Les centres d’appel se développent en Algérie mais restent peu attractifs aux étrangers. Notre pays compte aujourd’hui une quarantaine de centres d’appel contre 6 en 2006, selon le site web de l’Autorité de Régulation de la Poste et des Télécommunications (ARPT). Cette lente évolution est diversement appréciée. Une partie des observateurs l’impute à un manque de visibilité sur le marché algérien et d’autres l’expliquent par la réforme inachevée du secteur des télécommunications.
On est loin du cas du Maroc et de la Tunisie où plusieurs entreprises françaises ont délocalisé leurs centres d’appel pour des raisons de coûts. Le montant de la redevance annuelle applicable aux opérateurs titulaires d’autorisations qui a été fixé à 10 000 000 DA a été réduit à 10 000DA. Mais ce geste des autorités n’a pas suffit pour susciter le rush.
Apparus au cours des années 60 aux Etats-Unis, les centres d’appels se sont développés en Europe à partir de la seconde moitié des années 70, en commençant par le Royaume-Uni, l’Irlande et le Benelux. Ils répondaient à l’émergence de prestations de service dématérialisées dans les secteurs de la finance, des assurances et de l’informatique. En France, ils ne se sont vraiment développés qu’au cours des années 90 pour devenir le troisième marché le plus important en Europe. C’est une activité qui touche de nombreux secteurs de l’économie. Les pouvoirs publics et les entreprises la considèrent comme un gisement important d’emplois pour les années à venir. La tendance est à la décentralisation vers l’étranger. Le Maroc et la Tunisie, francophones, sont les premières destinations : elles combinent faible coût de main d’oeuvre et proximité géographique.
Le nombre de postes transférés à l’étranger est estimé à 120000. De 1996 à 2002, le marché a connu une croissance à deux chiffres qui se tasse actuellement autour de 5%. En amont, nous trouvons divers secteurs donneurs d’ordre: télécommunications, transports et logistique, assurance, banque, finance, télémarketing, services publics, tourisme… En aval, il y a des prestations qui visent le grand public mais aussi le B2B. Les entreprises investissent pour améliorer leurs relations avec leurs clients et optimiser leurs flux. A l’opposé, les PME-PMI sont plus orientées vers la prospection de nouveaux marchés.
Les tâches effectuées par les téléopérateurs passent par la vente, la prospection commerciale, l’après vente, le conseil clientèle, l’assistance technique type hotline, les réservations, les sondages ou encore la gestion des différends juridiques et commerciaux. Dans les télécommunications, un opérateur donne des conseils techniques et résout des problèmes commerciaux par des appels entrants, sonde et fidélise son public par des appels sortants. Les centres d’appel sont nés du recentrage des entreprises sur leur coeur de métier.
La frilosité des investisseurs
S’inspirant de ce modèle, l’Algérie prend le train en marche mais ambitionne de jouer dans la cour des grands. Les investisseurs demeurent malgré tout frileux pour des motifs de sécurité et de difficultés administratives et bancaires. Mébarek Boukaba, directeur général de Vorax Technologies, principal partenaire de Algérie Télécom dans le déploiement des 48 centres d’appels, a estimé les besoins économiques nationaux en la matière, entre 400 et 500 centres d’appels générant entre 15 000 et 17 000 emplois. Mébarek Boukaba a affirmé « qu’en raison de sa situation géographique et des capacités techniques et linguistiques de sa forte population de jeunes, l’Algérie possède un grand avenir dans le domaine des centres d’appels». Le coût que peut représenter l’investissement serait de l’ordre minimal de 10 millions de dinars pour une vingtaine de positions téléphoniques. Cependant, il semble que l’ouverture d’un call center relève toujours d’une course d’obstacles.
Acces Call Center est le premier centre d’appel créé en Algérie. Opérationnel depuis le mois de juin 2006, il propose de nombreux services, que ce soit en émission ou en réception d’appels. Il opère principalement en offshore. Parmi les services assurés figurent les prises de rendez-vous auprès de décideurs, de particuliers et des actions de marketing basées sur l’émission d’appels. La force de Access Call Center réside, selon son directeur général Djamel Korchi, dans sa capacité opérationnelle de 160 positions téléphoniques. Situé à Chéraga, ce centre emploie un effectif de 60 personnes.
Depuis 2007, les premiers opérateurs privés commençaient à émerger. Nous citerons Kenza Call Center qui a obtenu le service de visa du consulat général de France et Michouar presse et Com consacré à l’assistance juridique, le conseil santé, le guide d’adresses utiles, l’intermédiaire social, le conseil et l’assistance psychologique ainsi que le Media Group.
Malheureusement, le coût de la liaison internationale (LLI) a découragé plusieurs initiatives. Evalué au Maroc ou en Tunisie à 8000 euros par mois pour 2 Mo de bande passante, il est, avec Algérie Télécom, de 25 000 euros en demi-circuit auquel il faut rajouter la partie de France Télécom.
Les opérateurs de la téléphonie mobile peuvent se targuer d’être les pionniers dans ce segment d’activité, sachant qu’ils gèrent une clientèle qui s’élève à des millions d’abonnés. Il faut tout de même distinguer les centres d’appels « offshore » et ceux des opérateurs de la téléphonie mobile. Les premiers sont conçus pour vendre et les seconds pour servir et informer les clients. Le centre d’appel d’Orascom Télécom Algérie a été crée en 2002. « Le but est de mieux servir les clients. L’Algérie est un grand pays et il est difficile de comprendre chaque client avec l’accent de sa région », a expliqué à MobileAlgérie.com Mme Dominique Gingras, directrice du centre d’appel OTA d’Alger. Le vrai challenge pour l’opérateur dépasse la chasse aux abonnés. Il s’agit surtout de rester à leur écoute et de les fidéliser. Si l’abonné dispose d’une ligne post-payée, il pose généralement des questions relatives à la facturation, aux promotions en cours et aux services à valeur ajoutée. Pour le client prépayé, les problèmes de réseau et les nouvelles offres viennent en tête de liste.
Le mouvement des pionniers
Le centre d’appel de Wataniya Télécom Algérie a été créé en août 2004, lors du lancement commercial de la marque étoilée Nedjma. Il compte 273 télé-conseillers qui veillent quotidiennement et 24h/24 à la satisfaction des clients. En composant le 333, les abonnés peuvent s’acquérir des nouveautés et poser toute interrogation ayant trait au fonctionnement de leurs lignes. Concernant ATM Mobilis, son centre d’appel a vu le jour le 22 mai 2004. Chaque télé-conseiller traite quotidiennement en moyenne 120 appels. L’opérateur public Algérie Télécom a mis en place un centre d’appel qui a pour mission de maintenir un contact permanent avec sa clientèle et pour objectif, la satisfaction des besoins de celle-ci.
Leur rôle consiste à traiter le nombre d’appels entrants dans le cas du service après-vente pour renseignements ou réclamations, ou sortants dans le cas de la prospection où nous proposons des produits ou des services à des clients potentiels. Un centre d’appel est avant tout une organisation humaine chargée de prendre en compte les demandes des utilisateurs. La plupart du temps le canal privilégié est le téléphone. Les opérateurs sont chargés dans un premier temps d’identifier leurs interlocuteurs. Le couplage téléphonie-informatique (noté CTI) est de plus en plus utilisé afin de coupler le système téléphonique de l’entreprise à son système d’information et permettre aux opérateurs de disposer automatiquement des fiches concernant les clients grâce au numéro d’appel.
Une fois l’utilisateur identifié et son identité vérifiée à l’aide de quelques questions (numéro de client, adresse, numéro de téléphone), l’opérateur ou l’opératrice ouvre un ticket d’incident et peut prendre connaissance de son dossier via l’interface du logiciel de Help Desk. Le dossier du client contient l’historique de ses appels et l’ensemble des démarches ayant déjà été effectuées, afin de ne pas recommencer le diagnostic. L’ouverture d’un ticket d’incident déclenche un chronomètre et l’opérateur est donc chargé de donner une réponse à l’utilisateur dans un laps de temps le plus court possible.
Le secteur des centres d’appel est très en vogue pour deux raisons. La première, c’est l’attente générale d’un service d’assistance efficace et gratuit par le client qui achète un produit. Face à la dématérialisation croissante de l’économie, les centres d’appels seraient le «supplément d’âme » dont les entreprises auraient besoin dans leurs relations avec les clients. La seconde raison d’un tel engouement se trouve dans la création d’emplois.
En Algérie, c’est un secteur qui n’arrive pas à trouver ses marques. Entre les discours des ministres et la réalité du terrain, il y a un hiatus. Reste à résoudre aussi le problème du débit car sans haut débit, nous ne pouvons développer aucun service. Hamid Bessalah, Ministre de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, en a conscience. Une série de mesures à même d’améliorer le débit de l’Internet ont été prises lors d’une séance de travail avec les cadres d’Algérie Télécom, pour prendre en charge tous ces aspects. Ainsi, les centres d’appel pourront devenir une réalité plus tangible dans un pays qui doit s’ouvrir davantage aux nouvelles technologies.
Entretien avec M. KASSAB Ali, Directeur VOCALCOM MENA
« Notre ambition est simple : devenir le principal partenaire des acteurs de la relation client en Algérie »
Pouvez-vous nous parler en premier lieu de votre société ?
VOCALCOM est une entreprise spécialisée dans les solutions et technologies pour centres de contacts (appelés plus communément centres d’appels). Elle occupe aujourd’hui une position de leader sur ce marché avec plus de 520 000 télé-conseillers qui travaillent chaque jour sur nos plateformes à travers le monde. Les solutions VOCALCOM sont régulièrement primées pour leurs innovations (élues 8 fois produit de l’année aux U.S.A, label européen de l’innovation EUREKA, etc.).
Pouvez-vous nous donner une idée plus précise sur les services que vous proposez ?
Nous proposons des solutions complètes pour tout ce qui concerne la gestion de la relation client, les études projet, la mise en place, l’installation de technologies adaptées (HERMES, AVAYA, etc.), l’accompagnement terrain, la formation, etc. Nous intervenons aussi bien sur les aspects techniques que sur l’aspect métier car nos équipes sont constituées d’ingénieurs bien sûr, mais aussi d’experts dans la gestion de projets et de productions. Notre intervention peut aller de la phase projet à la concrétisation sans omettre le suivi. Les solutions VOCALCOM ne sont en fait pas destinées uniquement aux Call Center. En effet, elles offrent aussi la possibilité à toute entreprise désireuse d’optimiser sa relation client d’atteindre ses objectifs.
Quel est le profil de vos clients et quels sont vos fournisseurs d’équipements et de solutions ?
Nous avons 2 catégories de clients: les centres de contacts qui sous-traitent pour le compte des entreprises et les entreprises elles-mêmes qui décident d’internaliser leur gestion de la relation client. Concernant nos fournisseurs, nous n’en avons pas vraiment. Je parlerais plutôt de partenaires technologiques et là je citerai nos groupes partenaires AVAYA, INTEL, DIALOGIC, etc.
Depuis quand VOCALCOM s’intéresse-t-elle au marché des Call Center et depuis quand êtes-vous implanté en Algérie ?
VOCALCOM s’est toujours intéressée au marché des Call Center puisqu’il s’agit de son marché de prédilection et ce, depuis sa création en 1995. En Algérie, l’implantation de notre filiale est récente (octobre 2009) mais notre présence remonte à 2005 avec l’arrivée des premiers centres d’appel algériens.
Parlez-nous de votre position sur le marché algérien des centres d’appel ?
Aujourd’hui, le marché algérien de la relation client est naissant et notre objectif est d’accompagner les entreprises et les sous-traitants (centres d’appel) dans la mise en place de leurs plateformes. Nous travaillons pour cela en étroite collaboration avec nos clients afin de mettre en place les solutions les mieux adaptées à leurs besoins. Notre ambition est simple : devenir le principal partenaire des acteurs de la relation client en Algérie.
Comment percevez-vous l’avenir du secteur en Algérie ? Comment les centres d’appel vont pouvoir s’imposer face aux prestataires marocains et tunisiens bien présents?
Concernant l’avenir, je n’ai pas trop d’inquiétude car il y a un fort potentiel que ce soit dans le besoin du marché que dans la disponibilité des ressources. Or, il ne faut pas se limiter uniquement au marché offshore. Nos voisins tunisiens et marocains ont beaucoup misé sur l’offshore ce qui leur a plutôt bien réussi, mais le potentiel de croissance en Algérie se situe au niveau local. En effet, avec 30 millions de consommateurs et une concurrence de plus en plus rude dans tous les secteurs (télécom, assurance, banque, agro-alimentaire,…), les entreprises qui réussiront à gagner des clients et les fidéliser auront une longueur d’avance sur les autres.
Combien d’emplois ont été créés par l’activité des centres d’appel en Algérie ?
Aujourd’hui, environ 3 000 emplois ont été créés en Algérie mais l’activité tourne à peine à mi-régime car le potentiel est tellement fort qu’il serait réaliste de parler de 10 000 emplois d’ici 3 ans.
Pensez-vous que le métier a de l’avenir en Algérie ?
Absolument, les opportunités sont nombreuses. Le marché est naissant et surtout immense. Cependant, les entreprises n’ont pas encore pris conscience des enjeux que représentent la gestion de la relation client et de son apport et nous allons travailler dans ce sens.
Enfin, quelles sont selon vous les contraintes qui entravent le développement des centres d’appel en Algérie ?
Le manque d’expérience dû à la jeunesse du métier en Algérie est le principal frein à l’activité. Cela dit, d’autres paramètres peuvent entraver l’évolution du métier comme le manque de dispositifs (aides fiscales, formations,..) de la part des pouvoirs publics qui pourtant aideraient une activité qui crée beaucoup d’emplois (surtout chez les jeunes) et qui contribue à l’apport de devises (opérations offshore). Malgré les points cités précédemment, je suis confiant pour l’avenir car les pouvoirs publics vont finir par prendre conscience des enjeux et concernant le manque d’expérience, je ne suis pas du tout soucieux car celle-ci s’acquiert avec le temps.
Source: N'TIC 38 / NOVEMBRE 2009