoup de prudence. En effet, cet ARPU est calculé sur la base des revenus et du nombre d’abonnés, or les chiffres donnés pour le nombre d’abonnés présente une bonne dose de subjectivité.
En tout cas, en ce qui nous concerne, notre ARPU moyen est :
- pour le prépayé 550 DA (contre 450 en 2007).
- pour le postpayé 2 600 DA (contre 2 100 en 2007).

Nombre d’opérations ou de flux par jour ? Chiffre d’affaires par jour ?

Votre question n’est pas très précise. Si par opération il faut comprendre toutes les ventes et tous les contacts clients, leur nombre avoisinerait 80 000. Ce nombre inclut toutes les visites en agences pour achat d’une SIM prépayée ou postpayée, d’une recharge, pour le paiement d’une facture, pour l’établissement d’un duplicata, tous les appels au centre d’appels toutes raisons confondues. Le chiffre d’affaires par jour n’est pas un indicateur que nous avons l’habitude d’utiliser, mais s’il vous faut ce chiffre divisons les 48 milliards de dinars par 350 jours et nous obtiendrons autour de 140 millions de dinars par jour.

Polémique sur les parts de marché ?

Je souhaite réaffirmer que depuis l’ouverture du marché et l’entrée de chacun de nos deux concurrents, en dépit de la rudesse de la concurrence, en dépit même de certains petits écarts ici et là constatés, et en dépit aussi des forts enjeux, nous avons toujours entretenu et conservé d’excellentes relations avec nos concurrents. Pour revenir à votre question, je souhaite préciser qu’à aucun moment il n’y a eu de polémique entre nous et un opérateur concurrent. Je ne vous apprends rien à vous dire les effets extrêmement importants qu’une information rapportée peut avoir sur le marché. Aujourd’hui la communication autour de l’activité mobile est assurée par deux canaux : par les opérateurs eux-mêmes à l’occasion d’évènements, de forums ou de conférences de presse, et par les médias. Lorsqu’une information est rapportée, lorsqu’elle est inexacte ou qu’elle contient une part de faux, et qu’elle devient susceptible de nuire à l’image ou aux intérêts d’un acteur, cet acteur est en droit de réagir pour rétablir les vérités. C’est ce qui s’est passé dernièrement concernant le rang de chacun des opérateurs. L’information a été rapportée par la presse pour la seconde fois depuis l’été. Nous nous sommes sentis dans l’obligation de réagir, c’est ce que nous avons fait. Le nombre d’abonnés est connu de tous, les revenus également, le rang de chacun est donc connu. Pour conclure, je voudrais préciser que le fait d’avoir réagi ne nous a pas empêchés et ne nous empêche pas de garder à l’avenir les relations que nous avions auparavant.

Polémique sur les prix ?

Concernant les prix appliqués par les uns et les autres, il me semble essentiel de rappeler l’importance vitale qu’ils ont sur le marché en général, sur sa stabilité et même sur sa pérennité. Chacun des acteurs opérateurs, Mobilis compris, est entré dans le marché sur la base d’un business plan (plan d’affaires). Ce plan d’affaires a été lui-même basé sur une analyse du marché, sur des objectifs de parts de marché, sur des prévisions de parc et d’usages. En parallèle, chacun des opérateurs est tenu par des obligations de licence : couverture et qualité de réseau ; ceci a obligé les opérateurs à déployer des réseaux sensiblement équivalents, donc d’investir et de fonctionner. La question des tarifs est par conséquent centrale. Ils interviennent en amont et en aval de toute la chaîne de valeur. La licence impose un niveau d’investissements. Le plan d’affaires détermine des niveaux de revenus qui doivent permettre de financer ces investissements et leur renouvellement, qui doivent permettre aussi de fonctionner (exploiter le réseau, payer les locations de sites, de boutiques, communiquer, payer les charges de distribution etc.) Les revenus sont déterminés sur la base des prévisions de parc, des prévisions d’usages et surtout des prévisions de tarifs, qui sont très dépendantes de l’environnement. Sur le plan du principe, la loi 2000/03 consacre la liberté des tarifs pour les activités sous concurrence et l’activité du mobile en est une. D’autres textes traitent des tarifs et de la concurrence. L’Autorité de régulation est chargée de veiller à la loyauté de cette concurrence.

Investissements et total effectifs ?

Je viens de l’expliquer ci-dessus. Le niveau des investissements de l’opérateur est déterminé, d’abord par les obligations de la licence, ensuite par les objectifs de l’opérateur en matière de qualité, et enfin par l’importance du parc. En théorie donc, dans notre cas où les trois opérateurs ont la même licence, les niveaux d’investissement hors coût de la licence, devraient être très proches l’un de l’autre. Concernant Mobilis, le niveau de nos investissements avoisine les 80 milliards de dinars tous types d’investissements confondus (courants ou spécialisés mais à prédominance spécialisés). Nos effectifs se situent autour de 3 600 agents tous postes et toutes activités confondues. Près de 60% de nos effectifs sont dans les activités commerciales et relation client. 70% de nos effectifs ont un niveau universitaire. La moyenne d’âge est de 30 ans.

Perspectives et futur plan d’action ?

Quelles sont nos perspectives et notre plan d’action ? Difficile de répondre à pareille question dans pareil environnement. Ce que je peux vous dire, c’est que nous continuons à nous inscrire dans notre plan d’affaires actualisé en mi-2008. Nos priorités continuent à être la couverture et la qualité technique, la diversité des services offerts, le marché entreprises, l’amélioration de la qualité de la relation client. Nous n’oublions cependant pas les activités de gestion, nous continuerons à travailler sur les outils, les process et procédures, sur les activités d’audit et de contrôle de gestion, la qualité dans sa perception générale. La formation est aussi une activité que nous comptons prioriser, notamment vers les personnels techniques des opérations et vers les commerciaux.

Source: Liberté