Longtemps ignorés, les incubateurs ont désormais le vent en poupe. Dans l’écosystème numérique algérien, ils sont appelés à jouer un rôle pivot, de la détection des besoins jusqu’à l’accompagnement du porteur de projet.
Le 28 janvier dernier se déroulait à Alger un événement grandiose. En grande, on annonçait un vaste projet d’incubateur pour toute l’Afrique, à partir d’Alger. Il couvrira dans quelques années tout le bassin méditerranéen. Cette initiative est baptisée Africa By Incubme
Incubme était l’un des premiers incubateurs privés qui ont été lancés il y a quelques années pour pallier une offre insuffisante en matière d’accompagnement des jeunes porteurs de projets innovants. Si aujourd’hui il affiche de grandes ambitions, c’est que le rôle des structures d’accompagnement des startups, des porteurs de projets (ou d’idées) est remis en selle dans le monde l’entrepreneuriat made in DZ.
Il existe une vingtaine d’incubateurs sur le territoire national, entre généraliste et spécialisé, public et privé, académique et corporate. Ils rivalisent de concepts de coaching, mais partagent une seule vocation ; accompagner les porteurs de projets ou les startups, dans différentes phases de développement. Ils s’appellent Incubeme, Sylabs, Capcowork, ANPT (Agence Nationale des Parcs Technologiques), Habba Institute, Tstart de Ooredoo ou ENP Incubator by Djezzy, et la liste est longue.
Une flopée d’incubateurs
Une flopée d’incubateurs a vu le jour rien que durant les six derniers mois. On peut citer NaqlTech, incubateur dédié aux startups activant dans le secteur des transports, lancé fin décembre dernier au niveau du centre de formation de l’Etablissement de transport urbain et suburbain d’Alger (ETUSA). Ou Leancubator, un espace destiné à l’incubation de projets innovants ou l’accélération de l’innovation, lancé le 30 janvier dernier par l’équipe de l’Algeria Start-up Challenge.
Il faut dire que ce mouvement de création de structures d’accompagnement des porteurs de projets innovants suit la dynamique de création de startups. Ce n’est un secret pour personne que la création de startups a connu, ces derniers mois, une évolution remarquable. Remis au goût du jour par la grande conférence dédiée aux startups (AlgeriaDisrupt), tenue en octobre 2020 à Alger, durant laquelle, le chef de l’Etat a tracé les contours d’une politique orientée en faveur de l’économie de la connaissance où la startup sera son élément moteur. Les observateurs de l’écosystème numérique en Algérie y ont décelé une réelle volonté politique de faire des startups et plus globalement de l’économie numérique une priorité dans la politique de diversification économique. Ceci d’autant plus que le discours du président a été ponctué par l’annonce de mesures de facilitation de création, d’accompagnement et de financement des startups.
Bien s’entourer et trouver les financements
Créer une startup est un rêve pour beaucoup de jeunes, notamment les diplômés de l’Enseignement supérieur. Le désir irrépressible d’être le concepteur de solutions innovantes qui répondent à un besoin ou une problématique exprimés aussi bien par les entreprises et les individus. Mais aussi être son propre chef et vivre de sa passion. Mais avant, il faut bien s’entourer et trouver les financements nécessaires. L’accompagnement et le financement sont, faut-il le souligner, les deux obstacles majeurs sur lesquels buttent les porteurs de projets innovants. Ils sont généralement exclus des programmes d’aides à l’entrepreneuriat des jeunes (ANSEJ, CNAC, ANGEM, etc.) et les banques ne se hasardent pas à financer leurs projets de startups. Ainsi, des structures en adéquation avec la nature des startups que sont les incubateurs leur offrent les moyens, les conseils, voire les financements.
Ces structures qui ne cessent de voir le jour en Algérie ces dernières années offrent une réelle opportunité de doper la création de startups pour produire des solutions innovantes pour améliorer le quotidien des Algériens, qui ne manquera pas d’avoir un impact positif sur tout l’écosystème numérique en cours de construction. En ce sens que le rôle de ces structures ne se limite pas, aujourd’hui, à l’accompagnement, au coaching et au financement par des prises de participation dans le projet. Les incubateurs se posent en « chainon manquant » entre l’idée ou le projet et le besoin des entreprises, voire du marché.
Un rôle pivot dans l’écosystème numérique
Pour assurer ce rôle pivot dans l’écosystème numérique, le gouvernement a proposé la labélisation « Incubateur » comme « garde-fou contre les idées farfelues et sans lendemain » qui donnerait des garanties à l‘efficacité de l‘aide de l‘Etat et rassurerait le capital investissement ». Le label « Incubateur » est accordé à toute structure publique, privée ou en partenariat public-privé qui propose un appui aux startups et aux porteurs de projets innovants, l'hébergement, la formation, le conseil et le financement.
Selon le décret exécutif portant création du comité national de labélisation des « Startups », des « Projets innovants » et des « Incubateurs », les demandes d'attribution du label « Incubateur » sont introduites auprès du comité national via un portail électronique, accompagnées de certains documents, tels que le plan d'aménagement détaillé de l'incubateur, une liste des équipements mis à la disposition des startups incubées, une présentation des différents services offerts aux startups incubées, ainsi qu'une présentation des différents programmes de formation et d'encadrement proposés par l'incubateur.
Pour les incubateurs privés, le décret prévoit d’autres documents, tels que l’extrait du registre du commerce et des cartes d'identification fiscale (NIF) et statistique (NIS), une copie des statuts de la société, une attestation d'adhésion à la Caisse Nationale des Assurances Sociales (CNAS) avec une liste nominative des salariés, une attestation d'adhésion à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale des Non-Salariés (CASNOS) et une copie des états financiers de l'année en cours.
Les postulants souhaitant obtenir le label « Incubateur » sont tenus par ailleurs de disposer d'un personnel ayant les qualifications requises et/ou une expérience professionnelle suffisante dans le domaine de l'accompagnement des entreprises. Le label « Incubateur » est octroyé au postulant pour une durée de cinq ans, renouvelable, dans les mêmes formes et son détenteur ouvre droit à des mesures d'aide et de soutien de l'Etat, notamment à des exonérations fiscales.
En effet, la loi de finances 2021 stipule dans son article 87 que les entreprises disposant du label « Incubateur » sont exonérées de la taxe sur l‘activité professionnelle (TAP) et de l‘impôt sur le revenu global (IRG) ou de l’impôt sur les bénéfices des sociétés (IBS) pour une durée de deux années, à compter de la date d‘obtention du label « incubateur ». Sont exonérés de la TVA, les équipements acquis par les entreprises disposant du label « incubateur» entrant directement dans la réalisation de leurs projets d‘investissement ».
Première tentative de formalisation
Le décret exécutif portant création du comité national de labélisation est aujourd’hui la première tentative de formalisation des activités des incubateurs de startups. La mise en vigueur de ce processus réglementaire qui s’apparente à un « agrément » de l’Etat est toute récente. Alors l’activité de ces structures remonte à quelques années. Il n’existe aucun bilan sur les activités des incubateurs, le nombre de startups incubées et leurs success stories. L’ANPT avec son cyberparc de Sidi Abdellah (Alger), créée en 2004, n’a commencé réellement l’activité d’incubation qu’à partir de 2012. Donc, le premier retour d’expérience (non exhaustif) nous vient de cet incubateur public qui dispose par ailleurs de quatre autres structures au niveau national. Selon l’ancien DG de l’ANPT, Abdelhakim Bensaoula qui s’est exprimé sur nos colonnes en octobre 2019, depuis le début des activités en 2012, les incubateurs de l’ANPT ont accompagné plus de 350 projets innovants. « Durant la seule période 2017/2018, plus de vingt startups sont sorties de notre incubateur de Sidi Abdellah, 25 sont en phase d’incubation et 25 autres en phase de startups », nous avait-il déclaré. Selon lui, plus d’une centaine de startups qui ont vu le jour à l’ANPT étaient toujours actives et contribuaient à l’économie nationale.