Langage SMS: Syntax Massacring Service

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Entretien avec M. Saïd Sebaoun, professeur de sociologie à l’université de Blida



Le SMS gagne de plus en plus de terrain dans la société algérienne et semble être l’outil privilégié d’une grande catégorie d’utilisateurs de téléphones mobiles. Quelle est votre lecture en ce qui concerne ce phénomène ?

Le SMS est un phénomène à deux dimensions. La première dimension est bien évidemment technologique. L’Algérie, comme les autres pays, vit aujourd’hui au rythme des changements imposés par la technologie et le SMS en tant qu’outil de communication en fait partie. La deuxième dimension est sociologique. Il semblerait, à ce sujet, que le SMS participe, depuis quelque temps, à la restructuration du lien social en Algérie. A titre d’exemple, il y a quelques années, les gens se rendaient mutuellement visite durant les fêtes et ne pouvaient imaginer les choses autrement. Aujourd’hui, par le biais de la technologie, nous pouvons toucher beaucoup de gens en envoyant un message et nous constatons d’ailleurs que la société algérienne accepte désormais le SMS comme outil d’échange dans un cadre social. Nous pouvons, en effet, facilement accepter un SMS de voeux d’une personne durant les fêtes, sans s’offusquer de ne pas la voir nous rendre visite. Il y a donc une acceptation vis-à-vis du SMS en tant qu’outil permettant de renforcer les liens sociaux.

La majorité des SMS sont rédigés avec des abréviations. Quel est votre point de vue à ce propos ?

Il est vrai que le SMS rédigé avec des abréviations ne rend pas service à l’orthographe. Les messages sont écrits d’une manière déformée avec un mélange d’arabe et de français. Nous constatons, cependant, que nous acceptons actuellement ce phénomène car ce qui semble être important pour les rédacteurs des SMS, c’est le contenu des messages à envoyer. Les gens optent pour les abréviations car c’est plus pratique et plus rapide à faire. Bien sûr d’un point de vue purement sociologique, les abréviations SMS sont une réalité issue du besoin de faire parvenir un message le plus vite possible. En revanche, d’un point de vue linguistique, le langage SMS représente un phénomènenégatif. Les règles  de la langue ne sont pas respectées, ce qui génère de mauvaises habitudes lorsqu’il s’agit de rédiger des textes.

De manière générale, les technologies de la communication sont très présentes en Algérie. Quelles en sont les implications sociologiques, selon vous ?

La technologie a eu beaucoup d’effets sur les liens sociaux en Algérie dans une proportion que nous ne pouvions imaginer il y a une vingtaine d’années. La technologie, sous ses différentes formes, a restructuré le lien social en Algérie comme dans les autres pays du monde d’ailleurs. La distance est désormais assez peu significative lorsqu’il s’agit de communiquer grâce à Internet ou à la téléphonie mobile. Sociologiquement parlant, aucune société n’est statique. La technologie, pour sa part, joue un grand rôle dans le rythme avec lequel les sociétés connaissent leurs mutations. L’Algérie n’est pas une exception et est à présent en pleine mutation sous l’effet des nouvelles technologies de la communication.

Il est indéniable que le SMS est aujourd’hui l’outil le plus utilisé en Algérie. Il n’y a qu’à voir le nombre de textos qui sont envoyés durant les fêtes annuelles. Les opérateurs téléphoniques enregistrent des pics records: 78 millions de messages échangés durant l’Aïd El Fitr sur le réseau de Djezzy, 50 millions sur le réseau Nedjma. Le langage utilisé est-il alors néfaste ou au contraire enrichit-il la langue ? L’avis est partagé. Ce qui est sûr, c’est que le niveau des algériens en français a beaucoup baissé ces dernières années selon les enseignants de français que nous avons rencontré et cela va de pire en pire. Le langage SMS n’arrange pas les choses puisque les règles de la langue sont bafouées. Les élèves, notamment, doivent apprendre à faire la part des choses et à distinguer SMS et copie d’examens !

Source: N'TIC 49 / NOVEMBRE 2010