Le chômage, c’est le mal du siècle en Algérie. Des jeunes diplômés sans emploi, c’est le sempiternel cauchemar des Algériens. Autorités, gouvernement et société civile craignent les conséquences funestes d’un tel fléau. Des solutions sont envisagées. Des plans sont élaborés. Mais pour l’heure, un créneau stratégique est négligé : celui des TIC. Oui, le virtuel peut soulager le réel. Suivez le guide…
L’économie numérique crée de l’emploi et réduit le chômage. Cette réalité vérifiée dans de nombreux pays à travers le monde a encore du mal à s’imposer en Algérie. Et pourtant, les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) constituent un important outil de développement et de promotion de l’investissement en Algérie.
C’est du moins ce que croit fermement l’expert et enseignant à l’université d’Alger, Moncef Djazairi. Ce dernier, lors de son intervention dans une journée d’information et d’étude sur " les TIC dans le domaine de l’investissement " organisée récemment à Tissemsilt par la chambre de commerce et d’industrie "Ouarsenis", a souligné que les sites web des chambres de commerce aidaient les opérateurs économiques et les investisseurs à s’informer des mesures liées à l’investissement.
Les TIC peuvent attirer les investisseurs
De cette manière, les TIC poussent à la création de l’emploi. Et cette démarche devrait être généralisée, préconise cet expert en appelant les pouvoirs publics à entreprendre des démarches pour attirer des investisseurs algériens et étrangers en leur fournissant, à travers les moyens de communication modernes, des informations sur les opportunités et les facilités offertes par chaque wilaya à travers l’Algérie en matière d’investissement. Moncef Djazairi suggère donc de doter chaque wilaya d’un site électronique contenant des informations sur les spécificités économiques de chaque région.
Pour sa part, Redouane Hamza, PDG d’Alstair, une compagnie de droit canadien basée à Montréal, estime que les PME algériennes doivent développer en urgence les TIC pour rester compétitives. « Les entreprises algériennes doivent développer les Technologies de l’information et de la communication pour rester compétitives dans un marché de plus en plus concurrentiel », a-t-il affirmé récemment à Alger lors d’une conférence intitulée " Quelle infrastructure et système d’information pour l’entreprise algérienne ? ".
Devant un parterre d’enseignants, chercheurs et chefs d’entreprises, cet expert a indiqué que les entreprises nationales publiques et privées continuaient de fonctionner avec un déficit chronique d’information pour supporter la prise de décision et gérer le processus opérationnel.
Les TIC dopent la compétitivité des entreprises
Dressant un tableau sombre de la situation qui prévaut aujourd’hui dans les entreprises publiques et privées en matière de communication, il a affirmé qu’en Algérie, et après quatre décennies de planification et la mise en place de centaines de plans de directeurs informatiques, « force est de constater qu’en dehors de quelques cas, nos entreprises n’ont pas de véritable stratégie de communication ».
Selon M. Hamza, " l’information est une valeur marchande et sa circulation est créatrice de richesses ". Il est grand temps que les entreprises algériennes prennent conscience de cette réalité. Et pour ce faire, il faut désormais entamer une réflexion autour de cette question par les représentants des PME pour élaborer des stratégies dans le domaine des technologies de l’information et de la communication d’autant, que " la volonté des pouvoirs publiques existe pour remédier à ces lacunes et aller vers plus de transparence ".
Selon cet interlocuteur, l'un des grands challenges des entreprises est de se transformer pour devenir agiles, efficientes, innovantes et profitables. Et si certaines entreprises et organismes continuent de fonctionner avec un minimum d’investissements dans les TIC, les opportunités de prospérer vont se refermer, mettant les gestionnaires devant le choix de s’adapter ou de disparaître.
" L’entreprise algérienne a-t-elle les instruments nécessaires pour naviguer dans un environnement réglementaire en mouvement, des marchés volatiles, des cycles technologiques de plus en plus courts et une compétition rude ? ", s’est interrogé encore Redouane Hamza soulignant que dans les pays industrialisés, 60 à 70% des entreprises ont adopté des plans de communication durant les 15 dernières années.
Les TIC créent de la croissance
A l’instar de Redouane Hamza, de nombreux acteurs économiques, investisseurs et experts sont unanimes et affirment que l’économie algérienne doit relever le défi d’investir dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication eu égard à son rôle " important et primordial " dans la croissance et les opportunités de développement qu’elles offrent aux entreprises.
Lors de sa visite à Alger, Jean-Pierre Temime, vice-président du groupe français Orange, en charge de l’innovation et des technologies, a fait remarquer que l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication permet " une croissance de l’entreprise et une croissance de l’économie elle-même ". Et qui dit croissance, dit naturellement création de l’emploi et de la richesse à distribuer pour toute la société.
" Le secteur de l’économie numérique représente le secteur le plus dynamique de l’économie mondiale, mais les régions du monde sont différemment impactées ", a-t-il affirmé, soutenant que " l’Afrique s’appuie sur les TIC pour gérer sa croissance économique ".
Pour lui, une croissance de 10% en matière de pénétration du mobile créera en Afrique une croissance d’environ 1.5% du PIB. La numérisation des entreprises permettra, a-t-il poursuivi, la création de métiers et usages innovants et transformera leurs fonctions et des secteurs entiers seront totalement reconfigurés.
Cependant, en dépit de son potentiel financier, l’Algérie accuse un retard " énorme " dans ce domaine et n’exploite pas ou pas suffisamment le développement des TIC, notamment Internet, ont souligné amèrement plusieurs participants à une rencontre sur l’économie numérique, organisée récemment par la chambre de commerce et d’industrie algéro-française (CCIAF).
A ce propos, Younès Grar, expert algérien en TIC, a mis l’accent sur la nécessité de mettre en place " un vrai plan de développement numérique " qui passe par la généralisation de l’accès aux réseaux numériques, le développement de l’offre de contenus numériques, la modernisation de la gouvernance et la diversification des usages et des services numériques.
Younès Grar a jugé également "primordial" de passer le flambeau à la jeune génération qui suit plus facilement la grande révolution qui caractérise le monde numérique. Toutefois, cet expert n’a pas caché ses doutes sur l’existence d’une véritable volonté politique du gouvernement de développer les TIC en Algérie. " Est-ce que cette volonté déclarée est réelle ou c’est juste un vœu ? ", s’est-il interrogé.
Lies Kerrar, Président de Hawkama El Djazair et d'Humilis Finance, a insisté, de son côté, sur la modernisation des institutions étatiques et des entreprises, estimant que le problème ne se pose pas en terme technologique, mais plutôt sur le plan de la volonté politique.
Les TIC rapportent des Profits
" L’opération de modernisation est très facile à mener, 3 à 6 mois suffiront pour introduire les TIC au sein d’une institution ou d’une entreprise, mais il faut juste se décider à le faire ", a indiqué cet expert. Pour sa part, le président de l’Association Algérienne des Fournisseurs de Services Internet (AAFSI), Ali Kahlane, a mis en avant la contribution des TIC au développement économique des entreprises et du pays, regrettant toutefois le fait que les sociétés algériennes restaient en retrait de la révolution numérique.
" Aujourd’hui, l’impact de l’utilisation des TIC sur le rendement de l’entreprise n’est plus à démontrer. Certains acteurs ont commencé à tirer profit de leur numérisation ", a-t-il affirmé. Selon cet expert, 13 actions de développement de services en ligne et d’applications en direction des entreprises ont été identifiées pour accélérer l’usage des TIC dans les entreprises, mais " aucune action n’a été lancée ". " Il ne suffit pas de se doter de stratégie de développement à chaque fois, il faut surtout avoir les coudées franches pour les concrétiser ", a-t-il conclu.
Le gouvernement affiche ses ambitions mais…
Bâtir une économie numérique en Algérie, c’est l’ambition aussi du gouvernement. Celui-ci, depuis quelques mois, ne semble pas insensible aux appels des experts et des entrepreneurs. Preuve en est, depuis la rentrée, un plan faramineux a été dessiné. En effet, le gouvernement algérien a décidé d’allouer une enveloppe de 140 milliards de dinars au Ministère de la Poste et des Technologies de l’Information et de la Communication, devant être consacrée notamment au renforcement des capacités en matière des TIC, avait annoncé il y a de cela quelques temps l’ancien ministre en charge du secteur Moussa Benhamadi.
" Le gouvernement va accorder 140 milliards de dinars au ministère pour pouvoir réaliser des infrastructures, qui feront partie par la suite du patrimoine d’Algérie Télécom ", avait-il déclaré en marge de la signature d’un accord sur le référentiel emploi entre la direction d’Algérie Télécom et le syndicat d’entreprise.
Il avait expliqué, à cette occasion, que cet investissement allait servir à renforcer le réseau de la fibre optique en Algérie, d’adapter les infrastructures et de renforcer les capacités en matière de TIC jusqu’en 2015. Le Ministre avait rappelé, pour convaincre les plus sceptiques, que le gouvernement avait déjà accordé, dans le cadre du plan d’accompagnement d’Algérie Télécom, un prêt de 115 milliards de dinars sur 15 ans avec un taux d’intérêt de 3.5%.
Quant au développement d’Algérie Télécom, le gouvernement a assuré que cette entreprise avait commencé la mise en place de la LTE (Long Term Evolution), " qui est assimilée à la téléphonie de quatrième génération 4G pour le téléphone fixe, dans les régions enclavées, montagneuses et frontalières du pays ". Mais ce plan suffira-t-il pour remettre l’Algérie sur les rails du développement numérique ? Pas vraiment car l’ampleur du chantier à mener est immense.
Et pour cause, l’Algérie a reculé à la 131ème place dans le classement mondial 2013 des technologies de l’information et de la communication, après avoir occupé le 118ème rang en 2012, selon le dernier rapport du World Economic Forum. Sous le thème " Croissance et emploi dans un monde hyper-connecté ", ce rapport de plus de 400 pages a élaboré son classement en fonction de l’indice " Networked Readiness Index " (NRI) qui évalue la disponibilité de 144 pays à exploiter les TIC en termes notamment de croissance, de compétitivité ainsi que de la prospérité de leurs citoyens.
Il est à souligner que l’indice NRI calcule l’aptitude d’un pays à exploiter pleinement les TIC en termes respectivement d’infrastructures des TIC, du coût d’accès et de disponibilité des compétences requises pour un usage optimal, de l’utilisation des TIC par les gouvernements et le milieu des affaires, du contexte économique et du climat pour l’innovation, du cadre politique et réglementaire et de l’impact économique et social des TIC.
Pour chacun de ces paramètres, le rapport a également élaboré un classement pour l’ensemble des pays. Selon les auteurs de cette étude, le rapport démontre qu’un pays " qui tarde à mettre en place une vaste stratégie nationale pour le service à grand débit risque d’accuser un déficit de compétitivité mondiale et ne pourra pas récolter les avantages sociaux des TIC ".
Les TIC, poumon de la création d’emploi
De surcroît, ils relèvent que " les avantages des TIC sont, aujourd’hui, largement reconnus et représentent une méthode permettant aux entreprises et au secteur économique d’optimaliser la productivité, de libérer des ressources et d’encourager l’innovation et la création d’emploi ". Dans son commentaire pour chacun des pays évalués, le rapport souligne que pour ce qui concerne l’Algérie, " sa chute de 13 places, en une année, pour occuper le 131ème rang, montre qu’elle continue à afficher un faible effet de levier des TIC, avec l’un des impacts les plus faibles mondialement sur le plan économique (143ème place mondiale pour ce critère) et social (141ème) ".
Il souligne également qu’une " mauvaise infrastructure des TIC (119ème) combinée avec une faible base de compétences (101ème) se traduisent par des niveaux très faibles d’utilisation des TIC (140ème) ".
A cet effet, le rapport précise que l’Algérie se classe respectivement à la 100ème place sur la base du critère de l’usage individuel des TIC, à la 144ème place dans leur usage dans le domaine des affaires, et à la 139ème place dans leur utilisation dans la sphère institutionnelle et gouvernementale. En outre, il considère que " les graves déficiences dans le cadre réglementaire (141ème) et les insuffisances dans l’environnement des affaires et de l’innovation (143ème) entravent les capacités positives qui découlent des TIC ".
Par ailleurs, il est constaté qu’à l’échelle arabe, l’Algérie se classe à l’avant-dernière place suivie de la Libye. Les pays arabes les mieux classés et qui se trouvent au Top 30 à l’échelle mondiale sont le Qatar (23ème), les Emirats Arabes Unis (25ème) et le Bahreïn (29ème).
Les TIC promettent de nouvelles perspectives pour l’emploi
Les défis à relever pour l’Algérie sont donc énormes. Et les TIC se retrouvent au cœur de ses actions pour offrir de meilleures conditions de vie à ses citoyens. Une vie plus agréable qui passe incontestablement par des dignes de ce nom. Et à ce titre, la Banque Mondiale a assuré que les TIC couvrent de nouvelles perspectives pour créer des emplois et remédier ainsi au chômage.
« Songez que, dans le domaine des applications pour téléphones portables, une entreprise qui fournit l’Apple Store par exemple accède ainsi aux plus de 500 millions de titulaires d’un compte », explique cette institution internationale dans une note de conjoncture. Dans ce sillage, elle n’omet pas de souligner que les TIC rapprochent les actifs des emplois.
« Les bourses du travail en ligne, qui mettent en relation candidats et employeurs du monde entier, aideraient près de 12 millions de personnes à se faire embaucher. Des sites comme Babajob en Inde, Duma et M-Kazi au Kenya ou Souktel au Moyen-Orient et en Afrique du Nord proposent des services de recherche d’emplois par Internet ou via les technologies mobiles. À l’instar de Souktel, qui cible les communautés à faible revenu, ils améliorent l’inclusion sur les marchés de l’emploi », argue encore la Banque Mondiale.
Pour sa part, Chris Vein, Responsable de l’innovation à la Banque Mondiale pour le développement des TIC dans le monde, va jusqu’à affirmer que « les nouveaux débouchés professionnels dans les TIC sont importants parce que tous les pays cherchent à créer davantage d’emplois de qualité avec des retombées économiques et sociales positives pour les travailleurs comme pour la collectivité ».
A la Banque Mondiale, on est donc convaincu que les TIC vont faire reculer le chômage dans le monde et révolutionner les modes de production et de travail. Cette prise de conscience tarde, malheureusement, à voir le jour en Algérie. Et pourtant, dans de nombreux pays à travers le monde, les TIC ont été exploitées pour offrir du travail aux jeunes chômeurs. L’exemple des Tigres asiatiques est éloquent à ce sujet. La Malaisie, Taiwan, Thaïlande ou l’Indonésie ont une expérience à transmettre à l’Algérie dans ce domaine. Dans ces pays, naguère sous-développés, une véritable industrie s’est créée autour des TIC. Ce qui a permis à ces nations d’être propulsées dans la modernité. L’Algérie peut donc s’inspirer de ces exemples à condition qu’elle soit dépourvue d’une véritable vision de l’avenir et d’une sérieuse volonté de faire….